Nestlé a payé une amende pour éviter un procès dans le scandale des eaux minérales polluées et traitées. Face à cette tentative d’échapper à une enquête, l’ONG foodwatch contre-attaque. Elle a déposé deux nouvelles plaintes, cette fois avec constitution de partie civile.
Nestlé : « stop à l’impunité »
Après avoir conclu avec le parquet d’Épinal une Convention judiciaire d’intérêt public (CIJP), la multinationale Nestlé a choisi de payer pour échapper aux poursuites pénales. Le tribunal d’Épinal a condamné la multinationale à seulement 2 millions d’euros d’amende suite à l’affaire des forages illégaux et les traitements interdits de l’eau vendue en bouteille.
Une amende dérisoire au regard des 19 milliards de litres d’eau pompés illégalement (dont les forages ont été régularisés par l’État en 2019) et des 3 milliards d’euros que Nestlé aurait réalisé grâce au traitement illégal des eaux vendues en bouteille, selon les enquêteurs de la DGCCRF.
« On a été très étonnés. On a communiqué au procureur d’Épinal qu’il nous semblait que la CJIP ne concernait que les motifs liés au code environnemental. Or foodwatch avait porté plainte sur d’autres aspects qui sont les motifs de droit, commerce et de santé. Mais le procureur d’Épinal a quand même confirmé qu’il faisait cette transaction financière » détaille Karine Jacquemart, la directrice générale de foodwatch, pour La Relève et La Peste
Une enquête de Radio France et du journal Le Monde avait révélé comment Nestlé Waters et le groupe Sources Alma recouraient à des systèmes de traitement de l’eau tels que des filtres à charbon ou des filtres UV, remplissaient les bouteilles avec de l’eau du robinet, tout en dissimulant ces procédés aux yeux des contrôleurs.
« Foodwatch avait porté plainte pour envoyer un message très fort à ces multinationales qui se croient au-dessus des lois. Ces grands groupes doivent rendre des comptes. Pour cela il faut qu’il y ait un procès, que les responsabilités soient clairement établies et qu’il y ait des sanctions dissuasives et exemplaires pour que cela s’arrête » explique Karine Jacquemart, la directrice générale de foodwatch, pour La Relève et La Peste
Bien que foodwatch ait refusé l’argent proposé en dédommage, cette CIJP avait quand même annulé la possibilité d’un procès à Épinal. Ce 25 septembre, l’ONG a donc déposé deux nouvelles plaintes au tribunal de Paris visant à nouveau Nestlé et le groupe Sources Alma qui produit Cristaline, l’eau la plus vendue en France.
En cause pour cette dernière : l’injection de gaz carbonique dans l’eau Chateldon soi-disant ‘naturellement gazeuse’, et le recours à du sulfate de fer pour réduire la présence d’arsenic sur le site de St-Yorre et Vichy Célestins. Fraude organisée, opacité sur le risque sanitaire, responsabilité des autorités, tromperie : les infractions pointées par foodwatch sont encore plus lourdes que dans sa précédente plainte en février.
La responsabilité du système agro-industriel
Foodwatch n’en est pas à son premier essai. L’ONG a déjà porté plainte dans plusieurs scandales alimentaires : contre Lactalis pour les laits infantiles contaminés par la salmonelle en 2018, en 2022 contre Nestlé pour les pizzas Buitoni contaminées au E.Coli avec des dizaines d’enfants malades dont 2 sont décédés, et la même année contre Ferrero pour la contamination aux salmonelles de Kinder avec d’autres dizaines d’enfants malades.
« On ne lâchera pas pour qu’ils arrêtent de prendre les consommateurs pour des idiots et de les mettre en danger. Surtout quand on voit la question de la précarité alimentaire et des difficultés de pouvoir d’achat : vendre de l’eau minérale 100 fois plus cher que celle en robinet alors qu’elle est de moins bonne qualité, c’est une fraude massive » accuse Karine Jacquemart auprès de La Relève et La Peste
Pour foodwatch, ces scandales à répétition sont totalement évitables s’ils respectaient la loi. Le manque de contrôles et de sanctions exemplaires n’incite pas le système agroalimentaire à de meilleures pratiques.
« Ce système fou nous enferme dans un cercle vicieux totalement destructeur. Ce système agroalimentaire pollue l’environnement, les sols et les eaux. On retrouve alors des PFAS au cœur de nappes phréatiques hyper profondes qui sont censées en être préservées. Quand ils finissent par réaliser que l’eau qu’ils captent est contaminée par leur propre système, ils devraient appliquer le règlement européen : suspendre leur production et faire un rappel des bouteilles le temps de régler le problème. Au lieu de cela, ils prétendent n’avoir rien vu, mettent des filtres illégaux et continuent de vendre l’eau en bouteille ! Donc en fait où ça s’arrête ? Il n’y a rien qui va » dénonce Karine Jacquemart auprès de La Relève et La Peste
Ainsi, la bouteille d’eau est l’une des sources de contamination les plus importantes aux microplastiques. Même le bisphénol A continue d’empoisonner nos corps, alors qu’il a été interdit dans la plupart des contenants alimentaires.
Face à ces fraudes massives, l’organisation demande la désignation urgente d’un ou une juge d’instruction, la fin de l’impunité et des sanctions exemplaires. Les deux plaintes sont en cours de traitement par la justice, qui doit déterminer si elle accepte de les recevoir pour lancer une procédure demandant des comptes aux multinationales.
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