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Mouron blanc, faux fraisier, ortie… Ces « mauvaises herbes » sont indispensables à la survie de nos sols

Apprendre à les contrôler sans les éliminer systématiquement, et concevoir son rôle de jardinier comme accompagnant la nature et non chef d’orchestre qui impose sa vision, peut être une autre manière d’envisager le jardin comme une collaboration où l’homme donne un coup de pouce à la nature qui en aurait bien besoin, plutôt que de lui imposer son désir.

Terre noire entre chaque plant, feuilles mortes ratissées, copeaux de bois ramassés, beaucoup aspirent à un jardin « propre » selon des critères assez étrangers aux rythmes de la nature. Que l’on soit adepte des désherbants chimiques qui appauvrissent les sols et polluent les eaux, ou bien du désherbage manuel, nous avons souvent tendance à trop vouloir désherbée. En réalité, les plantes sauvages qui prolifèrent entre nos plantations sont une grille de lecture qui nous renseigne sur l’état du sol et ce que la nature tente de faire pour l’enrichir. À nous de savoir le lire.

Mouron blanc, faux fraisier, ortie, sont des plantes sauvages pionnières qui colonisent les sols riches en azote, et les enrichissent. Elles sont donc essentielles et bio-indicatrices. Elles attirent les insectes polinisateurs indispensables à la survie du jardin.

Apprendre à les contrôler sans les éliminer systématiquement, et concevoir son rôle de jardinier comme accompagnant la nature et non chef d’orchestre qui impose sa vision, peut être une autre manière d’envisager le jardin comme une collaboration où l’homme donne un coup de pouce à la nature qui en aurait bien besoin, plutôt que de lui imposer son désir.

C’est ce que le célèbre jardinier et paysagiste nomme le jardin en mouvement. Dans son ouvrage Éloge des vagabondes, il tente de réhabiliter ces plantes parfois venues d’ailleurs qui prolifèrent et que nous voulons éliminer. 

Mouron blanc

Pour commencer, on s’en prend aux êtres qui n’ont rien à faire ici. Surtout s’ils y sont heureux. D’abord éliminer, après on verra. Régler, comptabiliser, fixer les normes d’un paysage, les quotas d’existence. Déclarer ennemis, pestes, menaces, les êtres osant franchir ces limites. Introduire un procès, définir un protocole d’action : partir en guerre. 

Nombre d’intellectuels et d’artistes se sont intéressés aux plantes : St John Perse, Rousseau, Georges Sand. Celle-ci fustigeait le désir de tout contrôler et s’intéressait de près aux mauvaises herbes. De son côté, Victor Hugo fait le parallèle entre plantes et humains que nous considérons comme nuisibles ou inutiles dans la société, en offrant ce plaidoyer aux orties à Jean Valjean : 

Crédit photo : Paul M

Un jour il voyait des gens du pays très occupés à arracher des orties ; il regarda ce tas de plantes déracinées et déjà desséchées, et dit : — C’est mort. Cela serait pourtant bon si l’on savait s’en servir. Quant l’ortie est jeune, la feuille est un légume excellent ; quand elle vieillit, elle a des filaments et des fibres comme le chanvre et le lin. La toile d’ortie vaut la toile de chanvre. Hachée, l’ortie est bonne pour la volaille ; broyée, elle est bonne pour lès bêtes à cornes, La graine de l’ortie mêlée au fourrage donne du luisant au poil des animaux ; la racine mêlée au sel produit une belle couleur jaune. C’est du reste un excellent foin qu’on peut faucher deux fois (…) Avec quelque peine qu’on prendrait, l’ortie serait utile ; on la néglige, elle devient nuisible. Alors on la tue. Que d’hommes ressemblent à l’ortie ! — Il ajouta après un silence : Mes amis, retenez ceci, il n’y a ni mauvaises herbes ni mauvais hommes. Il n’y a que de mauvais cultivateurs.

Comme le héros des Misérables, d’autres aujourd’hui font découvrir la beauté et l’utilité des herbes que nous appelons « mauvaises ». Certains le font avec une certaine audace et poésie. En cette fin août, d’insolites inscriptions à la craie envahirent les trottoirs du quartier Busca à Toulouse. Les taggueurs verts : ce sont deux herboristes passionnés, Boris Presseq, botaniste au Muséum de Toulouse, et Pierre-Olivier Cochard, botaniste chez Nature en Occitanie. Ayant dénombré plus de 700 espèces urbaines, ils cherchent maintenant à changer le regard des citadins non seulement sur leurs rues mais aussi sur les herbes sauvages.

La survie de notre planète ne pourra pas se faire sans changer le regard que nous posons sur notre environnement. Il nous faut désapprendre autant que réapprendre un autre rapport à la nature, depuis les glaciers et les océans jusqu’aux herbes folles qui poussent dans nos villes et nos jardins.

Sarah Roubato

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