Ce mardi 11 avril, l’association BLOOM de défense des milieux marins a annoncé avoir déposé plainte contre le secrétaire d’État à la mer, Hervé Berville, pour une série de déclarations mensongères qui auraient conduit, selon l’ONG, à l’incendie des locaux de l’Office français de la biodiversité, fin mars, à Brest.
Fruit d’un climat de confiance qui n’a cessé de se détériorer ces derniers mois, la plainte de l’association a été déposée auprès de la Cour de justice de la République, seule institution autorisée à juger les membres du gouvernement pour des actes commis dans l’exercice de leur fonction.
Le préjudice porte sur le « Plan d’action pour l’océan » publié par la Commission européenne, le 21 février dernier. Dans ce document non contraignant, l’exécutif de l’Union détaille les mesures que les États membres devraient prendre, à diverses échéances, pour verdir le secteur de la pêche, très en retard dans la course à la transition.
D’ici 2024, la Commission aimerait par exemple interdire les engins traînants tels que le chalutage de fond dans les zones classées Natura 2000 – une disposition que les retardataires comme la France sont supposés avoir prise depuis… 1992.
À l’horizon 2030, ce sont 30 % des mers et des océans qui devraient, selon l’institution, faire l’objet d’une protection rigoureuse. Mais ce calendrier, déjà repoussé, reste sujet à caution.
Trois semaines de mensonges
Voulait-il prouver au monde l’importance de son secrétariat d’État, se faire valoir personnellement, soigner son réseau ? Quelle qu’en soit l’interprétation, force est de constater qu’Hervé Berville s’est servi de cette feuille de route pour déclencher une polémique et enflammer le débat public.
D’après la fondatrice de BLOOM, Claire Nouvian, « trois semaines durant, le Secrétaire d’État à la Mer a multiplié les mensonges en affirmant que la Commission européenne menaçait de mort immédiate la pêche française par le biais des aires marines protégées ».
Au Sénat, à l’Assemblée nationale, au Conseil de l’Union européenne et dans les médias, partout où il le pouvait, en somme, Hervé Berville s’est prétendu investi d’une mission sacrée de protection des pêcheurs alors qu’il luttait, littéralement, contre le vent.
« Ce plan condamnerait la pêche artisanale française et l’amènerait à disparaître. Pas dans dix ans, demain, déclarait-il par exemple devant l’Assemblée nationale, le 15 mars. Si ce plan [est] adopté (…), je vais voir en 2024 tous les pêcheurs à la coquille Saint-Jacques de Port-en-Bessin et je leur dis qu’ils doivent arrêter leur activité, car elle sera un problème pour l’habitat marin. »
9/19 : Trois semaines durant, le Secrétaire d'État à la Mer @HerveBerville a multiplié les mensonges en affirmant que la @EU_Commission menaçait de mort immédiate la pêche française par le biais des aires marines protégées. https://t.co/J2BC1r2C9J
— Claire Nouvian (@ClaireNouvian) April 11, 2023
Incendie à l’OFB de Brest
Comme il fallait s’y attendre, ces « mensonges » ont fini par déclencher, toujours selon BLOOM qui les a répertoriées, des manifestations de pêcheurs se déclarant inquiets pour leur avenir.
À Brest, le 30 mars, 700 d’entre eux se sont réunis sur le port de pêche, munis de petits cercueils et de gerbes de fleurs pour « enterrer » symboliquement la pêche artisanale française et exprimer un « ras-le-bol global » des difficultés qui entoureraient leur profession, et décourageraient les jeunes à se lancer.
« Le plan d’action européen pour 2030, c’est la goutte d’eau », a alors commenté Philippe Perrot, vice-président du comité de pêche du Finistère, prouvant bien, par là même, que les professionnels ont mordu à l’hameçon du secrétaire d’État.
Au cours de ces deux journées de mobilisation, les 30 et 31 mars, le bâtiment de l’Office français de la biodiversité, à Brest, a été ravagé par un incendie. Ce sont des résidus des fusées de détresse, lancées par les manifestants sur le bâtiment, qui auraient pris feu pendant la nuit, sous l’effet du vent.
Fuite en avant
Criminel ou non, cet incident dommageable n’aurait jamais eu lieu si Hervé Berville, par ses déclarations, n’avait pas « remis en cause les principes de dignité, de probité et d’intégrité auxquels sont tenus les membres du gouvernement », écrit BLOOM.
Invoquant la loi sur la liberté de la presse de 1881 et celle sur la transparence de la vie publique de 2013, qui punissent l’incitation à commettre crimes et délits, pour la première, et les manquements à l’intégrité, pour la seconde, l’association estime qu’Hervé Berville a « gravement » failli à ses fonctions, et espère qu’il répondra « de ses propos incendiaires devant la Cour de justice de la République ».
« En dépositaire de l’autorité publique, M. Berville aurait dû et devrait préparer la transition socio-écologique du secteur d’ici 2030 », continue l’association. Au lieu de cela, le secrétaire d’État a « abîm[é] le débat public pour masquer son inaction face à la crise climatique, l’effondrement du vivant, et la vulnérabilité des pêcheurs côtiers et artisans, qui voient les océans se vider sous les assauts des flottes de pêche industrielle ».
Faux lauriers
Sommet, peut-être, de cette posture de sauveur autoproclamé, Hervé Berville a prétendu avoir obtenu, lors d’une visite à Bruxelles, le 2 avril, « la confirmation qu’une interdiction des engins mobiles de fond dans les aires marines protégées ne serait pas imposée aux États membres ».
Selon BLOOM, ces faux lauriers masquent mal « une gifle diplomatique » qu’aurait reçu le secrétaire d’État de la part de la Commission, qui n’a d’ailleurs pas prévu de changer le moins du monde son Plan d’action, encore une fois non contraignant…