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Le retour encore trop timide de la consigne en France

Des régions comme l’Alsace, pionnière de la consigne du verre, n’ont par exemple jamais abandonné ce système de consigne, dont les habitants se sont emparés il y a bien longtemps. Au total, ce sont environ 25 millions de bouteilles consignées vendues chaque année sur le territoire alsacien, avec environ 30 % de magasins équipés en machine de déconsignation.

Des années 1900 à 1950, le système de consigne des bouteilles en verre était solidement installé sur l’ensemble du territoire national. Mais avec l’apparition du plastique à usage unique au milieu du siècle puis des supermarchés, la consigne a progressivement disparue pour laisser place à une surconsommation d’emballages jetables. Aujourd’hui, si des initiatives fleurissent un peu partout en France, les engagements de l’État en faveur de ce système responsable sont loin d’être à la hauteur d’un enjeu pourtant primordial.

La consigne en France : un manque de volonté politique

Il y a quelques jours, Citeo, entreprise à mission au service de la grande distribution pour l’accompagner dans la réduction de son impact environnemental, annonçait le retour de la consigne en verre dans 4 régions de France : les Pays de la Loire, la Bretagne, la Normandie et les Hauts-de-France.

Une expérimentation prévue pour 2025, dont les premiers emballages devraient être produits dès la fin 2024. Au total, 30 millions d’emballages de réemploi en verre seront mis sur le marché, pour environ 16 millions de consommateurs concernés, avec ce système appelé « ReUse ». Une initiative qui intervient pourtant trop tard et reste loin des objectifs selon Marine Bonavita, chargée de projets au sein de l’association Zero Waste France.

« Ce sont des effets d’annonce, qu’ils auraient dû faire il y a 5 ans. Aujourd’hui, on n’est plus du tout dans la phase d’expérimentation. Il y a déjà des régions qui sont extrêmement dynamiques sur la consigne. Il existe des initiatives partout sur le territoire, avec des systèmes qui fonctionnent déjà. Le véritable problème, c’est le manque de volonté politique et d’investissements », détaille-t-elle pour La Relève et la Peste.

Pour preuve, les territoires où les élus s’impliquent pleinement dans le développement du réemploi parviennent sans problème à intégrer ce système comme en région Provence-Alpes-Côtes-d’Azur avec « La Consigne de Provence », ou encore la société « Swiv » en Normandie. Les différents services des collectivités peuvent ainsi travailler main dans la main avec les associations et mettent en place des solutions les plus adaptées à l’échelle locale.

Selon l’ADEME, un scénario pourrait permettre d’obtenir entre 95 et 98% de taux de collecte des bouteilles en verre réemployables d’ici à 2029. La mise en place d’un tel dispositif est évalué à 379 millions d’euros.

« Nous souhaitons qu’il y ait une trajectoire nationale, que l’État débloque de l’argent pour ces actions. Il doit y avoir des investissements massifs dans le milieu du réemploi, dès le départ, pour éviter des coûts dans le futur, poursuit-elle pour La Relève et la Peste ».

Des régions comme l’Alsace, pionnière de la consigne du verre, n’ont par exemple jamais abandonné ce système de consigne, dont les habitants se sont emparés il y a bien longtemps. Au total, ce sont environ 25 millions de bouteilles consignées vendues chaque année sur le territoire alsacien, avec environ 30 % de magasins équipés en machine de déconsignation. Ces secteurs pilotes montrent que cela est possible, financièrement viable, et bénéfique pour l’environnement.

À titre d’exemple, la brasserie Meteor an Alsace a permis de réaliser des économies à la fois pour la société mais aussi pour les clients. Elle réalise en effet « plus de 260 euros d’économie par unité fonctionnelle », ce qui signifie que le réemploi de ses bouteilles lui revient moitié moins cher que l’achat de bouteilles neuves à usage unique. En outre, les acheteurs, eux, peuvent acheter au même prix et jusqu’à 20% moins cher leurs boissons par rapport aux bouteilles à usage unique.

Mais à ce jour, l’État est bien loin de remplir ses obligations concernant le réemploi. En effet, la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire (AGEC) défendait l’objectif d’atteindre 5% d’emballages réemployables en 2023, et jusqu’à 10% en 2027. Or, en 2024, seulement 1% des emballages en France sont réutilisables.

Réemploi VS recyclage

Pourtant, selon un sondage IFOP, « plus de 9 Français sur 10 se déclarent favorables » à sa réintroduction de la consigne, soit 92% d’entre eux, et plus de la moitié y sont très favorables (57%).

« Tout l’enjeu étant de rendre cette solution financièrement intéressant pour les consommateurs. L’État doit travailler à rendre moins cher le réemploi plutôt que la solution jetable », ajoute Marine Bonavita.

