Le 29 juillet marque le jour du dépassement pour l’année 2019. Ce jour symbolise le moment où nous avons épuisé plus de ressources et émis plus de CO2 que ce que la planète Terre est capable de générer ou d’absorber en un an. Les principaux pays responsables de cet anniversaire alarmant ne sont pas ceux ayant le plus grand nombre d’habitants, mais bien ceux dont le mode de vie n’est pas soutenable.
En 1970, le « jour de dépassement » mondial était atteint le 29 décembre. En 2019, il a lieu le 29 juillet. En 7 mois, nous avons pêché plus de poissons, abattu plus d’arbres et cultivé plus de terres que ce que la nature peut régénérer en un an. De la même façon, nos émissions de dioxyde de carbone ont été plus importantes que ce que nos océans et nos forêts peuvent absorber. Selon les calculs du Global Footprint Network, il faudrait ainsi 1,75 Terre pour tenir le rythme de la consommation mondiale de ressources.
Le jour du dépassement marque ainsi le moment où l’humanité vit à crédit. Global Footprint Network le calcule en se basant sur « la comptabilité précise de l’utilisation et de la capacité de régénération des ressources écologiques de plus de 200 pays et régions de 1951 à nos jours », avec les données des Nations unies (ONU). Cette méthode de calcul fait l’objet de controverses, notamment par ceux qui considèrent que l’on pourrait augmenter la biocapacité de la planète en intensifiant le rendement de l’agriculture ou en faisant « certaines découvertes révolutionnaires ».
Pourtant, si l’on regarde les pays consommant le plus de ressources, ceux en tête de liste possèdent un haut potentiel technologique : Etats-Unis, Australie, Russie, Allemagne…
De la même façon, si la surexploitation de nos ressources est souvent expliquée par la hausse de la population, les pays à la plus forte démographie ont la plus faible empreinte écologique. La France, avec 67 millions d’habitants, utilise ainsi 2,7 planètes alors que l’Inde, qui compte 1,3 milliards d’habitants, seulement 0,7 planète. Ce sont donc bien les modes de vie des pays qui sont problématiques.
Depuis 1982, le jour symbolique du dépassement arrive toujours plus tôt chaque année… sauf en 2009 ! Malgré tous les sommets internationaux, les solutions proposées, les « efforts » demandés aux citoyens, les alertes lancées autour de la destruction du vivant, il aura fallu une crise économique mondiale pour forcer les humains à ralentir le rythme, illustrant l’échec du modèle économique dominant à assurer un mode de vie pérenne et juste dans la capacité des limites de la biosphère.
« Le travail annuel d’une nation est le fonds primitif qui fournit à sa consommation annuelle toutes les choses nécessaires et commodes à la vie », écrivait Adam Smith dès la première phrase de son livre La richesse des nations, livre fondateur qui a inspiré toute notre économie actuelle. Adam Smith se trompait, fondamentalement : le fonds primitif qui a permis à l’économie humaine de prospérer, c’est celui de la nature et de ses richesses, notamment l’énergie qui donne accès à toutes les autres ressources naturelles. Sans énergie, pas de matière première pour travailler, pas de croissance économique. Or, toutes les ressources de la Terre ont des limites. En ignorant que le fonds primitif de l’économie humaine était la nature, Adam Smith et ses émules annulaient en fait toute chance réelle d’ériger une quelconque limite à nos activités, démultipliées grâce à l’utilisation croissante d’énergie fossile. Nous avons ainsi pu tranquillement développer notre voracité et scier la branche qui nous supporte. Et cela fait maintenant des dizaines d’années que nous surexploitons ce fonds primitif naturel – donc que nous affaiblissons sa résilience. » Dr Pétrole et Mr Carbone
Comme le rappelle l’IPBES, le scénario « business as usual » nous conduit droit dans le mur. De nombreuses ONG rappellent ainsi qu’il faudrait cesser de ratifier des accords commerciaux climaticides tels que le CETA et le MERCOSUR (avec le Brésil dont le gouvernement actuel ne met aucun frein à la déforestation de l’Amazonie).
Certaines solutions individuelles paraissent simples à mettre en place, comme diviser par deux notre consommation de protéines animales pour gagner 15 jours par an, ou réduire notre gaspillage alimentaire de moitié pour repousser la date de 10 jours. Mais les pistes données par le mouvement « move the date » témoignent de l’ampleur du chantier : arrêter l’exploitation des énergies fossiles, se tourner vers les énergies renouvelables, stopper la déforestation de masse, restaurer les écosystèmes, protéger la biodiversité, développer le bio et l’agroécologie.
Repenser nos modes de vie implique de repenser tout le modèle économique dominant, mais aussi remettre en cause la civilisation thermo-industrielle. Le jour du dépassement n’est qu’une date supplémentaire pour nous rappeler que plus nous tardons à prendre acte de la crise en cours, et à agir, plus les conséquences seront dramatiques pour l’humanité et le vivant.