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Les malversations de Florence Parly, notre sulfureuse Ministre des Armées

Dans un contexte de défiance envers les politiques et plus globalement de crise des démocraties libérales, Florence Parly incarne ces femmes et hommes politiques qui alimentent cette dynamique.

En pleine offensive russe sur le sol européen, et alors qu’Emmanuel Macron souhaite créer une « Europe de la Défense », il était nécessaire de revenir sur le bilan politique de Florence Parly, notre ministre des Armées. Mensonge d’Etat, harcèlement moral, couverture d’appels d’offres truqués, scandale sanitaire de l’escadron militaire de Wuhan, Florence Parly, la ministre des Armées, traîne derrière elle un certain nombre de malversations. Un article de Florian Grenon.

Harcèlement moral contre un lanceur d’alerte

Les premiers déboires de Florence Parly apparaissent avant son entrée au gouvernement. Pour comprendre qui est l’actuelle ministre des Armées, il nous faut revenir quelques années en arrière. 

Le 11 décembre 2018, une plainte pour « harcèlement moral, délit d’extorsion de consentement, complicité de malversation et subornation de témoin » est émise à son encontre. Cette plainte porte sur son activité de directrice générale stratégie et finances de la SNCF entre 2014 et 2016. Quatre autres personnes sont également accusées : deux personnes haut placées du service achats et deux cadres des ressources humaines de la SNCF.

Denis Breteau, auteur de la plainte et ingénieur de la SNCF, affirme avoir été « harcelé par la direction de l’entreprise » (dont faisait partie Florence Parly), « promené de poste en poste », et « mis au placard » par sa direction.

A l’origine de ce harcèlement, un appel d’offre, tout d’abord classé sans suite, qui ressurgit des placards et qu’on lui demande de conclure avec la société américaine IBM sans faire jouer la concurrence.

Le contrat, que Denis Breteau évaluait à 1 million d’euros, s’élevait à 3 millions d’euros. Nous sommes alors en 2009. A l’époque la SNCF venait de remporter le marché du transport d’IBM sur le territoire français, et elle renvoyait en quelque sorte la balle à l’entreprise américaine pour avoir été choisie.

L’année suivante, en 2010, Denis Breteau affirme que la SNCF a créé une société fictive se nommant Stelsia. Selon ses dires au journal 20 minutes, la SNCF a « pu réaliser des dizaines et des dizaines d’appels d’offres truqués » grâce à cette filiale. Ce qui représente, au final, entre 150 et 300 millions d’euros « perdus ». 

Des faits qui ont donc potentiellement été couverts par Florence Parly en exerçant des pressions sur Denis Breteau entre 2014 et 2016 lorsqu’elle fut directrice générale stratégie et finances de la SNCF. 

En 2018, Denis Breteau est licencié après « un conseil de discipline truqué », a-t-il déclaré au journal 20 minutes. L’année suivante, la justice donne raison à l’ingénieur qui gagne son recours au Conseil des prud’hommes. Il est alors déclaré lanceur d’alerte

La SNCF est condamnée à le réintégrer, ce qui compromet encore un peu plus la responsabilité et l’intégrité de Florence Parly dans cette affaire. L’enquête judiciaire est encore en cours actuellement. 

Un salaire mirobolant

Durant sa courte carrière à la SNCF, Florence Parly ne s’est pas contentée d’harceler un salarié. Elle a également touché un salaire digne d’une PDG de multinationale.

En 2016, elle change de poste pour devenir directrice générale en charge de SNCF Voyageurs. Durant les six premiers mois de l’année 2017, juste avant sa nomination au ministère des Armées, elle a touché 52.569 euros net mensuels selon sa déclaration de ministre des Armées à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique effectuée en août. 

Un salaire illégal qui dépasse largement le plafond salarial de la haute fonction publique qui prévoit une rémunération maximum de 450 000 euros brut par an.

A titre de comparaison, durant cette même période, Guillaume Pépy, l’ancien président de la SNCF, et donc supérieur hiérarchique de Florence Parly, touchait 29 000 euros par mois.

