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La pratique barbare de la chasse au blaireau doit cesser

Bien souvent, les chasseurs détruisent bien plus les cultures en traquant les blaireaux que les blaireaux eux-mêmes ! Quant à la tuberculose bovine, ce sont les pratiques de déterrage qui sont les plus susceptibles de la disséminer

La polémique de la « vénerie sous terre », plus connue comme la chasse annuelle au blaireau, vient d’atteindre l’Assemblée nationale. Vendredi 15 mai, un groupe de vingt-deux parlementaires, sous l’impulsion du député LREM des Alpes-Maritimes Loïc Dombreval, a écrit une lettre à la ministre de la Transition écologique et solidaire pour lui demander de « mettre fin à ce mode de chasse totalement contraire à la reconnaissance des animaux comme êtres sensibles ». L’Aspas a pour sa part mis en ligne une pétition.

La vénérie, une pratique de chasse cruelle

La vénerie sous terre est une pratique de chasse traditionnelle qui consiste à massacrer des familles entières de blaireaux directement dans leurs terriers.

Au petit matin, les chasseurs répartis en équipes traquent les tanières de ces animaux nocturnes. Quand ils en découvrent une, au creux da la forêt, ils commencent par effrayer les bêtes à l’aide de scies ou de pelles, en faisait un boucan du tonnerre qui ne manquera pas de jeter la terreur sur le bocage. Puis ils lâchent les chiens, qui se jettent la tête la première au fond du terrier et tentent de mordre les blaireaux qui s’y recroquevillent, pendant que d’autres chasseurs de l’équipe bouchent les sorties et creusent des trous pour les déterrer.

Au bout d’un moment, lorsque les chiens n’ont pas déchiqueté vivants les petits, les puits sont achevés et les blaireaux sont débusqués à l’aide de pinces métalliques qui leur infligent des blessures dignes d’instruments de torture. Enfin, les blaireaux sont exécutés par un tir de carabine ou avec des armes blanches, dagues, couteaux, barres à mine…

Voilà la réalité de cette chasse qu’on prétend traditionnelle pour la défendre, alors qu’elle tout bonnement dépassée. Une enquête vidéo de l’association de défense des animaux One Voice, publiée le 28 avril 2020, a montré que les chasseurs se permettent toutes les cruautés envers les animaux, même les plus inutiles.

Pendant des heures, les blaireaux — et ceci s’applique également pour les renards — sont harcelés, violentés, blessés, les chasseurs allant jusqu’à ensanglanter leurs propres chiens quand ils refusent d’obéir.

Terrier de blaireau, Bois de la Fontaine, Pagny-le-Château (Côte d’Or, Bourgogne, France) –  Bertrand GRONDIN

Le blaireau, une espèce protégée en Europe

Dans la plupart des pays d’Europe, le blaireau est une espèce protégée et le loisir du déterrage une pratique formellement interdite. Mais en France, au contraire, les 40 000 adeptes de cette barbarie sont autorisés tous les ans à chasser 12 000 blaireaux sous terre et à en tirer 10 000, du 15 septembre au 15 janvier pour la vénerie et jusqu’à fin février pour la chasse à tir.

Chaque année, ce sont donc 22 000 bêtes en moyenne qui périssent en pure perte, puisque personne ou presque ne mange de blaireau et que nous n’avons guère besoin de sa fourrure pour nous vêtir. Depuis 1988, le blaireau n’est plus classé comme « nuisible » mais demeure considéré comme « gibier » ; de ce fait, on peut le chasser. 

En sus de ces périodes de chasse fixes, au printemps, les préfectures publient des projets d’arrêtés autorisant des périodes complémentaires de déterrage des blaireaux, qui peuvent différer d’un département à l’autre, mais étendent en général l’autorisation de chasse du 15 mai au 15 septembre, le plus gros mustélidé ne disposant plus que de deux mois et demi de répit dans l’année.

Cette année, alors que tout semblait normal et que les concertations locales allaient bon train, c’est un arrêté de la préfecture de Saône-et-Loire qui a mis le feu aux poudres. Le 11 mai, le préfet y a décidé de déconfiner également la chasse, en décrétant que la vénerie sous terre était autorisée à partir du 15 mai.

