Quand on voit des documentaires sur les animaux ou des films animaliers, on découvre leur vie, leur habitat, leurs habitudes, et comment ils interagissent entre espèces. On se souvient avoir vu l’impact époustouflant de la réintroduction du loup au parc de Yellowstone, et comment ce prédateur de retour dans le paysage a redonné vie aux rivières.
Mais on voit rarement des films sur l’interaction entre l’environnement animal et le nôtre. Non pas pour comprendre comment l’activité humaine détruit l’habitat des animaux, mais pour voir comment les animaux, par leurs activités, aident l’humain.
S’il est un animal unique par son statut d’architecte constructeur de paysages, c’est bien le castor. En construisant ses barrages, le castor empêche les crues, réduit la pollution et permet aux poissons et aux amphibiens de prospérer.
C’est ce que montre une récente étude de l’université de Exeter, dont les conclusions aideront à décider de la réintroduction de cet animal en Angleterre après quatre-cent ans.
À l’heure des violentes inondations, le castor pourrait bien être l’une des solutions.
Mais au fait, pourquoi le castor construit-il des barrages ? Cet animal est très peu habile sur terre, et doit toujours rester près de l’eau. Mais un mammifère qui vit dans l’eau, sans avoir l’équipement respiratoire pour vivre dans les profondeurs… il fallait inventer quelque chose.
Alors le castor construit son terrier près de l’eau. En construisant des barrages hauts, le castor peut atteindre des arbres trop éloignés de la rivière, ce qui fait monter le niveau de l’eau et lui permet de rejoindre ces arbres à la nage. Certains barrages comme l’impressionnant barrage de Wood Buffalo, mesurant près de 4 kilomètres de long, peuvent être l’oeuvre de plusieurs générations de castors.
Il y a dix ans, une colonie de castors fut découverte sur la rivière Tay en Écosse. En 2010, une famille était découverte sur les berges de la rivière Otter. Aujourd’hui c’est huit couples dont l’activité est suivie depuis cinq ans.
Les observations des biologistes ont permis de constater une nette diminution des crues, mais aussi une diminution de la pollution des eaux – près de 100 tonnes de sédiments venant des reflux des fermes en amont contenant de forts taux de nitrogènes et de phosphore – et une augmentation de 37% des poissons.
La réduction des crues en contre-bas de la rivière peut cependant signifier une raréfaction pour les terres arables en amont. De quoi faire du castor un enjeu de conflit d’intérêt.
Cet automne, La Relève et la Peste vous faisait découvrir, dans le pays où le castor est un symbole, la zone protégée de Laurier Woods, en plein coeur de la ville de North Bay. Sans l’activité des castors, les usines de la ville ne pourraient tout simplement pas fonctionner, car elles seraient privées d’eau.
L’étude d’Exeter pourrait rappeler, si l’en était besoin, à quel point la disparition de la biodiversité n’est pas une problématique de bobos ou de gens qui en ont le luxe. On s’alarme plus volontiers de la disparition des grands mammifères car ils sont beaux, et de celles des abeilles parce que nous avons acquis qu’elles sont essentielles pour polliniser les champs et que sans elles, nous n’aurions plus à manger.
Mais nous oublions que tous les animaux jouent un rôle essentiel, notamment les vers de terre, et d’autres, dont le rôle est moins évident, comme les castors. S’il faut absolument trouver une utilité pour nous réveiller sur l’importance de protéger la biodiversité, l’urgence de la situation nous invite à laisser de côté le combat intellectuel pour la reconnaissance de la valeur intrinsèque du vivant.
Alors, oui, les animaux nous sont utiles, même si leur protection est un devoir envers la vie même au-delà de nos propres besoins. Leur disparition, c’est aussi la nôtre.