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Pour la CNIL, le pass sanitaire brise le secret médical et banalise le contrôle de la population

En outre, les nouvelles mesures sanitaires renforcent les inégalités territoriales, générationnelles et sociales : « les départements les plus pauvres sont ceux où la population est la moins vaccinée ». La CNIL souligne que le fait que les tests soient gratuits ou payants est essentiel pour apprécier la portée de la mesure.

Depuis lundi, le pass sanitaire est obligatoire pour les salariés en contact avec le public, notamment dans les restaurants et lieux culturels, soit 1,8 million de personnes. Pour ses détracteurs, ce pass représente « un danger autoritaire ». La CNIL, chargée de la protection des données, a confirmé cette lecture en alertant les parlementaires sur « le risque d’accoutumance et de banalisation de tels dispositifs attentatoires à la vie privée et de glissement, à l’avenir, et potentiellement pour d’autres considérations, vers une société où de tels contrôles deviendraient la norme et non l’exception ». Elle recommande de l’arrêter dès que possible, ainsi que d’évaluer les moyens de contrôle mis en place par le gouvernement pour en estimer leur véritable efficacité.

Le danger d’un État contrôlant

Bien que le pass sanitaire soit justifié par l’exécutif pour aboutir à une vaccination massive de la population, ce moyen de contrôle des masses doit d’abord être analysé pour lui-même afin d’en comprendre la portée. Pour de nombreux citoyens et organisations syndicales ou associatives, il s’agit avant tout d’une mesure autoritaire qui doit être dénoncée en tant que telle.

« Le Pass n’est absolument pas la bonne réponse. C’est une attaque contre les droits sociaux et le droit du travail à travers la possibilité de suspendre les salaires. Plus généralement, c’est une réponse qui passe par le contrôle généralisé de la population, la répression plutôt que la prévention et des moyens de santé. », résume Aurélie Trouvé, la porte-parole d’Attac

Auditionnée par le Sénat, Marie-Laure Denis, la Présidente la CNIL a abondamment partagé ces craintes en mettant en avant le dangereux précédent que créée l’utilisation du pass sanitaire, à la fois dans le fait qu’il brise le secret médical, mais aussi car il banalise la surveillance de masse sans réels garde-fous grâce à l’utilisation des millions d’usagers ayant payé eux-mêmes un smartphone.

« Il me semble important d’alerter sur le risque de créer un phénomène d’accoutumance préjudiciable qui pourrait conduire, demain dans un tout autre contexte sanitaire, à justifier qu’on ait recours à un dispositif de contrôle numérique analogue pour contrer toute épidémie particulièrement contagieuse. Au surplus, une telle divulgation de données de santé à l’employeur pose des questions en matière de respect de la vie privée des salariés, d’une part, et, entraîne des risques en matière de protection des données à caractère personnel, d’autre part. » explique-t-elle

Ironie du sort, une nouvelle enquête de Mediapart vient de confirmer ses craintes. Elle révèle que plus de 700 000 résultats de tests, et toutes les données personnelles des patients concernés y compris leur adresse postale, ont été durant des mois accessibles en quelques clics en raison de failles béantes sur le site de Francetest, qui a transféré les données des pharmaciens vers le fichier SI-DEP alors qu’il n’était pas homologué.

Pour autant, le dispositif du pass sanitaire n’est pas si étonnant dans le sens où il s’inscrit dans le continuum d’une politique de contrôle des corps. Elle est mise en place par le gouvernement français depuis quelques années afin de mettre une pression sur celles et ceux qui ne se conformeraient pas à ses exigences, comme le dénoncent de nombreuses associations de défense des libertés et droits humains.

« La crise sanitaire a très certainement facilité ces évolutions, mais son rôle ne doit pas être exagéré. Cet emballement dramatique des pouvoirs de l´État s’inscrit dans un mouvement d’ensemble déjà à l’œuvre depuis plusieurs années, qui n’a pas attendu le coronavirus, et contre lequel nous luttons sous le nom de « Technopolice ». Il s’agit du déploiement de nouvelles technologies visant à transformer les villes en « safe cities » capables de réguler l’ensemble de l’espace public. » explique ainsi La Quadrature du Net dans un long décryptage

Également, ce dispositif risque une fois de plus de diviser la population ainsi que s’en inquiète un trio de citoyens inquiets : « en délégant le pouvoir de l’État à toute une foule de citoyens, petits commerçants, fonctionnaires, secrétaires médicaux, vigiles et forces de sécurité, chargés de se contrôler les uns les autres, avec leur propre smartphone, sans que cela ne coûte un sou à l’État. »

