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Les Kogis viennent au chevet des écosystèmes malades en France

Après la présentation de l’analyse « géographique » des scientifiques, le travail de cartographie mené par les Kogis consista à représenter un système d'organisation territoriale et spirituelle qui sous-tend la géographie « visible » d’un espace, entre déplacements des animaux, failles géologiques, nature des sols, orientation et structuration des montagnes, cours d’eau et souterrains.

Le peuple autochtone Kogi, de la Sierra Nevada colombienne, vient régulièrement en France pour transmettre ses savoirs ancestraux aux scientifiques. Le but est de leur apprendre à soigner la terre et nos territoires tout en protégeant la biodiversité. Dernier malade ausculté par ces médecins de la Terre : le Rhône.

Les Kogis, essentiels pour les écosystèmes de Colombie

Selon une étude menée par la Banque Mondiale, les peuples autochtones qui habitent des territoires où se concentrent 80% de la biodiversité de la planète, ne représentent que 6% de la population mondiale.

Parmi les civilisations précolombiennes, on retrouve les Kogis, héritiers directs des Tayronas, qui ont su préserver leur culture en se réfugiant dans les hautes vallées de la Sierra de Santa Marta en Colombie. C’est cette côte caraïbe que les conquistadors ont envahi il y a cinq siècles.

Depuis les glaciers agonisants, le Mamo José Pinto avait témoigné : « Je considère les glaciers comme étant les cerveaux de la Terre, qu’il ne faut pas piétiner, ni abîmer » en faisant référence au glacier du Rhône « à vif et en train de mourir ».

Parallèlement, le peuple des Kogis tout vêtu de blanc porte le même regard sur la nature. Contrairement à notre société, ils considèrent les montagnes comme des personnes, dictant des lois intangibles qui émanent directement du territoire et qui n’ont pas été créées par les humains, pour les humains.

Dialogue entre connaissances ancestrales et savoirs scientifiques

Les Kogis nous rappellent que remettre le vivant au cœur de nos actions est la clé pour préserver la biodiversité, les écosystèmes et nos sociétés malades de trop d’artificialisations. Ces remèdes qui proviennent de leurs connaissances traditionnelles ont d’ailleurs été reconnus patrimoine culturel immatériel de l’humanité par l’UNESCO en 2022.

Recréer un équilibre en essayant de prendre le meilleur du monde moderne et ancestral, en mêlant les savoirs scientifiques et la puissance des connaissances de ces gardiens de la « Terre Mère », essentiels dans nos sociétés, mais que les cultures occidentales ont tendance à mettre de côté. Tel est l’objectif de l’échange interculturel, appelé Shikwakala et initié par l’association Tchendukua, qui a pour vocation d’unir ces acteurs pour défendre le vivant et inventer d’autres chemins pour créer du lien avec la nature.

Au-delà de la protection de la biodiversité, les autochtones Kogis ont souhaité aller plus loin en proposant de dialoguer avec nos scientifiques pour soigner la terre et les territoires ensemble.

« Le projet Shikwakala est né dans les années 2000, suite à la volonté de Kogis Santos, un ancien gouverneur Kogis, de mettre en relation et créer un dialogue entre le consensus scientifique environnemental en France et les autorités traditionnelles et spirituelles des sages de la Sierra Neva de Santa Marta » continue Lise.

Ce projet de santé territoriale, soutenu par l’UNESCO et par la région Île-de-France, a préliminairement été expérimenté en 2018 dans la Drôme. Un dialogue initié sur des sites fragilisés, à la croisée des connaissances intuitives de quatre représentants Kogis et le regard technique d’une vingtaine de scientifiques.

Après la présentation de l’analyse « géographique » des scientifiques, le travail de cartographie mené par les Kogis consista à représenter un système d’organisation territoriale et spirituelle qui sous-tend la géographie « visible » d’un espace, entre déplacements des animaux, failles géologiques, nature des sols, orientation et structuration des montagnes, cours d’eau et souterrains.

À l’issue de cette rencontre, il a été décidé conjointement avec l’OGT (Organización Gonawindúa Tayrona) de réitérer l’expérience. Après la Drôme, Paris et la Corse, c’est tout récemment au chevet du Rhône que ce peuple autochtone est venu apporter son regard unique face à la problématique actuelle de l’eau.

Les autochtones Kogis au bord du Rhône

Les Kogis venus diagnostiquer le Rhône en tant que « médecins »

Couleurs, sons, vibration, vents dominants sont autant d’indicateurs qui leur permettent d’évaluer la “santé” d’un lieu.

