En France, la Vallée de l’Orbiel est contaminée depuis des années par les déchets de l’ancienne Mine d’Or de Salsigne. Suite à une inondation, la cour d’école de la commune de Lastours a été polluée par des taux d’arsenic 15 fois supérieurs à la normale. Face au manque de transparence des autorités, le Maire de Lastours est devenu lanceur d’alerte.
12 millions de tonnes de déchets
Dans l’Aude, la Mine de Salsigne a été la principale mine d’or de France et première mine d’arsenic du monde, exploitée pendant un siècle et fermée en 2004. À Lastours, pas facile de distinguer une colline naturelle d’une colline créée par l’activité minière. Et 15 ans après sa fermeture, les déchets qu’elle a laissés derrière elle continuent de ravager l’environnement et menace la santé des populations locales.
Pour produire 200 tonnes d’or, l’équivalent d’une cuisine, la mine a recraché douze millions de tonnes de déchets ! Plomb, arsenic, cadmium et mercure sont autant de polluants que l’on peut y trouver.
Les déchets sont stockés sur 5 sites différents dont certains fuitent, comme le site de Montredon qui renferme à lui seul 2,5 millions de tonnes de déchets contenant du cyanure et 500 000 tonnes d’arsenic qui était naturellement présent dans les minerais. Lorsqu’il pleut, l’arsenic et le cyanure s’infiltrent peu à peu dans les cours d’eau avoisinants et polluent dramatiquement l’environnement. Dans certaines communes, cela fait des années que les familles ne peuvent plus manger les fruits et légumes de leur potager.
Une cour d’école contaminée au cyanure
En octobre 2018, la crue du Grésilhou, un petit cours d’eau qui provient de la Montagne Noire où se trouve d’anciennes concessions minières, a provoqué des inondations qui ont pollué la cour d’école de la commune de Lastours.
« On alerte depuis 15 ans sur la pollution générée par les déchets miniers et on n’a jamais été écoutés par l’État. Avec l’inondation de la cour d’école, nous avons demandé à un scientifique présent pour un travail sur l’ensemble de la vallée de faire des relevés. Il a trouvé des taux d’arsenic jusqu’à 15 fois supérieurs à la normale. Les parents veulent faire des analyses pour s’assurer qu’il n’y a pas de conséquences sur la santé de leurs enfants. Les analyses vont être à la charge des parents car l’Agence Régionale de Santé considère qu’il n’y a pas péril en la demeure. Tout est fait pour noyer le poisson, et ne pas tenir compte de la réalité d’un probable scandale sanitaire. » Max Brail, Maire de la commune de Lastours
Depuis, la cour d’école a été nettoyée. Dès qu’il a pris connaissance de la pollution, Max Brail a alerté les services de la préfecture. Ces derniers lui ont demandé de se charger lui-même de mettre les terres contaminées dans une décharge de classe 1, qui stocke les déchets dangereux, et d’en assumer le coût financier. Pour le Maire, il est « hors de question qu’on prenne en charge ce qui ne nous appartient pas, c’est à l’État ou aux anciens concessionnaires miniers de gérer ces déchets ».
Le Maire a demandé aux scientifiques indépendants de venir faire de nouvelles mesures pour s’assurer que la cour de l’école est maintenant parfaitement saine. En attendant une réponse de l’État, les terres souillées sont stockées dans l’ancienne station d’épuration.
Une longue bataille pour la transparence
Max Brail est un ancien métallo à la fonderie de la Mine. En 1989, les nouveaux propriétaires australiens décident de changer de procédé pour extraire l’or des minerais : ils passent de la pyrométallurgie (fonte du minerai) à l’hydrométallurgie qui utilise du cyanure pour récupérer le précieux métal jaune. De retour au travail après des soucis de santé causés par son activité professionnelle, Max Brail s’aperçoit de la pollution créée par cette nouvelle méthode et lance l’alerte auprès d’un journal local. Il est licencié dès le lendemain.
Un long bras de fer commence alors entre les services de l’État, notamment le bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) et la Préfecture de l’Aude, et les habitants inquiets des conséquences de l’utilisation du cyanure. Pour « préserver l’emploi local », les autorités françaises se montrent prudentes. Pire, lorsque la mine ferme, l’État reprend à sa charge l’ensemble des exploitations sans exiger aucune caution des anciens propriétaires tel que cela aurait dû être le cas.
Même aujourd’hui, alors que les scientifiques indépendants ont découvert du cyanure dans la cour de l’école, le dernier rapport en date du BRGM a conclu que les inondations d’octobre 2018 n’ont « pas eu d’impact sur la qualité des eaux superficielles et des sédiments de l’Orbiel et de ses affluents ». Pourtant, ce sont bien les services de l’État qui ont demandé au Maire d’aller mettre les terres de l’école dans une décharge spécifique aux déchets dangereux.
« Cela fait 25 ans que la réponse de l’État est la même : débrouillez-vous seuls. Nous sommes plusieurs communes à être touchées. Nous allons donc essayer d’avoir des positions communes avec les autres maires. Il faut une mise en commun des forces pour obliger les institutions à être transparentes, travailler sur une cartographie et mettre en œuvre les engagements nécessaires pour la surveillance sanitaire. » Max Brail, Maire de la commune de Lastours
Lors d’une visite récente dans l’Aude, le député de la Somme, François Ruffin s’est rendu compte de l’état de pollution extrême de la vallée. Il a interpellé le ministre de la Transition écologique et solidaire pour que l’État apprenne de ses erreurs et règle la situation.