Ralentir, rêver, voyager… être à l’écoute de nos besoins d’émerveillement, de (re)connexion et de liberté, en tenant compte des enjeux et changements actuels de notre société : bienvenue dans un nouveau récit, celui du projet Nomades Des Terres. Une immersion de Léa Garson.
Si l’on devait la résumer en une phrase, l’histoire de Nomades Des Terres est celle d’un collectif d’une vingtaine de personnes de divers âges et horizons (étudiant.e.s, architectes, cuisinier.e.s, graphistes…), rassemblées autour d’un objectif commun : faire découvrir le quotidien du voyage en conscience des enjeux écologiques, et ainsi ouvrir une porte vers un mode de vie nomade, résilient et joyeux.
Comment ? En créant des séjours de “tourisme lent” ou slow tourisme, une expérience immersive dans un convoi de roulottes low-tech qui se déplacera, dans un premier temps, à travers le Grand Ouest de la France.
La première étape, c’est de lancer un chantier participatif, pour construire 8 roulottes : une roulotte cuisine, une roulotte sanitaire et 6 roulottes logements. Des stages et formations à l’auto-construction de roulottes éco-conçues, avec des matériaux de réemploi, seront proposés sur place ! Et les plans seront partagés librement (en open source).
De l’amour du voyage… à la nécessité de changer de modèle de vie
L’idée a pris racine dans la tête de Louis Astoux, 29 ans, originaire des Cévennes et amoureux du nomadisme depuis son enfance.
« Quand j’étais gamin, je voyageais avec ma mère en van aménagé, elle jouait de l’orgue de barbarie sur les marchés » raconte Louis, les yeux pétillants et le sourire aux lèvres, savourant encore cet avant-goût de sobriété heureuse
Vivre en mouvement, avec moins de matériel, aller à la rencontre (de l’autre et de soi), s’adapter à l’imprévu, ralentir le rythme… Le nomadisme s’inscrit dans l’éventail des postures de vie qui rompent avec notre modèle capitaliste, en prenant en compte à la fois nos besoins les plus primaires, et l’urgence – plus que nécessaire – de freiner la destruction de nos ressources.
Au fil des constats alarmants, tribunes écologiques et autres rapports du GIEC, les impacts de la surconsommation deviennent de plus en plus évidents, autant sur l’environnement et les êtres vivants qui l’habitent, que sur notre santé mentale. Il y a urgence climatique, autant qu’il y a urgence à créer des récits porteurs d’espoir, de joie et de sens.
C’est précisément en réponse à ce double-enjeu qu’a été imaginé le concept de Nomades Des Terres.
Des roulottes 2.0, modernes et éco-conçues
Pourquoi des roulottes ? Parce que dans “l’urgence de ralentir”, il y a la nécessité de s’adapter à la diminution des ressources naturelles, d’anticiper la fin des énergies fossiles, ou encore de retrouver un rythme de voyage adapté à notre propre rythme biologique, et plus de lien avec l’environnement qui nous entoure.
Si la vie en van, la « van life », a aujourd’hui le vent en poupe, qu’en sera-t-il dans un monde sans pétrole ? Nomades Des Terres, c’est un projet qui invite « à ralentir en prenant de l’avance », à se préparer collectivement au monde de demain, à commencer la transition… tout de suite. Il s’agit donc de construire – en chantiers participatifs – des habitats légers mobiles, les plus autonomes possibles, à partir de matériaux de réemploi.
Le résultat final : des roulottes « low tech » destinées à être tractées par des chevaux.
Avant de se lancer dans l’aventure, Louis a réalisé un « tour de France des roulottes » et constaté les bienfaits de ce mode de vie sur les êtres vivants (humains et chevaux) qu’il a côtoyés, ainsi que sur sa propre santé mentale.
Conscient des rapports de domination habituels sur les animaux, Louis tient à militer pour une posture moins anthropocentrique : c’est-à-dire à porter la même attention aux besoins humains qu’à ceux des chevaux. Selon lui, cette approche « participe même à soigner l’humain ».
Plusieurs spécialistes du bien-être équin travaillent d’ailleurs sur le projet, afin de mettre en lumière les besoins des chevaux au-delà des schémas d’élevage classiques.
« J’ai découvert qu’ils préfèrent vivre en troupeau, se déplacer tous les jours, manger de la nourriture variée… un peu comme nous finalement ! »
Louis explique que le nomadisme en roulotte permet d’améliorer significativement le quotidien de ces animaux, bien qu’il s’agisse d’une forme d’exploitation.
« Je ne sais pas s’il existe de solution parfaite, chacun.e choisit celle qui lui correspond, et c’est encore mieux si on peut la choisir en conscience, après l’avoir expérimentée », exprime-t-il, avant de nous partager le développement de ce projet devenu, en quelques semaines à peine, celui de tout un collectif.
Une aventure humaine, créatrice de liens
Un simple message décrivant l’idée générale, posté sur les réseaux sociaux, a suscité l’attention d’une quinzaine de personnes curieuses d’en savoir plus. Une première résidence intellectuelle d’une semaine a alors eu lieu en février 2022, chez son père, qui s’est finalement lui-même impliqué dans le projet.
« Ça nous a rapprochés, je dirais même que ça a transformé notre relation » confie Louis, avec émotion, avant d’ajouter « des boomers comme mon père qui ne savent pas comment agir, il y en a plein, et ces gens-là doivent souffrir énormément… je crois que c’est important de les inclure dans ce qu’on fait ».
Quelques réunions virtuelles plus tard, l’association Nomades Des Terres était créée, avec un cahier des charges définissant précisément les valeurs qui l’animent : éthique, santé, écologie, modèle économique durable ou encore bien-être équin, pilier fondamental du projet.
Une seconde résidence de travail a ensuite été organisée en mai, en Bourgogne, dans un lieu qui propose des outils pour faciliter les échanges et le travail de groupe : La Caserne Bascule. Ce fut, à nouveau, une semaine riche en émotions et en apprentissages : « j’ai dû déconstruire l’intégralité des intentions qui m’ont motivé à créer ce projet, afin que chacun.e des membres puisse individuellement se l’approprier » raconte Louis.
Un passage de flambeau qui nécessitait une véritable mise à nue de sa vulnérabilité, qui a permis de mettre, enfin, le train sur les rails ; ou plutôt les roulottes sur la route…!
Bien conscient.e.s des clichés qui gravitent autour ce mode de vie (marginal, bohème, peu sérieux…), les membres du collectif ont justement l’intention d’apporter un nouveau regard sur le nomadisme, en commençant par changer le leur.
Pour mener à bien le projet, une campagne de financement participatif est en cours : sa réussite permettrait de démarrer la construction de la première roulotte (celle de la cuisine collective) à partir de matériaux de réemploi. Et même… adopter un cheval. Vous trouverez ici le lien de la campagne Ulule.
Crédit Photo couv : Louis Astoux
Pour aller plus loin : Matthieu et Elaura ont construit eux-mêmes leur maison : une roulotte pour changer de rapport au temps
Le collectif Nomades Des Terres recrute ! Si vous avez envie de rejoindre l’aventure en tant que bénévole, quel que soit votre domaine de compétences (gestion de projet, architecture, équinologie, communication, nomadisme, low tech…) vous pouvez écrire un mail à [email protected].