En effet, consigne de réemploi et de recyclage n’ont pas du tout les mêmes impacts, ni les mêmes objectifs à long terme.

« Il vaut mieux ne rien faire plutôt que favoriser la consigne pour recyclage qui encourage les bouteilles jetables. Certains supermarchés ont mis des bornes où l’on récupère les bouteilles plastiques, en attendant justement que les collectivités mettent en place le réemploi sur le territoire, mais ce n’est pas le bon message à faire passer », abonde la chargée de projet pour La Relève et la Peste.

Aussi, le système actuel veut que les collectivités perçoivent de l’argent selon le volume de bouteilles plastiques collectées dans les poubelles jaunes, ce qui n’incite évidemment pas à changer de mode d’action en faveur d’une consigne pour réemploi, et qui prône, encore, la surconsommation de plastique.

Tous les ans, près de 15 milliards de bouteilles plastiques sont mises sur le marché en France. Pour rappel, entre 75 à 199 millions de tonnes de plastique sont  aujourd’hui contenues dans les océans du globe et menacent la biodiversité comme la santé humaine :  extraction de matières fossiles, additifs chimiques, inhalation de microparticules…

En outre, les bouteilles plastiques ont un cycle de recyclage fini et perdent en qualité à mesure qu’elles sont transformées encore et encore. La bouteille en verre, quant à elle, est brisée puis fondue à nouveau pour créer une nouvelle bouteille. Un processus qui permet d’économiser 75% d’énergie et 33% d’eau par rapport au recyclage.

« Aujourd’hui, on débloque des millions d’euros pour des usines de recyclage dont on ne sait même pas si elles vont fonctionner, pour des matériaux qu’on utilise déjà en recyclage mécanique comme les bouteilles plastiques. C’est toujours plus coûteux et plus impactant environnementalement parlant », détaille Marine Bonavita.

Définir une trajectoire de réemploi

L’important est pourtant, avant tout, de réduire la production de plastique et de déchets en revenant à une économie la plus circulaire possible. La nécessité est aussi et surtout d’alerter sur les fausses promesses d’un recyclage plastique à outrance tout en changeant les mentalités quant à la consigne pour réemploi.

Selon Marine Bonavita, l’État doit investir massivement auprès des entreprises qui, aujourd’hui, fabriquent du plastique, et pourraient entamer des reconversions en réemploi et consigne. Mais il faut également, pour cela, opérer une transition de mentalité qui nécessiterait finalement peu de changements en termes d’habitudes chez les citoyens. En effet, le verre, que chacun doit déjà trier, est acheminé vers des conteneurs permettant ensuite de le transporter vers des circuits de recyclage.

Le fait de réinstaller le système des bouteilles en verre consignées permettrait, in fine, de mutualiser des trajets, à pied ou en voiture, en les emmenant lors de ses courses dans des magasins équipés d’un système de consigne.

Aujourd’hui, Zero Waste France attend notamment la mise en place d’une trajectoire définie pouvant être élaborée l’Observatoire national du réemploi et de la réutilisation, et plus largement de l’État qu’il respecte la loi AGEC.

À ce jour,  cette dernière prévoit la fin du plastique à usage unique d’ici 2040, mais ne propose pas de solutions concrètes à mettre en place. Aucune véritable incitation n’est faite à la consigne, qui se voit, encore aujourd’hui, préférée à des alternatives jetables. Quant aux matières telles que le bio plastique, les recherches actuelles ne permettent pas de les gérer de façon optimale pour envisager ces solutions, qui ne résolvent d’ailleurs toujours pas le problème de la surconsommation.

« La première étape, impérative, est d’aider les collectivités et les entreprises qui tentent de mettre en place des choses en faveur du réemploi. Ce sont des investissements lourds au début, mais nécessaires pour la suite », suggère Marine Bonvita pour La Relève et la Peste.

À quand la mise en place obligatoire de machines de déconsignation au sein des grandes surfaces et la reprise systématique des emballages en verre ?

Sources : Pourquoi la consigne a disparu en France ?, Le Fourgon, 04/04/24 / « Citeo prépare le retour de la consigne pour réemploi dans quatre régions », Actu-environnement, 04/07/24 / « Les Français et la consigne des emballages de boissons », IFOP, 16/05/23 / « Un rapport alerte sur les effets nocifs du plastique sur la santé tout au long de son cycle de vie », Zero Waste France, 27/03/19 / « Sondage : les français.es majoritairement favorables à l’interdiction des bouteilles en plastique de moins de 50 cl », Zero Waste France, 06/06/24 / “La consigne de verre fait son grand retour en Alsace”, Pokaa, 03/05/2019

Juliette Boffy

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