Une nouvelle loi permet désormais la vente de semences paysannes, non inscrites au catalogue officiel, à des jardiniers amateurs. Une première victoire pour les amoureux des semences du « domaine public » qui ne permet pas encore aux agriculteurs et aux professionnels de les acheter ou de les vendre.
La loi change… un peu
On appelle semences paysannes celles qu’un agriculteur prélève directement sur sa récolte pour les replanter. Jusqu’ici, seules les variétés inscrites au catalogue officiel des espèces et des variétés de plantes cultivées pouvaient être commercialisées.
La loi relative à la transparence de l’information sur les produits agricoles et alimentaires, parue au Journal officiel le 11 juin 2020, modifie le Code rural et maritime pour autoriser la vente et l’échange de toutes les semences paysannes, en l’encadrant strictement.
Précision de taille : la mise sur le marché de ces semences est limitée à des « utilisateurs non-professionnels ».
Comme pour toutes les semences du catalogue, elle implique « le respect des règles sanitaires et relatives à la qualité, le taux de germination, l’emballage et l’étiquetage et celles de droit commun énoncées dans le Code de la consommation » (sécurité et santé des personnes, loyauté des transactions commerciales et protection des consommateurs).
« C’est une certitude que tous les producteurs de semences paysannes ne pourront pas satisfaire à ces règles drastiques ni s’offrir le passeport sanitaire qu’on risque bien de leur réclamer à l’avenir…», explique Maxime Schmitt, coordinateur de la Maison des Semences Paysannes Maralpines, à Nice.
Ils pourraient aussi avoir à affronter des accusations de concurrence déloyale, car ils ne remplissent pas toujours les mêmes obligations que les semenciers industriels. Un exemple de ces contraintes : les producteurs et revendeurs de semences paysannes doivent se déclarer auprès du Service officiel de contrôle des semences et des plants (SOC).
« Pour rappel, le SOC est un organe du Groupement National Interprofessionnel des Semences et Plants (GNIS), le lobby des semences. Pas étonnant donc que certains producteurs décident de ne pas s’y inscrire, par désobéissance civile… »
Du micro-pas au marathon en avant
Pour Maxime Schmitt, cette nouvelle loi est une bonne nouvelle, même si elle est juste « un micro-pas en avant ». « Elle formule de manière positive un droit qu’on prenait déjà dans l’ombre, dans les interstices de la législation. »
« Ces dernières années, on a lu et vu beaucoup de raccourcis sur l’interdiction de la vente des semences paysannes, précise-t-il, alors qu’on avait déjà ce droit à destination des amateurs. Ils sont notamment liés à des lectures restrictives de la loi existante, comme l’a fait par exemple la Cour de justice de Nancy dans un procès contre Kokopelli. Depuis, les acteurs du réseau des semences paysannes se sont battus pour faire inscrire ce droit dans la loi, pour éviter de nouvelles poursuites qui feraient jurisprudence à leurs dépends. »
Les amateurs, c’est bien ! Les agriculteurs et les professionnels (cuisiniers, revendeurs…), ça serait mieux… Dans les faits, le droit autorise déjà l’échange et la vente entre professionnels, notamment au titre de « l’entraide agricole », mais seulement en collectif, de paysan à paysan et à l’échelle locale.
Pour le coordinateur de la MSPM, le vrai enjeu serait ainsi d’inscrire dans la loi l’autorisation de la mise en circulation des semences paysannes à la majeure partie des acteurs qui remplissent nos assiettes.
« Le prochain règlement sur l’agriculture biologique autorisera la commercialisation des semences paysannes non inscrites au catalogue. Pouvoir le faire pour toutes les industries, y compris les plus conventionnelles, ça ne serait plus un petit pas, mais un vrai marathon en avant ! Cette décision aurait bien sûr des conséquences sanitaires, en améliorant les qualités nutritives de notre alimentation, mais aussi des incidences sociétales fortes, en permettant d’offrir à tout le monde, y compris aux populations les plus défavorisées, le droit de manger des produits issus des semences paysannes. »
Les semences paysannes, vecteur d’autonomie
Maxime en est convaincu : la réappropriation de ces semences est essentielle pour favoriser un système agricole et alimentaire durables. Avec d’autres acteurs engagés – l’ONG SOL et la Fondation GoodPlanet, la Maison des Semences Paysannes Maralpines a élaboré un outil pour permettre aux citoyen aux citoyen·nes d’explorer la législation.
Semons notre autonomie, leur infographie gratuite et libre de droit, permet ainsi de s’informer et de s’orienter dans les méandres du droit français pour mieux en comprendre les failles juridiques et les ouvertures possibles. Petite précision : elle n’est pas encore à jour de la nouvelle loi, mais mentionnait déjà ce droit tacite.
« Les semences paysannes permettent l’autonomie des paysan·nes face aux grands groupes semenciers, résume SOL. Elles sont plus variées, et fournissent des produits plus goûteux et plus nutritifs. (…) Généralement plus résistantes, elles font mieux face aux changements climatiques qui se font de plus en plus présents. »
Autant de raisons de se battre pour leur sauvegarde et leur développement… C’est l’exemple qu’offre la Maison des Semences Paysannes Maralpines, en réunissant en collectif des paysans, des jardiniers, des chercheurs, mais aussi des cuisiniers, des revendeurs et des consommateurs. Ensemble, ils proposent une alternative viable (et productive !) à notre système agricole et alimentaire actuel, en mettant une plus grande biodiversité cultivée dans nos assiettes.
« Avec cette démarche holistique, nous redevenons ainsi localement autonomes et plus résilients, tout en remettant au goût du jour la beauté et la poésie des semences d’antan », conclut Maxime Schmitt.
Pour approfondir, vous pouvez aussi retrouver par ici le webinaire de SOL et de ses partenaires.