La Ville de Mimizan souhaite raser une pinède de 17 ha pour construire une ZAC de 340 logements. Pour une grande partie des mimizannais.es, cette forêt est un patrimoine naturel essentiel pour lutter contre l’érosion du littoral et protéger les habitants des tempêtes. Plusieurs actions en justice ont donc été lancées par un collectif d’habitants accompagnés de plusieurs associations dont la SEPANSO Landes.
La première décision en justice a été rendue hier soir : non seulement le Tribunal de Pau a décidé d’autoriser le défrichement, mais il a également condamné la SEPANSO Landes à une amende de 1000 euros à verser à la commune de Mimizan. Une décision significative des enjeux financiers autour de l’urbanisation des territoires, qui prévalent bien trop souvent sur les préoccupations des locaux et des enjeux environnementaux. Explications.
Une forêt de 17 ha menacée de destruction pour un projet immobilier
Mimizan, dans Les Landes, est une commune de 11 500 hectares avec une population de 7000 habitants. Lancé par la précédente municipalité avec des promoteurs immobiliers déjà présents dans la Région, la ZAC du Parc d’Hiver est un projet de 310 à 345 logements qui doit venir s’implanter sur une dune forestière de 17 ha.
Ce projet s’insère dans un secteur riche en espèces patrimoniales et en habitats naturels remarquables. Au total, trois sites Natura 2000 et cinq ZNIEFF (Zones Naturelles d’Intérêt Écologique, Faunistique et Floristique) sont présents dans un rayon de six kilomètres autour du site d’implantation. Résultat : la pinède abrite de nombreuses espèces animales et végétales, qu’il s’agisse de visiteurs passagers venant se nourrir ou d’habitants à l’année.
On peut notamment y voir la Loutre d’Europe, le Grand Capricorne dans les boisements de chênes bordant le Courant de Mimizan, des oiseaux (Gobemouche gris et Rougequeue à front blanc), des chauves-souris (Murin de Bechstein, Grande Noctule, Noctule de Leisler) et des amphibiens, mais aussi des espèces végétales protégées au niveau national (Romulée bulbocode, Silène de Porto) ou local (Crépi de Bulbeuse Sonchusbulbosus et de Scabieuse maritime).
Lorsque les habitants ont eu vent du projet à travers le lancement d’une enquête publique, il y a deux ans, ce n’est pas seulement leur amour pour cette forêt et ses animaux qui a parlé, mais aussi une réelle inquiétude sur l’artificialisation d’un littoral sensible dans un contexte d’événements climatiques extrêmes de plus en plus présents.
« Cette forêt devrait être protégée par la loi Littoral au vu de sa situation géographique ! Le terrain appartenait auparavant à l’Office National des Forêts (ONF). C’est devenu un terrain communal qui devrait être inconstructible étant donné cette zone fragile, avec des nappes phréatiques assez hautes. Nous avons aussi besoin de conserver les arbres pour nous protéger des vents violents. Quand on voit ce qui se passe actuellement dans le Sud-Est on ne peut qu’imaginer la même chose ici, avec la conjoncture violente d’événements extrêmes que nous traversons désormais. » explique Françoise Lelief, l’une des membres du collectif Parc d’Hiver Mimizan qui a fait appel à la SEPANSO pour leurs actions en justice, pour La Relève et La Peste
Début octobre, la tempête Alex a d’ailleurs frappé les alentours directs de l’EHPAD de Mimizan, et d’une zone qui avait subi quelques mois auparavant une coupe rase pour construire des logements. Les habitants opposés au projet ont constaté les dégâts et ont fait le parallèle avec les risques posés par le défrichement des 17ha du Parc d’Hiver.
La Mission régionale d’autorité environnementale de la région Nouvelle-Aquitaine, dans son avis délibéré de décembre 2018, expliquait déjà que les thématiques de la préservation de la biodiversité, de la gestion de l’eau, du cadre de vie, de la desserte en transports et de la prévention des risques, l’analyse des impacts et des mesures de réduction étaient insuffisantes et que le dossier devait être approfondi.
Un an et demi plus tard, même son de cloche dans les conclusions du commissaire enquêteur chargé du dossier qui, s’il a donné un avis favorable global au projet, a émis de sérieuses recommandations sur l’importance primordiale de conserver le plus d’arbres possibles et de rester attentifs aux phénomènes de remontée de la nappe phréatique, de l’érosion et du déplacement de masses de sable causés par le vent.
Et pour cause, le quartier du Parc d’Hiver est le dernier îlot de forêt de Mimizan-Plage, niché au bord du courant à deux pas des plages Océanes. Le courant de Mimizan serpente sur une distance d’environ 7 km à travers la forêt landaise, les dunes, les roselières et les prés salés, puis se jette dans l’Atlantique. Le défrichement des 17 ha de cette pinède sera un véritable désastre environnemental.
