Après le succès du « village de l'eau », qui a réuni cet été des militants venus des quatre coins du globe, le collectif Bassines non merci et les Soulèvements de la terre appellent à converger, vers l'Italie à partir du 2 septembre pour construire un mouvement transfrontalier de défense des ressources en eau.
Internationaliser la lutte pour la défense des ressources en eau, c’est l’ambition de la « traversée des luttes de l’eau ». Organisée du 2 au 8 septembre à l’appel du collectif Bassines non merci (BNM) et dans le cadre de la saison 7 des Soulèvements de la terre, cette traversée motorisée doit s’élancer du Marais Poitevin, deuxième plus grande zone humide de France, pour rejoindre, quelques jours plus tard, le « camp climat » de Venise. L’objectif, « alerter sur les enjeux d’accaparement et de pollution des eaux » en France comme en Italie, et « renforcer les liens pour construire un mouvement pour la défense de l’eau au-delà des frontières nationales », détaillent les organisateurs.
Une traversée qui entend donc créer des alliances transfrontalières, alors qu’il y a tout juste quelques semaines, le « village de l’eau », organisé du 16 au 21 juillet à Melle (Deux-Sèvres), a permis de réunir des militants venus des quatre coins du globe, de l’Allemagne au Liban, du Brésil au Pérou, pour échanger collectivement sur les moyens de lutter contre l’accaparement des ressources en eau. « La présence de militants internationaux au village de l’eau a été un soutien inestimable, rembobine Paul *, des Soulèvements de la terre, pour La Relève et la Peste. Ça a été extrêmement enrichissant de voir à quel point il y avait un combat commun pour l’eau et ça a renforcé notre détermination à nous battre pour ce bien commun dans des contexte politiques pourtant parfois très différents. »
Des propos corroborés dans un récent communiqué des Soulèvements de la terre : « La solidarité des dizaines de délégations venues de tout l’hexagone et des cinq continents à l’occasion de ces mobilisations fut un soutien inestimable pour les habitants en lutte dans le Poitou. La traversée se veut un geste de réciprocité à l’égard de ces nombreux soutiens », renchérissent-ils.
« Venir soutenir les luttes locales »
Imaginée en écho à « la caravane zapatiste pour l’eau et pour la vie de 2022 », la traversée de l’eau, qui doit permettre de parcourir pas moins de 1300 kilomètres sera ponctuée de cinq étapes.
« Cinq hauts lieux de la lutte pour l’eau », détaille Paul avant de renchérir : « L’idée, c’est de venir soutenir les luttes locales, créer des échanges et construire un mouvement commun. » Une lutte commune à construire avec la plaine céréalière de la Limagne, au cœur de l’Auvergne, d’abord, où le convoi motorisé doit faire étape pour la première soirée, accueilli par le collectif BNM 63 pour son bal de rentrée. Un collectif qui s’est créé en 2023 pour lutter contre la construction de deux giga-bassines sur le territoire et contre lesquelles près de 7000 personnes ont d’ailleurs manifesté en mai dernier.
Étape suivante, le campus universitaire de Grenoble avec le collectif StopMicro 38, qui s’est, lui, créé pour lutter contre la production de puces électroniques par les entreprises française et franco-italienne Soitec et Stmicroelectronics. De fait, pour produire ces puces électroniques, ces entreprises « consomment beaucoup d’eau, qu’elles rejettent ensuite chargée de polluants (métaux lourds, eutrophisations, PFAS, etc.) dans les nappes de l’Isère autour de Grenoble », détaillent les Soulèvements de la terre et BNM dans un communiqué.
Deux premières étapes auxquelles viendra s’ajouter, mercredi 4 septembre, une étape au bord du lac de Serre-Ponçon, dans les Alpes, avec le collectif No JO, qui lutte contre la tenue annoncée des Jeux olympiques (JO) d’hiver 2030 dans les Alpes « et le ravage des Alpes par l’industrie du ski ».
Rejoindre le camp climat de Venise
Des étapes importantes avant d’aller rencontrer et soutenir la coordination de soutien aux exilés à la frontière franco-italienne, dans la vallée de Briançon, puis de rejoindre le val de Suse (ou « Val di Susa » en italien), une vallée alpine située dans le Piémont (Italie) où le mouvement No TAV lutte depuis près de 30 ans contre le projet de Ligne à grande vitesse (LGV) entre Lyon et Turin. Un projet « dont les chantiers assèchent la montagne, répandent des matières toxiques dans l’air, polluent les rivières, exproprient les habitants et rasent des forêts », expliquent les Soulèvements, alors que la construction de la LGV pourrait détruire des dizaines d’hectares de zones humides et artificialiser 1500 hectares de terres agricoles, comme le soulignait récemment La Relève et La Peste.
Une dernière étape particulièrement symbolique, donc, avant de rejoindre le camp climat de Venise du 5 au 8 septembre afin d’« appuyer l’occupation populaire d’un bois et d’un centre social autonome (…), tous deux menacés d’expulsion et de destruction au profit de la Ligne à grande vitesse (LGV) Turin-Venise ».
Une façon de boucler la boucle, du Marais Poitevin à la lagune de Venise, « deux lieux reconnus mondialement en raison de leur richesse naturelle et de leur beauté architecturale étroitement liée à une cohabitation extraordinaire avec les eaux [qui] sont en passe d’être détruits par le tourisme de masse, la montée des eaux, l’assèchement et la pollution des nappes phréatiques provoqués par des industries capitalistes », soulignent les Soulèvements de la terre.
Du Marais Poitevin à une lutte transfrontalière
« Avec cette traversée, on sera allé jusqu’en Italie, et c’est vrai que historiquement, il y a un lien fort entre les militants des deux côtés des Alpes, conclut Paul*, mais on veut élargir la lutte pour l’eau au-delà, en dépassant les frontières nationales où qu’elles soient. »
Et de rappeler qu’en parallèle, à l’échelle locale, côté Marais Poitevin, les militants restent vigilants, prêts à riposter si nécessaire en cas de « démarrage d’un nouveau chantier de mégabassine à Sainte-Sauvant », détaille Paul, alors qu’un prochain projet de mégabassine pourrait démarrer dès ce mois-ci dans la commune de Charente-Maritime. Et de renchérir : « Nous avons trois piliers de travail sur lesquelles on ne lâchera pas, la bataille de terrain contre les projets de mégabassines, l’interpellation des élus pour un moratoire sur les mégabassines, et l’internationalisation de la lutte ».