Face à la recrudescence d’incendies dévastateurs, le Portugal a déployé 18 500 chèvres pour lutter contre les feux de maquis et de forêt. Ce projet expérimental veut pallier l’échec de l’utilisation de drones et satellites, et améliorer la gestion de l’environnement du pays.
Alors que les canicules et sécheresses frappent de plus en plus sévèrement le continent européen, le Portugal figure parmi les pays les plus touchés par le phénomène. En dix ans, le Portugal a perdu plus de la moitié de ses forêts à cause des incendies. L’un des plus mortels est celui de Pedrógão Grande, au centre du Portugal. En 2017, il a détruit plus de 20 000 hectares et tué 65 personnes, brûlées vives dans leurs véhicules immobilisés par les flammes.
Après avoir tenté d’étouffer les foyers de feux grâce à l’utilisation de drones et satellites, le Portugal se tourne maintenant vers une solution beaucoup plus low-tech : les chèvres. Depuis mars 2018, 18 500 chèvres ont été envoyées dans les maquis pour manger bruyères, genêts et arbustes. Elles laissent dans leur sillage des sites défrichés, même les plus escarpés et rocheux, ce qui permet de limiter la propagation des feux en cas d’incendie.
Cette opération expérimentale va mobiliser une quarantaine de bergers pendant 5 ans. Payés 25 euros pour chaque hectare nettoyé, le retour des bergers dans les collines portugaises permet de repeupler des régions fortement touchées par l’exode rural. Le phénomène est tel qu’il est à l’heure actuelle plus difficile pour le gouvernement de trouver des bergers que des subventions pour financer le projet.
« Quand les gens abandonnent les campagnes, ils laissent aussi le territoire extrêmement vulnérable aux incendies. Nous avons perdu un mode de vie dans lequel la forêt était précieuse. » a confié au NY Times João Cassinello, l’un des représentants du Ministère de l’Agriculture du Portugal
L’exode rural est loin d’être le seul facteur déterminant dans la propagation des incendies dans le pays. La crise climatique, avec des vagues de chaleur de plus en plus fortes, combinée à l’industrie de la cellulose crée une équation incendiaire pour le pays. Lancée à grande échelle dans les années 80, cette industrialisation s’est traduite par la plantation d’eucalyptus, une essence extrêmement inflammable et très demandée par l’industrie du papier. Aujourd’hui, au moins 9 % du territoire (plus de 800.000 hectares) serait recouvert d’eucalyptus.
Cette année, le Portugal a consacré près de la moitié de son budget de lutte contre les incendies en zones rurales aux mesures de prévention, contre 20 % seulement en 2017. Le succès de l’utilisation des chèvres dépendra également des financements alloués aux bergers, qui doivent s’occuper des animaux 24h/24, pour inspirer de nouvelles vocations.