Dans son ouvrage L’âge des low tech, Philippe Bihouix, diplômé de l’École centrale de Paris et ingénieur spécialiste des questions énergétiques, montre qu’une société basée sur les innovations high-tech mène à l’impasse. Il propose de refuser cette fuite en avant en orientant notre système de consommation vers un autre type de produit : les low tech.
Le numérique n’a rien de virtuel
En premier lieu, l’auteur invite à prendre conscience d’une réalité peu connue : le numérique n’a rien de virtuel.
« Derrière nos terminaux, il mobilise toute une infrastructure : millions de serveurs locaux, de bornes Wi-Fi, d’antennes-relais, de routeurs, de câbles terrestres et sous-marins, de satellites, et les fameux centres de données (data centers). Toutes ces technologies ont un impact environnemental majeur, à tous les stades de leur cycle de vie. » précise-t-il.
Cela commence dès l’extraction des métaux rares contenus dans les ordinateurs. Engendrant la destruction de sites naturels, une grande consommation d’eau et d’énergie, des rejets de soufre ou de métaux lourds ainsi que l’utilisation de produits chimiques nocifs comme le cyanure et la génération de déchets miniers, les industries minières et métallurgiques comptent parmi les activités humaines les plus polluantes.
Ensuite, durant la fabrication. Celle des puces au silicium, par exemple, nécessite une grande quantité d’eau purifiée en amont puis traitée en aval, ainsi que du coke de pétrole, du charbon et de nombreux produits chimiques tels que l’ammoniaque ou le chlore.
Lors de l’utilisation, le numérique consomme environ 10 % de l’électricité mondiale. En fin de vie, les déchets électroniques étant parmi les plus complexes à traiter, le taux de recyclage de nombreux métaux rares est inférieur à 1 %.
« Il faut que l’utilité de nos équipements électroniques soit bien grande pour accepter collectivement un tel coût environnemental. Les nouvelles solutions technologiques entraînent de nouveaux besoins et pénuries, avec leur lot de pollutions et de destructions sociales. Cet extractivisme forcené va continuer à abîmer de manière irréversible, et à un rythme accéléré, notre planète. »
Rechercher les technologies les plus appropriées
Sa proposition est donc de se tourner vers les low tech : les basses technologies. Par ce terme, il entend des objets « réparables, modulaires, récupérés au maximum sans perdre de ressources au moment de leur recyclage. » Fabriqués « à base de matériaux simples, faciles à démanteler », ils impliquent de « n’utiliser qu’avec parcimonie les ressources rares et irremplaçables, limiter le contenu électronique. »
Selon lui, « il faut pousser la logique de l’écoconception bien plus loin. Rechercher les technologies les plus appropriées, passées, présentes ou futures, permettre de recycler au mieux les ressources et augmenter la durée de vie de nos objets, les repenser en profondeur. » Il donne un exemple, le vélo.
« Très compliqué à fabriquer, comme la voiture, il demande beaucoup de technologies (métallurgie, chimie, usinage, etc.). Mais il devient simple à l’usage : il est robuste, on comprend immédiatement d’où vient une panne, il est facile à réparer avec quelques pièces détachées, il est presque inusable s’il est bien entretenu. » explique-t-il.
Ainsi, les low tech posent la question suivante : « Est-ce que j’arrive à satisfaire mes besoins quotidiens avec des objets plus maîtrisables, à durée de vie beaucoup plus longue, sans y perdre en termes de confort, au lieu d’aller vers des objets de plus en plus compliqués, jetables et qui nous rendent de plus en plus dépendants des multinationales ? »