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Le Conseil d’Etat interdit l’usage de l’huile de palme dans les biocarburants

« Cette décision est un camouflet pour le gouvernement qui a cherché par tous les moyens à faire passer les intérêts de Total avant l’intérêt général. » explique Sylvain Angerand, coordinateur des campagnes pour Canopée et porte-parole des Amis de la Terre France

Dans un avis rendu le 24 février, le Conseil d’Etat a confirmé que tous les produits à base d’huile de palme sont exclus des biocarburants. Un désaveu pour Total : le pétrolier français avait utilisé une faille juridique pour requalifier en « résidu » l’un des principaux produits à base d’huile de palme utilisé dans sa bioraffinerie de la Mède, les PFAD (Palm Fatty Acid Distillate). Cette décision est une victoire majeure pour les ONG qui avaient saisi la plus haute instance de juridiction du pays et espèrent à présent qu’elle pourra faire jurisprudence au niveau européen.

Le scandale a commencé en décembre 2019, lorsque des associations de protection de l’environnement révèlent une discrète note d’information des douanes qui requalifie en « résidu » l’un des principaux produits à base d’huile de palme utilisé par Total à la Mède, les PFAD (Palm Fatty Acid Distillate).

Une requalification mensongère pour les associations de protection de l’environnement puisque les PFAD ne sont pas des résidus, mais bien des co-produits d’huile de palme séparés par distillation lors de l’extraction.

On le rappelle, l’huile de palme a une empreinte écologique catastrophique puisqu’elle est responsable de la déforestation de forêts tropicales millénaires, notamment en Indonésie et en Malaisie, où 20 % de leur superficie a disparu en trente ans.

Cette requalification en « résidu » a permis à Total de continuer à bénéficier d’un indispensable avantage fiscal de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) permettant son incorporation dans les carburants

Le premier producteur français de biocarburants jouait gros puisque sa raffinerie de La Mède, près de Marseille, fabrique environ 500 000 tonnes de biogazole par an. Or, sans avantage fiscal, cette production devient bien plus chère que de produire du simple gazole.

Grâce à un lobbying acharné, Total avait ainsi obtenu du gouvernement français de faire marche arrière sur sa décision 2018, lorsque le Parlement avait décidé d’exclure de cette liste les produits à base d’huile de palme ce qui représentait une perte d’environ 100 millions d’euros par an pour le pétrolier.

Raffinerie La Mède de Total – Lire aussi : « Comment Total a contourné l’interdiction d’utiliser l’huile de palme dans les biocarburants »

Face au scandale, les associations Canopée, Les Amis de la Terre et Greenpeace avaient immédiatement saisi le Conseil d’Etat pour rétablir cette avancée écologique, et réellement supprimer l’ensemble des produits à base d’huile de palme des biocarburants.

Dans sa décision datée du 24 février, le Conseil d’État vient de trancher en leur faveur dans l’affaire les opposant à l’État et Total : la note des douanes qui ouvrait cette exception est annulée, et l’Etat a été condamné à verser une somme globale de 3000 euros aux associations Canopée et Les amis de la terre et une somme de 3000 euros à l’association Greenpeace France.

Pour Sylvain Angerand, coordinateur des campagnes pour Canopée et porte-parole des Amis de la Terre France : « Après le Conseil Constitutionnel, c’est le Conseil d’État qui vient à nouveau consolider la décision d’exclure tous les produits à base d’huile de palme des biocarburants, reconnaissant ainsi leurs impacts directs et indirects sur la déforestation. Cette décision est un camouflet pour le gouvernement qui a cherché par tous les moyens à faire passer les intérêts de Total avant l’intérêt général. »

Surtout, les associations espèrent que ces décisions des deux plus hautes instances légales en France créent un solide précédent juridique, qui permettrait d’accélérer au niveau européen la fin de l’utilisation de l’huile de palme dans les carburants.

Prochaine étape le 11 mars : une autre audience aura lieu au tribunal administratif de Marseille dans l’affaire opposant Greenpeace, les Amis de la Terre et la FNE à Total. En 2018, les associations avaient déposé un recours contre l’arrêté préfectoral autorisant l’exploitation de la bioraffinerie Total à La Mède.

A l’époque, les ONG dénonçaient déjà « l’entêtement du groupe pétrolier alors que, d’ici six mois, l’huile de palme devrait être exclue de la liste des biocarburants. »

Pour elles, l’étude d’impact de Total avec laquelle l’État a autorisé la raffinerie n’est pas assez neutre et objective. De plus, le même préfet a autorisé à la fois le projet de la raffinerie et émis l’avis environnemental. Pour les ONG, l’État français est donc coupable de manquements à son devoir.

Laurie Debove

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