L’APE, l’Agence des Participations de l’Etat, qui a pour vocation de faire respecter la grille salariale dans la fonction publique, n’a rien trouvé à redire sur la rémunération de Florence Parly. L’agence était à l’époque dirigée par Martin Vial, époux de celle-ci. 

Un épisode portant potentiellement la marque d’un conflit d’intérêt qui a été détaillé précisément par Marianne et par Libération. Les deux journaux, avec l’appui d’interviews auprès de l’entourage de la ministre, retracent les failles juridiques utilisées pour rentrer dans la réglementation de l’APE. 

« En moins de six mois, Florence Parly a pu toucher près de 80% de sa rémunération annuelle telle que présentée par son cabinet. Si le salaire de la haute-fonctionnaire s’était maintenu tout au long de l’année, il aurait dépassé les 450.000 euros dès septembre. Selon l’entourage de la ministre, cette augmentation importante découle d’une « prime de résultats » touchée au moment de sa nomination au gouvernement », extrait de l’article d’Etienne Girard pour Marianne intitulé « SNCF : la ministre Florence Parly touchait 52.000 euros par mois pour vous faire préférer le train. »

Florence Parly lors d’un événement européen en 2017 – Crédit : EU2017EE Estonian Presidency

Le Yémen, un mensonge d’état

Le 20 janvier 2019, la ministre des Armées est prise en flagrant délit de mensonge au micro de FranceInter suite à l’interrogation des journalistes sur l’utilisation d’armes françaises par l’Arabie Saoudite pour mener des « crimes de guerre » au Yémen. 

« Je n’ai pas connaissance du fait que des armes (françaises) soient utilisées directement dans ce conflit », déclare-t-elle. Elle affirmera également quelques mois plus tard que, d’après ses informations, « les équipements terrestres vendus à l’Arabie saoudite sont utilisés non pas à des fins offensives, mais à des fins défensives à la frontière avec l’Arabie saoudite ». 

Pourtant, le collectif d’investigation Diclose dispose de documents classés « secret défense » intitulés « Yémen – situation sécuritaire » qui ébranlent sa version.

Ces documents ont été transmis à Emmanuel Macron et à plusieurs ministres dont Florence Parly. Le rapport détaille la liste des armes françaises impliquées dans la guerre au Yémen. Parmi celles-ci, certaines sont des fleurons de la technologie militaire française. 

« Chars Leclerc, obus flèche, Mirage 2000-9, radar Cobra, blindés Aravis, hélicoptères Cougar et Dauphin, canons Caesar », indique Diclose. Les documents apportent également la preuve que des armes françaises sont utilisées pour mener des frappes sur des civils.

Ce conflit est considéré comme l’une des pires catastrophes humanitaires au monde.

« Le Groupe d’éminents experts continue d’avoir des motifs raisonnables de croire que toutes les parties au conflit ont commis de graves violations des droits de l’homme et du droit humanitaire international, dont certaines peuvent constituer des crimes de guerre », a déclaré Kamel Jendoubi, président du Groupe d’experts éminents, en septembre 2021. 

Ce groupe d’investigation rattaché à l’ONU avait été envoyé en 2017 au Yémen pour enquêter sur le conflit. Les rapports de l’entité accusent les deux camps d’une « multitude de crimes de guerre ». 

En mai 2019, après la parution du rapport « Yémen – situation sécuritaire », un cargo saoudien est venu récupérer sur le port du Havre une livraison d’armes commandées par le régime monarchique. Cette vente permet d’affirmer avec certitude que la France a continué à vendre des armes à l’Arabie Saoudite malgré la fuite du rapport sur le Yémen

Capture d’écran du site vie-publique.fr évoquant les montants en millions d’euros et la répartition des commandes d’armes auprès de la France en 2020.

Selon Diclose, il s’agissait de huit canons caesar. Mais une source gouvernementale indiquait que l’information était fausse car aucune livraison de ce type de canon n’était en cours. Florence Parly avait alors déclaré qu’il « y aura chargement d’armes en fonction et en application d’un contrat commercial ».