Ils rappellent ainsi que Deleuze écrivait déjà en 1977 que le « néo-fascisme » reposait sur « l’organisation concertée de toutes les petites peurs, de toutes les petites angoisses qui font de nous autant de microfascistes, chargés d’étouffer chaque chose, chaque visage, chaque parole un peu forte, dans sa rue, son quartier, sa salle de cinéma. »

L’efficacité interrogée d’une collecte massive de données

De son côté, le gouvernement se gargarise du franc succès du pass sanitaire, dans le sens où il a obligé une large partie de la population à se faire vacciner, ne serait-ce que pour espérer conserver son salaire dans certains secteurs.

Au total, 43 600 472 personnes sont complètement vaccinées contre le Covid-19 en France, ce à quoi s’ajoutent 4 666 184 personnes en attente de leur dernière injection. Le taux d’adultes totalement vacciné atteint donc pour l’heure 72,5% en France.

Par comparaison avec nos voisins, il est d’environ 20 % en Bulgarie, 32,8 % en Roumanie, 49 % en Slovaquie et 58,1 % en Pologne, 70,6 % en Allemagne, 76,7 % en Espagne, 82,4 % au Portugal et 85,5 % en Irlande, selon les données du Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC).

En France, les 12-17 ans sont déjà vaccinés à près de 60 %, et le gouvernement entend lancer une campagne en milieu scolaire à la rentrée « pour les 40 % restant ». Une autorisation parentale est obligatoire pour les jeunes âgés de 12 à 15 ans.

« L’extension du passe sanitaire a pour effet d’inciter les personnes réticentes à se faire vacciner, ce qui doit soulager notre système de santé d’un afflux de personnes contaminées notamment par les nouveaux variants du virus. Cet objectif nécessite-t-il d’inclure les plus jeunes, à partir de 12 ans, alors que, même s’ils sont potentiellement des vecteurs de contamination auprès d’une population adulte qui sera de plus en plus vaccinée, ce sont eux qui développent le moins de formes graves de la maladie ? » a interrogé la présidente de la CNIL lors de son audition au Sénat

Aux dires du ministre de la Santé Olivier Véran, « la priorité des priorités, ce sont les 2 millions de Français âgés ou malades qui n’ont pas encore été vaccinés ». Soit les populations les plus fragiles, qui auraient dû être les premières concernées par cette campagne de vaccination massive, on dénote ici une première inefficacité du pass.

En outre, les nouvelles mesures sanitaires renforcent les inégalités territoriales, générationnelles et sociales : « les départements les plus pauvres sont ceux où la population est la moins vaccinée » dénonçait ainsi le géographe Sébastien Leroux. La CNIL souligne que le fait que les tests soient gratuits ou payants est essentiel pour apprécier la portée de la mesure.

Même constat sur la scène internationale, où les pays les plus riches font des stocks de vaccins pour les années à venir tandis que les pays les plus pauvres connaissent des taux de mortalité record. Selon les chiffres de l’OMS, il y a eu 4,7 milliards d’injections de vaccins anti-Covid sur la planète, mais seulement 1,3% de ces injections ont bénéficié aux pays en voie de développement.

Quant à ceux qui fraudent en France en utilisant un faux pass ou ceux de complices, quelques personnes proposent déjà un nouveau système affichant le visage des personnes contrôlées ce qui ouvrirait encore plus grand la voie à la reconnaissance faciale dans le pays.

Lire aussi : La France teste officiellement la reconnaissance faciale dans les gares

« Même dans son format le plus sophistiqué, l’efficacité du pass sur le plan sanitaire resterait toujours à démontrer, il demeure de nombreuses incertitudes, que ce soit sur la valeur des tests au bout de 72 heures, sur le taux de transmission même une fois vacciné, sur le cas des nouveaux variants, sur l’efficacité de la contrainte pour inciter la population à se faire vacciner, ou sur la durée de validité à retenir pour les tests de dépistage. » énumère la Quadrature du Net

Ainsi que le recommande la CNIL, il est donc urgent de s’interroger de façon précise sur les lieux où le passe sanitaire s’avère réellement nécessaire et surtout d’avoir dès l’automne une évaluation de l’ensemble des dispositifs mis en œuvre pour lutter contre la COVID-19, et notamment des dispositifs numériques, afin de supprimer ceux dont l’utilité ne serait pas avérée.

Crédit photo couv : Magali Cohen / Hans Lucas via AFP

Laurie Debove

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