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Les barrages hydroélectriques, un faux atout face à la transition énergétique ?

Derrière l'image vertueuse de ces installations dites « vertes », les voix sont pourtant toujours plus nombreuses à s'élever contre les ravages sociaux et environnementaux générés par les barrages. « Les grands barrages bouleversent fortement le fonctionnement des cours d'eau et des écosystèmes en provoquant la disparition de nombreuses espèces animales et végétales », prévenait, il y a plus de dix ans, Ronack Monabay, chargé de campagnes pour l'association Les Amis de la terre, dans les colonnes du Monde. 

Loués pour leur capacité à produire de l'énergie électrique renouvelable, les barrages hydroélectriques font pourtant l'objet de vifs débats. De la France au Brésil en passant par le Tibet, les militants sont nombreux à s'inquiéter de leur impact humain et environnemental. Explications.

De part et d’autre du globe, des pays européens à l’Amérique latine en passant par les continents africain et asiatique, la construction de barrages hydroélectriques est fréquemment présentée comme une solution particulièrement vertueuse pour accélérer la transition énergétique. De fait, face à la nécessité d’abandonner les énergies fossiles, ces installations sont plébiscitées pour leur production d’énergie électrique renouvelable et leurs faibles émissions de gaz à effet de serre. 

Conséquence directe, les barrages hydroélectriques se développent à vitesse grand V, tant et si bien qu’aujourd’hui, l’hydroélectricité constitue la troisième source de production électrique mondiale (16%), chiffre le syndicat France Hydro Électricité, derrière le gaz (21%) et le charbon (41%).

Certains pays, comme  le Paraguay, le Népal, la Norvège ou la République démocratique du Congo (RDC) comptent même sur l’hydroélectricité pour la quasi-totalité de leur production d’énergie, détaillent nos confrères de National Geographic quand, à l’échelle mondiale, la Chine, le Brésil et le Canada trônent sur le podium des principaux producteurs d’hydroélectricité au monde.

La biodiversité impactée par les barrages

Derrière l’image vertueuse de ces installations dites « vertes », les voix sont pourtant toujours plus nombreuses à s’élever contre les ravages sociaux et environnementaux générés par les barrages. « Les grands barrages bouleversent fortement le fonctionnement des cours d’eau et des écosystèmes en provoquant la disparition de nombreuses espèces animales et végétales », prévenait, il y a plus de dix ans, Ronack Monabay, chargé de campagnes pour l’association Les Amis de la terre, dans les colonnes du Monde. 

Un cri d’alarme largement partagé par Romain Pezet. Invité à participer à la table-ronde consacrée aux barrages hydroélectriques lors du Village de l’eau, qui s’est tenu à Melle (Deux-Sèvres) du 16 au 21 juillet dernier, le juriste pour l’association SOS Loire vivante a rappelé à cette occasion que dès les années 80, en France, des voix se sont élevées contre « la volonté de l’État de mettre le fleuve au service de l’homme au détriment de la biodiversité ». Et de prendre l’exemple du barrage de Poutès en Haute-Loire qui, en tant qu’obstacle quasi infranchissable pour le saumon atlantique sauvage, menaçait d’extinction cette espèce de poissons migrateurs. « On a réussi à faire baisser la hauteur du barrage à 7 mètres au lieu de 17, mais ça demande de ne rien lâcher », détaille Romain Pezet. 

Des populations victimes de déplacements forcés

Des conséquences délétères sur la biodiversité et les écosystèmes qui se retrouvent jusqu’au Tibet,  où les ambitions hydroélectriques de la Chine semblent inarrêtables. Dans cette région rattachée à la Chine, le gouvernement chinois multiplie les projets de construction de barrages hydroélectriques au mépris des « rivières et de la vie aquatique », avance Vincent Metten. Directeur des Affaires européennes pour l’ONG International campaign for Tibet (ICT), ce dernier était également présent au Village de l’eau pour participer à la table-ronde sur les barrages. « On prétend que les barrages sont écologiquement neutres, alors qu’ils ne le sont pas », poursuivait-il. 