La prévalence d’intérêts économiques privés
Malgré toutes ces réserves, le Tribunal Administratif de Pau, par l’ordonnance du 19.10.2020, a décidé de permettre le défrichement de la forêt, alors que d’autres recours sont en attente sur le jugement du fond du dossier. La Fédération SEPANSO (Société pour l’Etude, la Protection et l’Aménagement de la Nature dans le Sud-Ouest) a également été condamnée à verser 1000€ « au titre des frais exposés par la Commune de Mimizan et non compris dans les dépens » !
« Je suis surtout déçu pour les mimizannais.es qui se sont impliqués et sont très déçus. Nous avons toujours les recours sur le fond en cours, mais à quoi ça sert de gagner dans six mois s’ils rasent tous les arbres entre-temps ? Il n’y a qu’à voir ce qu’ils ont déjà fait à la ZAC des Hournails. La condition sine qua none du projet était de conserver 6000m2 d’arbres mais les derniers ont été coupés la semaine dernière, et ils ont complètement arasé les dunes. Une aberration écologique. » explique Jean Dupouy, vice-président de la SEPANSO Landes qui suit le collectif opposé au Parc d’Hiver, pour La Relève et La Peste
Officiellement, la ZAC du Parc d’Hiver doit venir répondre à « la demande croissante de logements » à Mimizan. Surnommée « la perle de la Côte d’Argent », cette ville balnéaire est renommée pour ses 10 km de plages de sable fin, son courant, ses dunes et ses forêts.
Il n’y a donc pas que les habitants de Mimizan qui cherchent à se loger, mais aussi les nombreux touristes et ménages un peu plus aisés pouvant s’offrir le luxe d’une résidence secondaire.
Dans son rapport de février 2020, le commissaire enquêteur missionné sur le projet pointe ainsi qu’il a été construit 844 logements de 2007 à 2016, alors que la population a augmenté de seulement 220 habitants et que « personne ne paraît capable de trancher le débat du pourcentage résidences principales/secondaires ».
Alors que les logements de la ZAC des Hournails n’ont pas encore tous été vendus, les opposants au projet dénoncent une course immobilière effrénée au service de l’intérêt économique des promoteurs. Le 19 décembre 2019, l’ancien conseil municipal de Mimizan avait ainsi vendu pour près de 6 millions d’euros des parcelles de la ZAC du Parc d’Hiver, sans aucun appel d’offres et avant même que ne soit délivrée l’autorisation de défrichement, l’enquête publique ne débutant que le 23 décembre 2019.
« La commune a d’énormes problèmes financiers, elle obéit à une logique de marché pour essayer de s’en sortir mais c’est un cercle vicieux. Les seuls gagnants de l’histoire, ce sont les promoteurs immobiliers ! Le terrain coûtait 350€ au m2 à l’achat alors que ce n’était toujours pas défriché donc qu’est-ce que ça va être quand ça sera construit ! La municipalité actuelle aurait dû contrer le projet lorsqu’ils faisaient partie de l’opposition. Ce projet concerne bien entendu l’environnement mais surtout les citoyens qui voient aujourd’hui leur cadre de vie détruit sans être consultés, ni avoir droit à la parole. Et si jamais des catastrophes climatiques devaient endommager la ville qui va régler les frais ? Encore une fois, les contribuables. » analyse Jean Dupouy, vice-président de la SEPANSO Landes qui suit le collectif opposé au Parc d’Hiver, pour La Relève et La Peste
Au-delà de la construction de logements, c’est donc la question de la dynamique d’un territoire et de son aménagement, bien trop souvent décidée arbitrairement sans une réelle construction avec la population locale qui pose question.
« Quand on regarde la carte et qu’on sait qu’on va avoir de plus en plus de tempêtes ici, ce projet immobilier est un drame. Habitant de l’Aquitaine, vous entendez toujours parler de la forêt dunaire comme une forêt de protection. Mais le problème fondamental que nous avons c’est qu’au Code Forestier, la forêt de protection est quelque chose qui est très clairement défini par un arrêté ou un décret. Là, on a une forêt de protection qui l’est de fait, mais pas de droit. Rien ne dit qu’il soit strictement interdit de toucher à une forêt dunaire. Si c’était le cas, les appétits immobiliers ne pourraient plus tout détruire. » détaille Georges Cingal, Président de la Fédération SEPANSO Landes et Secrétaire Général Fédération SEPANSO Aquitaine, pour La Relève et La Peste
Malgré ce premier camouflet juridique, les personnes opposées au projet immobilier n’ont pas encore dit leur dernier mot, et comptent bien manifester leur mécontentement à la nouvelle liste municipale. Reste à savoir si les bulldozers auront raison de la forêt, et les appétits économiques du bon sens écologique.