C’est mal connu et pourtant, l’argent des français est leur premier poste d’émissions de CO2, avant même leur consommation. La cause : les activités de financement et d’investissement des six principales banques françaises qui spéculent et utilisent notre argent pour développer les énergies fossiles. Nous publions aujourd’hui une tribune de la Coopérative Oasis, qui plaide en faveur de l’épargne solidaire.
À l’heure où 70% des Français se disent prêts à changer de banque pour dépolluer leur argent, les produits de la « finance verte » pullulent, soutenus par des campagnes de publicité qui jouent sur l’éco-anxiété des épargnants et « verdissent » l’image des principales banques de l’hexagone.
Pourtant, ces dernières ne semblent pas disposées à changer structurellement : en cinq ans, elles ont investi 350 milliards de dollars dans les énergies fossiles et émettent, à date, l’équivalent de 8 fois l’empreinte carbone de la France entière. Dans un documentaire récemment diffusé sur Arte, « Les sirènes de la finance verte », on découvre que certains produits d’épargne dits « verts » vont jusqu’à financer des stations de ski dans le désert.
Quelles sont les alternatives face à tant de cynisme ?
Disposant de budgets de communication sans commune mesure avec ceux déployés par ces acteurs, des entreprises de l’économie sociale et solidaire se mobilisent pour proposer des alternatives traçables, transparentes et durables au « greenwashing » des banques. Production d’énergie, agriculture, solidarité… L’actionnariat solidaire permet à des citoyennes et citoyens de s’engager en mettant leur épargne au service de plusieurs types de projets : la création d’écolieux en est un.
Ces lieux écologiques et collectifs, aussi appelés écohameaux, habitats participatifs, fermes collectives… sont répertoriés sur la carte de France des Oasis : on en compte plus d’un millier. Ceux qui s’y trouvent cultivent cinq invariants : la mise en commun de ressources et savoir-faire, un respect des individus qui les composent, l’ouverture aux autres, un lien renouvelé à la terre et une sobriété choisie.
Ces nouvelles manières d’habiter le monde apportent des réponses concrètes à la crise de l’énergie, à l’inflation et aux problématiques d’inclusion sociale. Grâce à la mutualisation des ressources, à la production agricole locale et à l’écoconstruction, ils permettent à celles et ceux qui y vivent de réduire drastiquement leur empreinte carbone, comme le démontre une récente enquête de BL Évolution : un habitant en oasis émet en moyenne deux fois moins de CO2 qu’un Français.
Là où l’industrie agroalimentaire crée une dépendance coûteuse, ces projets prennent soin du vivant dans toutes ses formes et donnent accès à une autonomie choisie, sans que celle-ci ne soit synonyme de repli.
En faisant de l’intégration à leurs territoires un invariant de leurs modèles, en cultivant des relations aux élus de leurs communes et en redynamisant les zones rurales où ils s’installent, ces lieux n’entendent pas répondre à l’urgence écologique par l’isolement.
Au contraire, ils inventent de nouvelles manières de tisser des liens : aux membres de leurs collectifs (85% estiment que l’on peut faire confiance à la plupart des gens, contre 30% des Français) et à leur temps de travail (94% des membres d’écolieux trouvent du sens à leur activité professionnelle, contre 50% des Français).
Alors, comment faire pour que ces initiatives essaiment à plus grande échelle, que l’on soit prêt à s’installer en écolieu ou non ?
Il est temps d’étudier et de faire connaître ces modes de vie, de lutter contre les préjugés qui y sont parfois accolés, de les soutenir humainement et financièrement si on le peut, car il s’agit de laboratoires d’une vie plus riche, soutenable et reliée, bref, d’une vie honorée à sa juste valeur.
Soutenir la vie en écolieu est un acte politique : c’est agir à l’échelle locale pour contribuer à remédier à un désordre global. Grâce à l’épargne solidaire, la Coopérative Oasis a déjà collecté près de 5 millions d’euros qui ont financé plus de 40 écolieux, partout en France – et obtenu récemment pour cela le Prix de la finance solidaire du label Finansol et du Monde Argent, catégorie « épargne solidaire ».
Un label qui rassemble de nombreux acteurs de l’économie sociale et solidaire qui recourent également à l’épargne citoyenne, comme Terre de Liens, qui acquiert des terres agricoles pour développer l’agriculture biologique, ou encore Énergie Partagée, qui finance des projets d’énergie renouvelables citoyens par ce même procédé.
Poursuivons ce mouvement. Car entre les dérives de villes surpeuplées où prospère la misère sociale et humaine et des campagnes désertées, un autre modèle de société et d’aménagement de l’espace est nécessaire et – déjà – possible.
Nous n’opérons pas de retour à la bougie, nous ne préparons pas de renaissance amish. Nous pensons que la sobriété n’est pas un renoncement et qu’elle apporte une joie profonde, par la conscience, l’autonomie et le lien au vivant qu’elle permet.
Crédit photo couv – Écovillage de Sainte Camelle