Manque de chance, la section locale d’Europe-Écologie-Les Verts a repéré l’arrêté et s’est indigné, dans un communiqué du 15 mai, que le blaireau puisse être « chassé sans répit neuf mois et demi par an » en France, tandis que « sa présence est le gage d’une nature préservée ».

Aucune étude scientifique ne permet de connaître la population réelle de cette espèce, dont le taux de reproduction est faible (entre deux et trois jeunes par an et par femelle) et dont les effectifs sont toujours surestimés par les chasseurs. L’extension de la vénerie sous terre est un double crime, étant donné que la période de dépendance des blaireautins n’est pas achevée avant le mois d’août.

Toujours le 15 mai, les vingt-deux députés, qui se déclarent dans cette affaire « transpartisans », ont sommé la ministre Élisabeth Borne de mettre un terme définitif au déterrage. Confiant à L’Express sa détermination à porter la question de la vénerie sous terre devant l’Assemblée, le député Loïc Dombreval a déclaré que :

« les méthodes de chasses dites traditionnelles sont toutes plus odieuses les unes que les autres. Qu’elles disparaissent, cela rendrait service aux chasseurs. C’est dégradant pour l’animal et pour ceux qui la pratiquent. On peut faire ça progressivement, mais il faut arrêter l’hypocrisie. »

Crédit : andy ballard

Des accusations infondées contre le blaireau

Les chasseurs accusent les blaireaux de saccager les récoltes, de mettre en danger les infrastructures (lorsque leur comportement terrassier leur fait construire des galeries sous les voies ferrées ou dans les digues), et d’être des réservoirs de tuberculose bovine, une maladie infectant de nombreuses espèces domestiques et transmissible à l’homme. Mais ces accusations sont infondées.

Les dégâts qu’on impute au blaireau sont en très grande partie localisés à la lisière des forêts ; en ce sens, on les confond avec ceux du sanglier, une espèce autrement plus endémique. Une clôture électrique ou un répulsif suffiraient à éloigner les blaireaux, qui apprécient certes les légumes, mais sont relativement discrets et peureux.

Pour preuve, bien souvent, les chasseurs détruisent bien plus les cultures en traquant les blaireaux que les blaireaux eux-mêmes ! Quant à la tuberculose bovine, ce sont les pratiques de déterrage qui sont les plus susceptibles de la disséminer : en témoigne un arrêté ministériel du 7 décembre 2016, interdisant dans certaines zones à risque :

« la pratique de la vénerie sous terre pour toutes les espèces dont la chasse est autorisée, en raison du risque de contamination pour les équipages de chiens ».

Selon un sondage Ipsos de 2018, 83 % des Français sont en faveur de l’interdiction pure et simple de la vénerie sous terre, presque autant que pour le piégeage des oiseaux à la glu. Qui plus est, 73 % des sondés ne savaient pas même que ce type de chasse pouvait encore exister. Ce sondage montre également qu’une écrasante majorité des personnes interrogées « estime que la chasse représente une menace pour l’environnement », ainsi qu’une pratique dangereuse et cruelle, véritable plébiscite en faveur d’une réforme radicale.

Dans la description de sa carte de France 2020 du déterrage, l’Association pour la protection des animaux sauvages (Aspas) indique que près de 50 consultations publiques se terminent le 20 mai 2020 et invite tous ceux qui en ont le temps et l’énergie à y participer.

« Si nous ne pouvons pas garantir que les préfets tiendront compte de l’avis des citoyens, il est inconcevable de laisser toute la place aux arguments fallacieux des chasseurs. Sur le plan symbolique et médiatique, il est important de remporter la victoire de l’opinion ! Plus les citoyens manifesteront leur opposition à ce mode de chasse barbare, plus notre demande de réforme sera audible et légitime », affirme l’Aspas dans sa publication.

Qu’on puisse ou non y participer, il est toujours possible de signer une pétition sur internet, exigeant l’interdiction totale du déterrage. Celle-ci a déjà récolté plus de 100 000 signatures.

Augustin Langlade

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