D’après un rapport de Sipri (Institut international de recherche sur la paix de Stockholm) datant du 9 mars 2020, au cours de la période 2015-2019, les exportations mondiales d’armes à feu ont augmenté de 5,5% et le premier importateur mondial est l’Arabie Saoudite. 

« Les exportations françaises d’armes ont atteint leur plus haut niveau sur une période de cinq ans depuis 1990 et représentent 7,9 % des exportations mondiales d’armes en 2015-19, soit une augmentation de 72 % par rapport à 2010-14 », indique Sipri. 

Il faut le rappeler, Florence Parly est arrivée au ministère des armées en 2017, elle n’est donc pas responsable de l’entièreté de la politique d’exportation d’armement française.

Dans un rapport du Parlement sur les exportations d’armes datant de 2019, Florence Parly justifie la vente d’armes à l’Arabie Saoudite et rappelle que l’armement représente 13% des emplois industriels en France et qu’« exporter des équipements, c’est dynamiser notre industrie de défense ». 

« Derrière l’export, il y a la construction incessante de l’autonomie stratégique européenne » et de l’« Europe de la défense », indique-t-elle. 

Une construction appelée de ses vœux par Emmanuel Macron et qui est plus qu’autre centre de l’actualité avec la guerre en Ukraine et la volonté des européens de se réarmer.

Plus précis encore, voici un graphique de The Conversation indiquant la part des exportations d’armes françaises par pays entre 2011 et 2020. 

Scandale de l’escadron militaire de Wuhan

Le 16 novembre 2019, la pandémie du coronavirus débute à Wuhan. Le 31 janvier 2020, dans cette même ville, un escadron militaire de 14 soldats français était déployé pour rapatrier nos compatriotes présents sur place. A ce moment-là, nous ignorons tout de la situation sanitaire qui va suivre, de la dangerosité du Covid et des précautions à adopter afin d’éviter de propager l’épidémie. 

En février 2020, quelques jours après le retour de l’escadron sur le sol national, une multitude de cas positifs apparaissent dans l’Oise, constituant un des premiers clusters en France.

S’ensuit alors une débâcle médiatique. Le 29 février, Jérôme Salomon, le directeur général de la santé, affirme que les militaires ont été testés à deux reprises, qu’il n’y avait pas de « cas positifs » au sein de l’escadron, et que les militaires avaient été surveillés pendant quatorze jours à leur retour sur le territoire français. 

Mais, rebondissement, deux jours plus tard, le 1er mars, sa version est démentie par le colonel Cunat, commandant de la base aérienne d’Istres où ont atterri les soldats revenus de Wuhan, qui explique au Parisien que ces derniers « sont restés dans l’avion. Il n’y a pas eu d’escale. Ils n’étaient pas classés à risque. Il n’y avait pas de raison de les confiner ».

Le 4 mars, Florence Parly assure sur les plateaux de France2 que les militaires « ont été testés », n’étaient « pas porteurs du virus », et ont été confinés « pendant 14 jours à domicile avec prise de température pendant ces 14 jours ». 

Le lendemain, les journalistes d’Envoyé Spécial contactent le cabinet de la ministre qui contredit la version énoncée la vieille et évoque uniquement une surveillance de 14 jours, mais pas de tests ni de confinement.

Quelques mois plus tard, le 9 septembre 2020, le Colonel Cunat est interrogé au Sénat et égratigne encore un peu plus les déclarations de Florence Parly. Il affirme que les militaires ont eu la consigne de repartir chez eux depuis Istres, de « prendre leur température pendant 14 jours » et qu’ils n’ont « pas été testés ». 

Il est donc possible que le cluster de février 2020 dans l’Oise ait pour origine le retour de l’escadron militaire de Wuhan et la dispersion des soldats sur le territoire au moment de retourner auprès de leurs familles respectives.