Sans compter qu’au Tibet, la construction de barrages hydroélectriques impacte aussi la population locale, parfois contrainte à l’exil pour que les installations puissent voir le jour. Des déplacements forcés qui, au siècle dernier, ont concerné entre 40 et 80 millions de personnes à travers le monde, chiffre un rapport de la Commission mondiale des barrages et qui, au Tibet, ne vont pas pas sans susciter de vives contestations.

En février, plus d’un millier de Tibétains ont ainsi été arrêtés pour avoir manifesté contre un nouveau projet de barrage hydroélectrique sur la rivière Drichu. Avec la construction d’un nouveau barrage sur cette rivière qui en compte déjà treize, deux villages et six monastères seraient mis en péril.

« Au Tibet, ça demande un courage énorme de manifester parce que les risques sont très importants, insiste Vincent Metten, mais la contestation est très forte. »

Écouter les populations locales

Des risques qu’en Amérique latine, les militants opposés aux barrages sont eux aussi prêts à prendre, témoigne la militante Paula Davoglio Goes. Troisième invitée de la table-ronde sur les barrages hydroélectriques au Village de l’eau, la militante est membre active du Mouvement des personnes atteintes par les barrages (Mab), un mouvement qui lutte depuis plusieurs décennies au Brésil contre les conséquences délétères des barrages hydroélectriques sur les populations locales.

« On n’est pas contre la transition énergétique, mais elle ne peut pas se faire à tout prix, entame-t-elle avec force devant le parterre de militants venu assister à la conférence au Village de l’eau. Ce qu’on défend, c’est un projet d’énergie populaire qui inclue les populations locales et qui oblige à se demander réellement pour qui on produit de l’énergie et avec quel impact. » 

Parmi les barrages décriés par le Mab, celui de Belo Monte, construit en 2011 sur le fleuve Xingu, figure en bonne position. Et pour cause : alors que ce barrage – quatrième plus important au monde après le barrage des Trois-Gorges en Chine, celui d’Itaipu à la frontière entre le Brésil et le Paraguay et celui Xiluodu en Chine – devait apporter développement et emploi, il a conduit à l’inondation de 470 km2 de végétation et au déplacement de 25000 personnes.

« Les barrages sont souvent imposés aux populations locales pour des raisons dites environnementales, alors même que ce sont elles les meilleures gardiennes de l’environnement, corrobore très vite Vincent Metten. Il est urgent de les écouter et de prendre en compte la relation singulière qu’elles ont avec leur environnement, ce qui vaut d’ailleurs également lorsque les barrages sont érigés sur des sites considérés comme sacrés. »

« Réinventer entièrement notre rapport aux ressources en eau et en énergie »

Des préconisations que ne cessent de rappeler les défenseurs de l’environnement et des droits humains alors que les projets de barrages continuent à se développer. En France, le projet Rhônergia fait actuellement débat, comme le rapportait La Relève et La Peste dans un récent article. Et pour cause : alors que ce barrage devrait permettre de répondre aux besoins énergétiques d’environ 60 000 habitants, hors chauffage, la future installation est accusée par ses détracteurs de « détruire le seul tronçon encore sauvage du Rhône », sur un fleuve déjà artificialisé à plus de 85%. 

Dans ce contexte de vifs débats, France Nature Environnement (FNE), la fédération française des associations de protection de la nature et de l’environnement, apporte plusieurs pistes de réflexion et recommandations, comme optimiser les barrages existants plutôt que chercher à en construire de nouveaux, ainsi que privilégier une gestion plus sobre de la consommation en eau.

« Questionner les barrages implique de réinventer entièrement notre rapport aux ressources en eau et en énergie, à notre appropriation de la nature comme des hommes, conclut en ce sens Paula Davoglio Goes. C’est un travail titanesque, certes, mais indispensable. »

Cecile Massin

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