A quelques jours des élections européennes, l'association Bloom dévoile un classement inédit des eurodéputés en fonction de leurs positionnements sur l'écologie et la justice environnementale. Un classement éloquent, alors que les partis les plus à même d'agir pour la préservation de l'environnement ont parmi les intentions de vote les plus basses.
Donner aux futurs électeurs toutes les clés pour savoir si, oui ou non, les eurodéputés ont réellement voté en faveur de la protection de l’environnement lors de la dernière mandature (2019-2024). C’est l’ambition de l’association Bloom qui, à quelques jours des élections européennes, vient de publier un classement des eurodéputés en fonction de leurs positions sur l’écologie et la justice environnementale.
Un classement que l’association espère d’« utilité publique », alors que le Rassemblement national (RN) caracole en tête des sondages, loin devant la gauche écologique et sociale.
« A l’approche des élections, les politiciens, notamment à droite et à l’extrême-droite, sont de plus en plus nombreux à se dire favorables à la préservation de l’environnement, entame Alessandro Manzotti, chargé de recherche et de plaidoyer chez Bloom, pour La Relève et La Peste. Mais entre leurs discours et les lois qu’ils votent réellement au Parlement européen, il y a parfois un gouffre. C’est pour cette raison qu’on a voulu aller voir dans le détail comment les eurodéputés ont vraiment voté ces cinq dernières années. »
Et de renchérir : « C’est également un très bon indicateur sur la façon dont ils pourraient voter s’ils étaient réélus aux prochaines élections européennes le 9 juin prochain ».
150 votes passés au crible
En se basant sur l’analyse de 150 votes relatifs à la préservation de l’océan et la pêche artisanale, la lutte contre le changement climatique, la protection de la biodiversité et de l’agriculture durable, et la promotion de la justice et des droits environnementaux, l’association, présidée par Claire Nouvian, a attribué à chacun des eurodéputés des notes individuelles, à retrouver sur le site Ipolitics développé par Bloom.
Et d’après les analyses de l’association, le constat est sans appel : le Rassemblement national (RN), dirigé à l’échelle de l’Union européenne (UE) par Jordan Bardella, « s’avère être une catastrophe absolue sur tous les sujets écologiques ».
De fait, Jordan Bardella, à qui l’association a octroyé la plus basse note de 3,9/20, a voté contre un ensemble de textes significatifs qui visaient à protéger l’environnement comme la santé des citoyens européens. Le député du groupe Identité et démocratie s’est notamment opposé au règlement européen pour restaurer la nature, qui constitue pourtant l’un des piliers du Pacte vert (ou Green Deal) pour l’Europe, et qui vise à restaurer au moins 20% des écosystèmes de l’UE d’ici 2030 et leur quasi-entièreté d’ici 2050. L’eurodéputé s’est également opposé à l’objectif de réduction de l’usage des pesticides.
« Ces exemples sont symptomatiques du rejet systémique du RN sur toutes les propositions en faveur de la préservation de l’environnement, insiste Alessandro Manzotti. Il y a une vraie hypocrisie entre les paroles de Jordan Bardella, qui intègre la crise climatique dans son discours, et ses votes au Parlement. »
« Sur les questions environnementales, la droite n’est pas mieux que l’extrême-droite »
Chef de file Les Républicains, François-Xavier Bellamy est également épinglé par l’association spécialisée dans la préservation du climat et des océans, qui lui a attribué la note de 5,1/20. Une note « catastrophique » selon l’association, qui s’explique par l’opposition fréquente de l’eurodéputé à une multitude de textes favorables à la préservation de l’environnement. Le député a notamment soutenu des mesures qui favorisent la pêche industrielle, déplore Bloom, allant contre les intérêts des pêcheurs artisans et favorisant la dévastation des mers.
« Sur les questions environnementales, la droite n’est pas mieux que l’extrême droite, poursuit Alessandro Manzotti, et à ce titre, l’exemple de la pêche industrielle est très parlant. François-Xavier Bellamy a toujours défendu un modèle de pêche non durable, industrialisée, qui favorise les pêcheurs industriels. »
Au centre de l’échiquier politique français,Valérie Hayer se voit, elle, attribuer la note 14,6/20. Si la présidente du groupe européen libéral Renew a notamment voté en faveur du règlement européen sur la restauration de la nature, elle s’est en revanche opposée, pendant les discussions sur le Pacte européen, au « droit fondamental à un environnement sûr, propre, sain et durable et à un climat stable, sans discrimination » pour les Européens.
La présidente de Renew a également voté pour faire supprimer la mention de l’objectif des 1,5°C comme critère principal dans la politique commerciale européenne, rappelle Bloom. Des choix qui empêche la tête de liste Renaissance et son groupe de constituer une « alternative crédible et déterminée afin de défendre la protection de la nature et des travailleurs », continue l’association.
Une gauche écologique et sociale aux avant-postes de la préservation de l’environnement
Dans ce contexte, les eurodéputés a faire la part belle à l’environnement sont, sans grande surprise, Raphaël Glücksmann (Place Publique), Manon Aubry (La France insoumise) et Marie Toussaint (Europe-Écologie Les Verts), qui obtiennent respectivement les notes de 19,8/20, 19,9/20 et 20/20.
Tous trois ont notamment voté en faveur de l’accélération du développement des énergies renouvelables dans l’Union européenne, du règlement européen sur la restauration de la nature, ainsi que pour la taxe carbone aux frontières, dont l’objectif est notamment de limiter la concurrence déloyale face à des entreprises qui ne respecteraient pas les mêmes critères environnementaux que celles basées en Europe.
Des très bons résultats, également mis en avant par le Réseau action climat. L’association, qui fédère des acteurs engagés dans la lutte contre le changement climatique, a de son côté évalué les programmes des huit principales listes aux élections européennes en fonction de thématiques comme l’énergie, l’industrie, l’agriculture ou encore la nature et la santé, et, là encore, Place Publique, La France insoumise et Europe-Écologie Les Verts arrivent en tête.
Des intentions de vote défavorables à la préservation de l’environnement
A quelques jours des élections européennes, « il apparaît clairement que la gauche écologique et sociale est la plus à même de porter les combats écologiques au Parlement européen et pourtant, c’est elle qui est le plus bas dans les sondages, résume Alessandro Manzotti. C’est évidemment très inquiétant que les partis les plus exemplaires en termes d’écologie aient les intentions de vote les plus faibles », continue le chargé de recherche et de plaidoyer.
D’après le comparateur de sondages du Huff Post en date du 3 juin, Place Publique, La France Insoumise et Europe-Écologie Les Verts sont respectivement crédités de 13,8%, 7,4% et 5,7% des intentions de vote, contre 32,6% pour le RN.
« Ces intentions de vote sont alarmantes, conclut Alessandro Manzotti, mais on pense vraiment que ce type de classements peut changer la donne en permettant aux électeurs de prendre leur décision avec plus d’informations en main. »
Et de finir : « Depuis le début de la campagne, l’écologie a été complètement reléguée au second plan dans les débats, mais ça reste un sujet important pour beaucoup d’électeurs, notamment parmi chez les jeunes. On espère que ces derniers iront voter même si, à notre grand regret, les élections européennes semblent encore très abstraites et lointaines pour beaucoup d’électeurs. »