L’AMOC, la circulation méridienne de retournement de l’Atlantique qui a un rôle majeur dans la régulation du climat, est à son niveau le plus bas depuis mille ans. C’est ce que révèle une étude publiée fin février dans la revue Nature Geoscience par des chercheurs irlandais, anglais et allemands. L’Amoc contribue à donner à l’Europe son climat tempéré et régule celui de l’Amérique du Nord. La modification de ce courant marin est l’un des effets les plus redoutés du bouleversement climatique en cours.
L’AMOC, un courant océanique soigneusement étudié
L’AMOC agit comme un « tapis roulant géant », pour reprendre les mots de Stefan Rahmstorf, coauteur de l’étude. L’eau chaude salée est entraînée du Sud vers le Nord. Dans l’Atlantique Nord, elle se refroidit, devenant ainsi plus dense.
L’eau coule alors vers des couches océaniques plus profondes, et se trouve entraînée à nouveau vers le Sud. L’AMOC repose donc sur un fragile équilibre entre les températures et la salinité des eaux.
Ce n’est que depuis quelques années que les scientifiques sont capables de produire des estimations fiables à propos de l’impact de l’action humaine sur la circulation de l’eau dans l’océan Atlantique. Avant 2004, très peu de données se trouvaient disponibles.
Pour cette étude, les chercheurs ont notamment examiné la composition des espèces de coraux. En effet, ceux-ci se répartissent sur les fonds marins en fonction de la température de l’eau.
Les scientifiques ont également effectué des carottes de sédiments océaniques et examiné la taille des grains recueillis.
« Un courant plus rapide peut transporter de plus gros grains », explique à ce sujet Levke Caesar, coautrice de l’étude.
Enfin, les chercheurs ont compilé des données historiques, comme celles contenues dans les journaux de bord. L’ensemble de ces indicateurs dresse ainsi un tableau de la façon dont la circulation a évolué au fil des ans.
« Nous avons vu que la circulation océanique est restée stable jusqu’à la fin du XIXe siècle, explique Stefan Rahmstorf. Avec la fin de la petite période glaciaire vers 1850, les courants océaniques ont commencé à diminuer, avant un deuxième déclin plus drastique à partir du milieu du XXe siècle ».
D’après l’étude, le constat est clair : le courant océanique aurait diminué d’environ 15 % depuis 70 ans.
Un courant irremplaçable pour la régulation du climat
Parmi les causes de ce ralentissement, il y a tout d’abord le réchauffement climatique. Ce phénomène, augmentant la température de surface des océans, dérègle le mécanisme des courants.
L’inquiétude de la communauté scientifique à ce sujet n’est pas nouvelle : depuis plusieurs années déjà, un ralentissement de l’AMOC est prédit par les modèles climatiques. En 2018 déjà, des chercheurs tiraient la sonnette d’alarme.
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À cela s’ajoutent l’augmentation des précipitations ainsi que la fonte accélérée de la calotte glaciaire du Groenland, qui ont pour effet d’ajouter de l’eau douce à la surface de l’océan. Tous ces éléments tendent à réduire la salinité –et par là-même la densité de l’eau, qui plonge donc moins en profondeur.
Cependant, ce courant se révèle absolument irremplaçable. Au total, il déplace près de 20 millions de mètres cubes d’eau par seconde grâce à l’AMOC, soit près d’une centaine de fois le flux du fleuve Amazone.
Agissant comme régulateur, son impact sur le climat européen est essentiel. S’il diminue, les hivers y seront plus froids, les étés plus chauds, les tempêtes plus violentes.
Les humains ne seront pas les seuls à en souffrir. Avec un tel ralentissement du courant, poissons, oiseaux et mammifères verront leur milieu naturel chamboulé. Des milliers d’espèces pourraient disparaître, y compris des poissons dont certaines populations ont besoin pour survivre.
En 2018, le fond de recherche européen ATLAS prévenait ainsi qu’«un affaiblissement de l’AMOC peut aussi conduire à des hausses ou des baisses de températures de plusieurs degrés, affectant certaines espèces de poissons importantes (pour l’homme), ainsi que la quantité de plancton, de poissons, d’oiseaux et de baleines ».
Enfin, ce phénomène a un impact direct sur les populations américaines. À son niveau normal, l’AMOC provoque une déviation des masses d’eau loin de la côte Est des Etats-Unis. Avec l’affaiblissement du courant, l’eau s’accumule sur la côte Est, entraînant une élévation du niveau de la mer.
Crédit photo couv : NASA