Pour la première fois, le RN remporte le premier tour des élections législatives françaises. Un retournement politique historique qui inquiète le monde entier, alors que la victoire du RN pourrait avoir des conséquences redoutables dans toute l’Europe.
Un « résultat historique » alarmant
Selon les résultats publiés ce matin par le Ministère de l’intérieur, le RN a obtenu 33,15 % des suffrages, suivi du Nouveau Front populaire (NFP, 27,99%) et du camp d’Emmanuel Macron (20,83%). Trente-neuf candidats du RN – dont Marine Le Pen – et trente-deux du NFP ont été élus dès le premier tour.
« Après avoir fait exploser l’échiquier politique en 2017, Emmanuel Macron a dynamité ce qu’il en restait [et] s’est mué en marchepied de l’extrême droite », commente La Libre Belgique.
Le taux de participation a été record : 66,7% du corps électoral a voté, soit un retour à un niveau de participation des années antérieures au quinquennat (67,9 % au premier tour en 1997). Avec la victoire écrasante du Rassemblement national (RN) au premier tour des élections législatives, la France fait « une chute vertigineuse dans l’inconnu » et Emmanuel Macron essuie une débâcle énorme selon la presse internationale.
« Ne vous y trompez pas, c’est historique, précise la BBC. Le Rassemblement national n’avait jamais gagné le premier tour des législatives auparavant ». Comme le souligne Politico Europe, l’extrême droite « n’a jamais été aussi proche du pouvoir et de former un gouvernement de cohabitation, avec Macron à la présidence. »
Si le RN remporte le second tour, ce serait la première fois depuis la France de Vichy que le pays ait à sa tête un gouvernement d’extrême droite. Ce renversement historique des valeurs républicaines a scindé la France en trois grands blocs, et alarme à l’international.
« Les Français décident de leur destin politique, mais aussi de celui de l’Europe : la perspective de voir la France, ce pays cosmopolite et symbole de la liberté, passer sous la direction de Marine Le Pen, est effrayante », analyse Delo, le principal quotidien de Slovénie.
La presse étrangère est unanime : le principal responsable de ce danger politique est le président Emmanuel Macron, désigné comme un « dirigeant narcissique » qui a pêché par orgueil.
Le quotidien Le Soir écrit ainsi que « par un renversement total des valeurs et des idéaux, des jeunes, des ouvriers, des diplômes, des femmes comme des hommes ont décidé que l’espoir, aujourd’hui en France, est incarné par un parti raciste. (…) Ce discrédit a le visage d’Emmanuel Macron, un président qui loin de protéger, pour de bon, son pays contre l’extrême droite, l’a légitimée en lui abandonnant les urnes ».
Conséquences du RN en politique internationale
Surtout qu’en Europe, les partis d’extrême droite montent en puissance petit à petit. Le même jour que les élections législatives françaises, le Premier ministre hongrois, Viktor Orban, a annoncé la création d’un nouveau groupe parlementaire d’extrême droite, Patriotes pour l’Europe, la veille de sa prise de présidence de l’Union européenne qui va durer six mois.
Pour Die Zeit, quotidien allemand de tendance centriste, le premier tour des législatives hexagonales constitue « un aperçu du sombre avenir qui nous attend ». « On ne peut pas exclure que le centre s’effondre dans un avenir proche, et pas seulement en France, et que les extrémistes de droite en particulier en profitent. C’est peut-être là le constat le plus amer de cette soirée électorale ».
Le RN est le parti politique qui a mis le plus grand nombre d’eurodéputés d’extrême droite au Parlement européen. Avoir un premier ministre RN en cas de majorité risque d’accentuer les tensions politiques entre Etats-membres, notamment sur la question de la guerre en Ukraine.
« La France est l’un des membres originels de l’Union européenne, sa seconde économie et une force motrice dans les affaires de l’UE. Le RN ne prône plus une sortie de l’Union mais beaucoup de ses propositions sont en rupture avec les politiques de l’UE, écrit le Wall Street Journal. On s’inquiète aussi qu’une victoire de l’extrême droite ne puisse réduire le soutien à l’Ukraine et saper la posture européenne face à la Russie. Le Pen a déjà commencé à remettre en cause l’autorité de Macron en politique étrangère et sur la défense, évoquant un rôle plus honoraire pour le président ».
Pour CNN : « Un gouvernement d’extrême droite pourrait entraîner une crise financière en plus d’une crise constitutionnelle. Le RN a fait des promesses très dépensières […] à un moment où le budget français pourrait être sévèrement épinglé par Bruxelles. »
Surtout, pour le quotidien suisse Le Temps : « la France est une balise politique » qui avait historiquement érigé l’universalisme au sommet de ses principes républicains
« Ce pilier hérité de la philosophie des Lumières affirme l’existence d’une unité du genre humain et celle d’un état de droit pour tous les citoyens. C’est le refus des particularismes, privilèges et inégalités de droits. Voir la France s’en éloigner, c’est se mettre à douter de la possibilité d’une société humaniste » s’inquiète le média helvète
Désormais, tout va se jouer au niveau des triangulaires, ces circonscriptions où droite, gauche et extrême-droite se disputent la victoire. Pour faire barrage au RN, la droite et la gauche vont devoir se désister en cas de troisième place. Un engagement déjà pris par le NFP de façon claire, mais pas par le camp présidentiel. Quitte à livrer le pays aux mains de l’extrême droite.
Sources : « Élections législatives en France : une chute vertigineuse dans l’inconnu », 30/06/2024, La Libre Belgique / « Le Pen’s far right set for big win in first round of French election », Politico Europe, 30/06/2024 / « Srhljiva misel, da svetovljanski Franciji lahko vlada Marine Le Pen », Delo, 30/06/2024, « Far Right Wins First Round of French Parliamentary Elections », The Wall Street Journal, 01/07/2024 / « France sees huge turnout in snap parliamentary elections as far right seek gains », CNN, 30/06/2024, « Tausende protestieren gegen Rassemblement National », Die Zeit, 01/07/2024