Alors qu’elle est appelée à s’expliquer devant le Sénat, Florence Parly confirme s’être trompée, ou plutôt d’avoir dit « quelque chose d’inexact ». Le protocole militaire « ne comprenait pas à l’époque de tests. […] Le personnel de bord basé à Creil a été soumis à un protocole de surveillance pendant 14 jours, avec une surveillance biquotidienne par les médecins du service de santé des armées et au terme de ces 14 jours ils n’ont pas développé de symptômes » déclare-t-elle. 

Mais si le protocole sanitaire ne prévoyait pas de test, pourquoi avoir expliqué que les militaires avaient « été testés » selon ses dires ?

Florence Parly lors d’une intervention au Sénat

Florence Parly face à la crise ukrainienne

Dans un contexte de défiance envers les politiques et plus globalement de crise des démocraties libérales, Florence Parly incarne ces femmes et hommes politiques qui alimentent cette dynamique. Selon une enquête réalisée par Opinion Way, en janvier 2022 la confiance envers les institutions politiques était très faible : 38% de confiance pour l’Assemblée nationale, 35% pour le gouvernement.

Le 6 mars, Florence Parly a visité la base militaire de Mihail-Kogalniceanu, en Roumanie, où sont déployés depuis quelques jours 500 français dans le cadre de la coopération militaire de l’OTAN. Elle y a rencontré son homologue roumain Vasile Dancu. 

La ministre des Armées a tenu à désamorcer l’escalade des tensions en déclarant que le déploiement des forces de l’OTAN aux frontières avec l’Ukraine n’avait pas pour but de provoquer la Russie : 

« L’alliance ne menace pas la Russie, l’Europe ne menace pas la Russie, personne ne menace la Russie.»

Florence Parly a déclaré au micro de BFMTV vouloir « soutenir l’Ukraine, soutenir le peuple ukrainien, soutenir les forces armées ukrainiennes » et vouloir « accueillir décemment les réfugiés qui arrivent d’Ukraine ». 

Depuis 2017, Emmanuel Macron et Florence Parly œuvrent pour la création de l’Europe de la Défense. Le but : être moins dépendant de l’OTAN et permettre à l’Europe de parler d’une seule et même voix face aux menaces extérieures

Le Danemark comme l’Allemagne vont porter leur budget de la défense nationale à 2%. Le chancelier allemand Olaf Scholz a déclaré vouloir réarmer l’Allemagne et augmenter les dépenses militaires de 100 milliards d’euros. La première ministre danoise Mette Frederiksen entend, elle, organiser un référendum en juin prochain pour revenir sur la dérogation qui tient le pays hors des politiques militaires de l’Union Européenne depuis près de 30 ans. 

« Il y a une Europe d’avant le 24 février et une Europe d’après » a-t-elle déclaré. 

Sous la présidence française du Conseil de l’Union Européenne, Florence Parly œuvre, avec les autres ministres de la Défense européen sur la Boussole Stratégique, en vue de son adoption à la fin du mois.

Ce « livre blanc de l’Europe de la défense » s’appuyant sur les fonds européens de défense et la coopération structurée permanente (lancé sous l’impulsion Florence Parly et des autres ministres de la défense européen) entend fixer « le cap en matière de sécurité et de défense à l’horizon 2030 ». 

Selon le site de la présidence française du conseil de l’Union Européenne : « À partir d’une analyse conjointe des menaces, la Boussole Stratégique des actions à mener dans quatre domaines clés : la gestion de crise, le capacitaire, la résilience et les partenariats. Fruit de deux ans de de travaux, lancés sous présidence allemande, ce document doit être finalisé d’ici mars 2022 pour être endossé par les chefs d’État et de gouvernement au Conseil européen des 24 et 25 mars » 

A suivre de près.

crédit photo couv : Le président français Emmanuel Macron se tient à côté de la ministre française de la Défense Florence Parly et du chef d’état-major de la Défense Thierry Burkhard lors d’une cérémonie d’accueil avant de prononcer son discours de vœux du Nouvel An aux forces militaires au camp d’Oberhoffen à Haguenau, dans l’est de la France, le 19 janvier 2022. – Bertrand GUAY / POOL / AFP

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