Pour les chasses « traditionnelles », c’est le début de la fin. Dans une décision du vendredi 6 août, le Conseil d’État a jugé que certaines techniques de chasse aux oiseaux, à l’aide de filets ou de cages, n’étaient pas « conformes aux exigences du droit européen ». La Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) et l’association One Voice, à l’origine du recours, ont salué une avancée « historique ».
Qu’elles se pratiquent par « tenderie » (une sorte de nœud coulant), « pantes » (des filets se refermant sur les oiseaux) ou « matoles » (de petites cages), qu’elles s’attaquent aux vanneaux, pluviers, alouettes, grives ou merles noirs, les méthodes de chasse traditionnelles d’oiseaux employées dans les Ardennes et le sud-ouest de la France sont désormais interdites.
Saisi par la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) et l’association One Voice, le Conseil d’État se prononçait vendredi 6 août sur une vingtaine de requêtes déposées, comme chaque année, contre tous les arrêtés ministériels autorisant le piégeage de petits oiseaux sauvages depuis 2018.
Et pour la première fois, la plus haute juridiction administrative du pays a annulé en bloc ces autorisations, estimant qu’elles n’étaient pas « conformes aux exigences du droit européen » en matière de protection des oiseaux.
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La directive européenne « Oiseaux », adoptée en 1979 et réformée en 2009, proscrit en effet, sur les territoires de l’Union, toutes les techniques permettant de capturer des oiseaux de façon massive et sans distinction d’espèce.
La persistance des chasses traditionnelles dans une dizaine de départements français, parmi lesquels les Ardennes (tenderies), la Gironde (matoles, pantes) ou le Vaucluse (glu), reposait sur une ambiguïté de la directive stipulant que les États peuvent accorder des dérogations quand elles sont « dûment motivées » ou s’il n’existe pas d’autre « solution satisfaisante » pour capturer certains oiseaux.
Saisi là encore par la LPO et One Voice, le Conseil d’État avait déjà décidé, le 28 juin dernier, que la chasse dite « à la glu » était « contraire au droit européen ». Les juges s’étaient alignés, dans ce cas, à l’avis de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) considérant que cette méthode était cruelle, non sélective, non motivée et remplaçable par une autre.
Jugée illégale, la chasse des grives et des merles à la glu avait alors été définitivement interdite dans les cinq départements du Sud-Est où elle était encore tolérée.
De là à ce que la règlementation des autres chasses traditionnelles évolue, il n’y avait qu’un pas. Le voilà fait. Dans un communiqué, le Conseil d’État explique que la préservation de la tradition ne suffit plus, depuis l’avis de la CJUE, à autoriser les tenderies, les matoles et les pantes.
Il constate par ailleurs que les dérogations attaquées « ne sont pas dûment motivées » et que « le ministre n’a pas été en mesure d’établir que ces méthodes de chasse […] sont les seules » permettant de capturer « des vanneaux huppés, pluviers dorés, alouettes des champs, grives et merles noirs ».
Les arrêtés de 2018, 2019 et 2020 sont donc annulés. Il s’agit certes d’une décision rétroactive (le mal est fait, si l’on peut dire), mais elle devrait permettre aux associations de faire annuler les prochaines dérogations du ministère de la Transition écologique.
Quelques heures après la décision, One Voice a salué une « victoire historique » venant « couronner un travail de titan », tandis que la LPO a demandé « au gouvernement d’agir en conséquence et d’abolir », purement et simplement, « ces pratiques d’un autre âge ».
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Plusieurs projets d’arrêtés pour la saison de chasse 2021-2022 sont en préparation. Ils font l’objet, cet été, d’une consultation sur le site du ministère et seront publiés à la rentrée.
Pour l’heure, pantes, matoles et tenderies menacent donc encore 106 285 alouettes (espèce en déclin continuel depuis 40 ans), 1 200 vanneaux (espèce quasi menacée) 30 pluviers dorés et 5 800 grives et merles noirs, indique la LPO dans son communiqué.
Les deux associations se déclarent prêtes, « dès la promulgation des prochains arrêtés », à retourner devant le Conseil d’État afin de faire appliquer ce qui semble constituer la nouvelle réglementation.
La Fédération nationale des chasseurs, pour sa part, « en appelle au premier ministre Jean Castex » et compte « examiner tous les recours juridiques possibles pour défendre ces traditions » faisant « partie intégrante du patrimoine rural français ».
Si les jours des chasses traditionnelles sont comptés, le bras de fer n’est donc pas tout à fait fini.