Le glacier de Girose, en voie de disparition, connaît une bétonisation accélérée avec la construction sur son flanc du troisième tronçon du téléphérique de La Grave-La Meije. Un projet dont la durée de vie est minime, dix ans maximum, l'enneigement de la zone se réduisant. Pour stopper le chantier, une ZAD s’est installée à 3 500 mètres d’altitude.
Lundi matin, les ouvriers de la SATA group, un des leaders dans le tourisme montagnard, n’ont pas pu reprendre le chantier du troisième tronçon du téléphérique sur le glacier de la Girose, situé dans la commune de la Grave (Hautes-Alpes).
Des membres du collectif citoyen La Grave Autrement, des Soulèvements de la Terre, des naturalistes et des guides de haute montagne occupent les lieux depuis quelques heures.
La plus haute Zad de France, établie à 3 500 mètres d’altitude, sera aussi la plus courte puisque son existence ne durera que quelques jours.
L’objectif est d’“occuper le chantier jusqu’à la fin de semaine” explique Léa, militante des Soulèvements de la Terre. Les premières chutes de neige approchant, la SATA a prévu de stopper les travaux le 15 octobre pour ne reprendre qu’au printemps.
Le chantier de ce troisième tronçon a débuté il y a quelques semaines mais cela fait un an que les associations se battent sur le plan juridique.
Un référé suspensif et une requête d’annulation du projet ont été déposés par une multitude d’associations le 25 mai, après que le maire de la Grave ait autorisé le début des travaux.
Les deux recours se basent sur “les doutes sérieux quant à la légalité des travaux”, les manquements dans l’étude d’impact du projet, sa viabilité économique “incertaine” et les “irrégularités sérieuses qui entachent l’enquête publique” explique Mountain Wilderness.
En tout premier lieu, les associations pointent du doigt la sous-estimation des “impacts environnementaux sur un milieu naturel extrêmement fragile”, notamment dû à une hausse de la présence humaine, “le piétinement, le dérangements, et les déchets” qui pollueront le glacier. Également critiquée, l’étude d’impact qualifie les conséquences sur le paysage de “faibles”.
L’enquête publique souffre de nombreuses “irrégularités” dont l’avis du commissaire enquêteur qui “a répété, sans discernement ni commentaires, les arguments de la SATA” et dont le rapport “souffre d’omissions et ne représente pas les différentes positions exprimées par le public”.
La décision du juge est attendue pour 2024.
“Ce qu’on veut c’est que les travaux ne démarrent pas avant le jugement sur le fonds” explique Fiona Mille, présidente de Mountain Wilderness France.
Interpellé par les associations au sujet de la présence sur le glacier d’une espèce végétale protégée, l’androsace, le préfet n’a pas infléchi sa position, convaincu par l’argumentaire de la SATA selon lequel les travaux ne sont qu’un chantier “de protections de l’androsace, alors que cela fait des mois que l’entreprise nie l’existence de la plante. Tout d’un coup, elle se pose en défenseur de celle-ci” assène Fiona Mille.
“Tous ces rebondissements administratifs et juridiques nous ont fait dire qu’il fallait qu’on aille sur un autre volet : la prise de conscience médiatique” .
Il y a 2 semaines, une première mobilisation a eu lieu. Il y en aura une autre ce dimanche 15 octobre avec en ligne de mire l’intensification de l’exposition médiatique du projet avant le One Polar Summit, sommet international consacré aux glaciers et aux pôles, qui aura lieu à Paris.
“Actuellement les glaciers ne sont pas reconnus dans le droit de l’environnement, c’est l’une des revendications qui pourrait être porté durant le sommet” précise Fiona Mille.
“La voix du tout tourisme”
D’ici la fin du siècle, 90% des glaciers auront disparu selon l’Organisation météorologique mondiale. Le glacier du Girose est en fin de vie.
“Ils veulent l’exploiter jusqu’à sa fin” fustige Rosa, militante des Soulèvements de la Terre présente sur la Zad.
La construction du troisième tronçon du téléphérique permettra d’aller skier sur un “système glacier fragile” se désole Fiona Mille. Le projet seul, qui coûtera 14 millions d’euros, n’est pas “économiquement viable” selon elle. La ville de Grave n’est pas une station de ski au tourisme intensif.
Mais les projets d’infrastructures de ski sont “systématiquement liés à des projets immobiliers” alerte Rosa.
“Les vallées alentours ont été largement bétonnées. Les domaines skiables qui ont été aménagés doivent construire des lits à tour de bras.”
Avec les JO d’hiver 2030 pour lesquels la France est candidate “la spéculation immobilière s’intensifie localement” explique la militante. A la Grave, des projets immobiliers haut de gamme sont en construction.
Déjà gestionnaire de l’Alpe d’Huez et des Deux-Alpes, dont les alentours ont été largement bétonnés, la SATA a pour objectif de bâtir un des plus grands domaines skiables d’Europe.
Pourtant, d’ici une dizaine d’années, la neige manquera sur le glacier de Girose.
“C’est pour une consommation de l’instant, dans quelques années ces projets ne tiendront plus. On est dans une déconnexion totale” précise Rosa.
“C’est une course en avant vers un système qui est en train de s’effondrer. L’hiver dernier la SATA pompait de manière illégale dans les nappes phréatiques de l’Alpes d’Huez. Tous les signaux sont au rouge pour continuer ce genre d’aménagement de la montagne.”
“Il y a une question anthologique. Il y a un lien sensible et concret avec un glacier qui abreuve d’eau les vallées en été” s’émeut Rosa.
Le modèle économique de la Grave ne repose pourtant pas uniquement sur le tourisme mais aussi sur la paysannerie ou le pastoralisme, des locaux qui voient le glacier de Girose disparaître mois après mois.