« En France, les scientifiques ont recours à des méthodes académiques par le biais de notes, d’analyses, de documentations pour pouvoir approuver. Les Kogis eux, passent par l’observation, le bon sens et l’expérience sensible. Ils arrivent à tirer des conclusions aussi pertinentes que le consensus scientifique » insiste Lise pour La Relève et La Peste

En octobre 2023, des experts et cinq représentants du peuple Kogis ont arpenté ensemble plusieurs aspects du fleuve Rhône. À l’image de la médecine, les Kogis font le parallèle entre le corps du fleuve et le corps humain. Ils expliquent qu’ils ont commencé par ausculter la tête avec le glacier en Suisse, le corps au lac Léman et le poumon à la confluence de la rivière Ain et du Rhône, là où se trouve l’un des derniers tronçons encore sauvage, abîmé par l’arrivée de berges artificielles, régulé par des barrages et pollué par des activités industrielles.

« En recalquant leurs connaissances, ils sont en mesure de lire et diagnostiquer des territoires complètement différents des leurs » ajoute Lise pour La Relève et La Peste

De la Sierra Nevada à la France, les glaciers sont en souffrance

Pour eux, la terre est couverte d’un immense réseau connecté qui permet la vie, à l’image du corps humain.

« Si par exemple, on coupe une veine, tout le corps est affecté » souligne Mama Bernardo, l’un des représentants Kogis. « Il ne faut donc ni affecter ces trames de vie, ni les sites sacrés comme les pierres, lacs et montagnes, car cela empêche l’énergie vitale de circuler ».

Il continue en expliquant que « la circulation sanguine apporte à toutes les cellules de l’organisme la chaleur, l’oxygène et les nutriments dont elles ont besoin. Les rivières, fleuves, cours d’eau, apportent l’oxygène, les nutriments et les éléments de vie dont la terre a besoin ».

Les premiers résultats de ce diagnostic croisé du Rhône seront dévoilés à Paris le 15 mai prochain. Une conférence qui regroupera les retours des scientifiques et des hauts fonctionnaires ayant participé à l’expérience, qui s’en inspirent pour tenter de changer les politiques territoriales et les politiques publiques.

Un réseau d’acteurs et des parcours pédagogiques

Lise dévoile pour la Relève et La Peste, quelques idées de projets à mettre en place, suite aux premières analyses des résultats de cette expérimentation.

« On tente de former des partenaires et des scientifiques au principe du vivant et d’élaborer des parcours pédagogiques à destination des jeunes et des adultes ».

Cette action fait partie des demandes explicites des Kogis qui insistent sur la nécessité absolue de se reconnecter aux lieux et à leur histoire. Elle continue en citant le gouverneur Kogis :

« Il nous a dit qu’il fallait absolument inviter les politiques à régénérer les espèces natives, retrouver les connaissances oubliées de nos peuples autochtones en Europe » et surtout « inviter les jeunes à pratiquer le territoire, sortir les enfants des quatre murs blancs pour aller marcher dans la nature ».

Il releva également le problème du tourisme de masse en France et appelle à le freiner et à valoriser les indicateurs de santé territoriale pour mieux protéger les sites.

Suite au projet Shikwakala, les départements des Hauts-de-Seine et d’autres partenaires travaillent sur un nouveau projet qui s’articulera autour de territoires-écoles, des lieux d’expérimentation et de documentation des pratiques et méthodologies alternatives de connaissances et de soins territoriaux.

Un programme qui a pour but de créer une communauté active composée de scientifiques, d’entrepreneurs, d’étudiants et d’agents publics pour organiser des conférences autour de ces sujets afin de repenser la manière d’aborder et traiter le territoire. Le parc naturel de La Feyssine à Lyon est envisagé comme lieu d’expérimentation.

« On travaille sur la production et la diffusion du contenu via des projets ancrés sur des territoires. Villeurbanne et la région d’Île-de-France sont des lieux pilotes envisagés » conclut la chargée de missions.

Plus globalement, la rencontre entre les Kogis et les maires des différentes villes, le ministre de l’environnement et la présidente de la région de l’Ile de France, constitue une importance politique dans la reconnaissance institutionnelle de leurs droits et la valorisation de leurs connaissances.

L’association Tchendukua fait de la sensibilisation en France et en Europe au sein des établissements scolaires, universités, entreprises et institutions, sur les enjeux écologiques majeurs et le rôle des peuples autochtones dans la préservation de l’environnement.

L’association tente également d’ouvrir un dialogue entre enfants français et enfants Kogis. Dans la Drôme, il existe déjà une école primaire, appelée Caminando, qui enseigne depuis douze ans des principes éducatifs universels liés au vivant de la société Kogis aux enfants.

Chloe Droulez

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