Mardi 8 juillet, les hauteurs de Marseille étaient ponctuées par l’éclat intermittent des flammes orangées et des gyrophares bleutés des secours. L’ampleur de cet incendie, fruit des conditions météorologiques actuelles, n’est qu’un exemple du ballet d’incendies menaçant la France, qui n’est paradoxalement pas prête à faire face à ces phénomènes de plus en plus précoces, nombreux et désormais proches des zones urbaines.
Un incendie sur 750 ha à Marseille
Plusieurs centaines de personnes confinées, 400 personnes évacuées, 63 habitations endommagées, une dizaine totalement détruites, une centaine de blessés : c’est le lourd bilan laissé par l’incendie dévastateur, qui s’est très vite propagé dans les quartiers Nord de Marseille, suite aux flammes d’une voiture sur l’A55, aux alentours de Pennes-Mirabeau.
La Préfecture des Bouches-du-Rhône a finalement annoncé un feu “fixé” dès mercredi après-midi et le périmètre de sécurité a été levé ce jeudi matin, permettant aux habitants de regagner leur domicile.
« Ce n’est pas la première année qu’il y a le feu derrière chez nous. Mais de cette ampleur-là, ce n’était jamais arrivé » explique Alice, la fille d’une habitante du quartier des Mariniers à L’Estaque, l’un des lieux touchés par l’incendie, pour la Relève et la Peste. La maison de sa mère a été brûlée.
« Celle qu’elle a construite, là où je suis née. Il ne reste que les murs et le toit, mais on ne peut pas rentrer à cause du risque d’effondrement » poursuit-elle. « Habitant le centre-ville, j’ai appelé ma mère lorsque j’ai aperçu la fumée au loin, qui préparait déjà ses affaires pour évacuer. Pourtant, personne ne lui avait dit. Les pompiers sont arrivés super tard ».
Face aux conditions météo exceptionnelles, il a suffi d’une étincelle d’origine accidentelle pour que 750 hectares de pinèdes et garrigue s’embrasent. Juin 2025 aura été le mois le plus chaud jamais enregistré dans le département.
Zéro pluie, des sols arides, une végétation desséchée dès la fin du mois. Un cocktail explosif, accentué par un mistral soufflant à plus de 90 km/h et une humidité de l’air extrêmement basse, créant un terrain propice à l’embrasement.
Et les fumées, elles, n’ont pas épargné les habitants de la cité phocéenne. Selon Atmosud, « la qualité de l’air a été très fortement dégradée » dans la journée de mardi, avec des concentrations de particules fines jusqu’à dix fois supérieures au seuil autorisé.
En France, un manque de moyen aériens
Face aux flammes, plus de 1 000 pompiers se sont mobilisés. Des renforts venus de tout le Sud-Est, des Alpes-Maritimes au Vaucluse, mais aussi du Rhône et de l’Ain. Chaque été, les pompiers tirent la sonnette d’alarme face à l’écart flagrant entre les besoins sur le terrain et les moyens réellement disponibles.
En matière d’équipement, la France fait grise mine : avec seulement 12 Canadairs en circulation, et une flotte vieillissante, les moyens aériens ne tiennent plus le choc.
La promesse présidentielle de 2022 de renouveler la flotte et d’acquérir quatre avions supplémentaires s’est vu réduite en cendres par le gouvernement Attal en février 2024. 53 millions d’euros de crédits destinés à l’achat de nouveaux Canadairs ont été supprimés par décret. Pire : la France n’a pas répondu à l’appel européen pour co-financer de nouveaux appareils.
Face aux incendies de plus en plus précoces et coriaces, la France est-elle prête à faire face ?
Marseille n’est pas un cas isolé. Dans l’Aude, près de Narbonne, un incendie, déjà le troisième dans le département en une semaine, a ravagé 2 000 hectares le 7 juillet, mobilisant à lui seul 1 000 pompiers. Dans l’Hérault, 400 hectares ont brûlé, 120 dans le Gard.
Ces feux sont devenus le visage récurrent de nos étés. Réchauffement climatique, canicules précoces et longues, sécheresse structurelle… Et la saison estivale, elle, ne fait que commencer.
Cette vulnérabilité nouvelle des grandes villes face aux incendies fait craindre un scénario similaire à celui de Los Angeles l’année dernière. La France ne dispose pas de moyens nécessaires pour faire face aux incendies dans les zones urbaines.
En plus de la nécessité de renouveler et acquérir du matériel, l’enjeu pour les années à venir repose sur la réflexion de l’aménagement du territoire, qui selon Pauline Vilain-Carlotti docteure en géographie, spécialiste du risque d’incendie de forêt, devrait prendre l’ascendant sur la course à l’armement.
« Les départements propices aux incendies et tournés vers le tourisme doivent se pencher sur ce type de réflexions », plaide-t-elle
Face au réchauffement climatique, la prévention des risques est donc essentielle pour préparer au mieux les populations.