A cause du réchauffement climatique, on assiste en Alaska à une situation ubuesque : les groupes pétroliers refroidissent le sol pour qu’il soit suffisamment gelé et solide afin qu’ils roulent dessus et accèdent aux pipelines.
Le pergélisol (permafrost en anglais), cette partie du sol gelée en permanence dans les régions froides, est l’un des meilleurs indicateurs du réchauffement climatique. Il couvre à lui seul près du quart de la masse continentale de l’hémisphère Nord. Son évolution fait l’objet d’un suivi scientifique rigoureux par des chercheurs du monde entier. Sa fonte pourrait faire s’élever radicalement le niveau des océans, mais aussi relâcher des tonnes de mercure hautement toxique pour l’homme et l’environnement.
Le pergélisol est fragile et il a déjà commencé à fondre. En Alaska, les groupes pétroliers empruntent ses routes de glace pour déplacer les équipements massifs nécessaires à l’extraction de pétrole. Ils font face au problème avec une technique qui peut sembler absurde : refroidir le sol afin qu’il reste gelé plus longtemps, leur laissant le temps d’accéder aux oléoducs pendant l’hiver.
Pour maintenir le pergélisol gelé, des entreprises se sont spécialisées dans la fabrication de longs tubes réfrigérants, les thermosyphons, qui sont partiellement enterrés dans le pergélisol.
Le gaz à l’intérieur des tubes évacue la chaleur du sol. Chaque tube est fabriqué sur-mesure et peut coûter jusqu’à 10 000$. Et la méthode marche ! Les terres dans le nord de l’Alaska sont redevenues accessibles pendant au moins cinq mois durant treize années de suite. Depuis 2015, ce laps de temps s’est de nouveau réduit. Le directeur d’Artic Foundations, qui vend les tubes métalliques, est ainsi confiant pour installer encore plus de tubes dans les prochaines années.
Si la situation peut frapper par son absurdité, c’est bien sûr parce que les industries pétrolières sont les principales responsables du réchauffement climatique, et donc de la fonte du pergélisol.
Des normes environnementales pour préserver le pergélisol ont bien été imposées aux compagnies pétrolières, mais elles concernent seulement l’état du sol pour pouvoir rouler. Les déplacements sont en effet autorisés lorsque la terre est suffisamment gelée. Ces critères n’interdisent pas de modifier la nature du pergélisol pour pallier au problème.
Ironie du sort, la Revue Nature vient de publier une nouvelle étude révélant que l’Antarctique est en train de fondre trois fois plus vite qu’il y a 10 ans, déversant 200 milliards de tonnes de glace dans les océans chaque année. Combien de temps encore les hommes vont-ils tricher avec la Nature avant de la prendre au sérieux ?