Black Lives Matter, l’afro-féminisme et la lutte contre les conséquences mortifères et inégalitaires du système capitaliste en Haïti sont les combats qui habitent Christina Julmé. Haïtienne vivant à Port-au-Prince, elle a suivi une partie de ses études aux États-Unis. Aujourd’hui spécialiste en communication pour les Nations Unies, elle s’est livrée dans cet entretien puissant avec un message fort : il est grand temps pour les Blancs de s’éduquer et s’engager dans la lutte antiraciste, et pour les hommes de s’éduquer et s’engager dans la lutte auprès des femmes pour l’égalité. Propos recueillis par Matthieu Delaunay – @Delaunaymatth
LR&LP : Qu’est-ce qu’être une femme en Haïti aujourd’hui ?
C’est très difficile pour moi de le définir. Le simple fait de vivre en Haïti et d’être consciente, c’est déjà vivre dans une rage constante. Lorsque l’on prend conscience du manque de politiques et d’opportunités, centrées sur les jeunes en général et les femmes en particulier, il n’y a pas de place pour l’espoir.
La façon dont je vis aujourd’hui est très différente de celle que j’avais à 17 ans. Je suis dans une étape de ma vie où je suis trop privilégiée pour incarner la jeune femme haïtienne. Ceci dit, je connais très bien son quotidien, dans un pays où il n’y a rien à gagner, ni rien à perdre.
Je sais qu’être une femme qui n’a pas les privilèges que j’ai en Haïti, c’est d’abord vivre au jour le jour et sans avenir certain. Parce que cette société, grande mangeuse de capital humain, te tue à petit feu et te défend de rêver.
Être une jeune femme en Haïti, c’est aspirer à devenir la femme de quelqu’un pour « réussir sa vie », car tout est fait pour qu’il soit impossible de s’en sortir par soi-même.
LR&LP : Qu’est-ce que vous avez aujourd’hui que vous n’aviez pas il y a dix ans ?
Une parole de l’auteure Toni Morrison est ancrée en arrière-plan de ma tête : « Lorsque vous obtenez ces emplois pour lesquels vous avez été si brillamment formée, rappelez-vous simplement que votre vrai travail est que si vous êtes libre, vous devez libérer quelqu’un d’autre. Si vous avez un certain pouvoir, votre travail consiste à contribuer à l’autonomisation de quelqu’un d’autre. »
Cela a toujours résonné dans ma tête car dix, quinze ans auparavant, je n’avais rien. Quand je dis que je suis privilégiée, je sais que c’est grâce à l’éducation que j’ai reçue, en l’occurrence aux bourses financées par les États-Unis, pays que je connais assez bien et qui m’a donné aussi une grande partie de ce que je suis aujourd’hui.
Souvent, j’entends des étrangers dire, ici dans des ONG, « ces programmes d’éducation ne vont rien changer », mais c’est faux. Je ne souhaite pas non plus devenir le Poster child de ces programmes, mais je sais que mon autonomisation a pour fondation mon accès à une éducation de qualité. Or la majorité des filles et des jeunes femmes en Haïti n’y ont pas droit !
Si je ne me sens pas tout à fait à l’aise de prendre la parole au nom des filles haïtiennes, car elles ont leurs propres voix, c’est parce que je reconnais mes privilèges. C’est pour ça que je cite Morrison : mes diplômes ne prouvent en rien que je suis meilleure que ces milliers d’autres filles ou femmes, j’ai simplement eu un privilège qu’elles n’ont pas eu et n’auront peut-être jamais si l’on ne fait rien pour faire chavirer ce système corrompu.
C’est pour cela que je suis aussi motivée à donner, partager et créer des opportunités pour les filles, parce que des gens m’ont ouvert, un jour, la porte. A présent, c’est à mon tour de faire pareil.
LR&LP : A quoi ressemble la vie d’une fille, puis d’une jeune femme haïtienne ?
C’est une lutte de tous les jours pour exister, pour subvenir à ses besoins journaliers. En tant que fille, quand tu commences à avoir 15-17 ans, la société te force à devenir mature, ce qui veut dire que tu dois te trouver quelqu’un qui te prend en charge.
Tu as beau ne pas être encore prête ou mûre pour entrer dans une relation, par besoin de survie, tu es obligée de le faire. Et c’est là que commence la dégringolade.
Quand tu es une jeune femme en Haïti, tu n’as pas droit à l’innocence car la pauvreté te l’arrache. Une fois dans ces relations déséquilibrées, tu es automatiquement en position de faiblesse. Après une ou deux grossesses non planifiées, les dominos chutent. Je dis bien chuter, parce que tu rentres dans une spirale sans fin qui va te coûter ta peau.
Dans le quartier où j’ai grandi, à Pétion-ville, je vois aujourd’hui des anciennes copines devenir des petites marchandes de bonbons dans la rue, pour subvenir aux besoins de leurs enfants. J’aurais pu facilement être à leur place, si je n’avais pas eu une mère qui croyait dans l’éducation et qui a littéralement donné de son sang pour que ses enfants aillent à l’école.
Plus de 30 ans après, il n’y a toujours pas d’exemples de réussite dans le quartier d’où je viens, ni de structures publiques pour alléger la misère des familles les plus vulnérables.
Je ne porte pas de culpabilité ou de honte parce que je m’en suis sortie, je pense avoir travaillé assez dur pour devenir qui je suis ; par contre, je lutterai jusqu’à mon dernier souffle contre ce cercle infernal de pauvreté et de corruption qui a failli me broyer et continue sa mission génocidaire sous nos yeux.
LR&LP : Quelle est la situation de l’accès à l’éducation pour les filles en Haïti ?
Après le tremblement de terre en 2010, il y a eu des investissements dans l’éducation de base en Haïti. Mais 10 ans après, le cocktail de la corruption et le système patriarcal continuent d’augmenter les inégalités. Encore aujourd’hui, une minorité de jeunes femmes arrive à terminer des études secondaires, et moins encore pour celles qui accèdent à l’université.
En effet, les filles sont les premières à être sacrifiées si la famille n’est pas en mesure de payer la scolarisation de tous les enfants. Elles sont les premières à abandonner l’école car elles ne peuvent se procurer des serviettes hygiéniques chaque mois. C’est leur vie qui est sur pause quand elles tombent enceintes involontairement.
Ce sont elles qui perdent leur vie à cause des avortements faits dans des mauvaises conditions, bien que tout le monde sache que c’est la troisième cause de mortalité des femmes haïtiennes.
Et si, miraculeusement, elles survivent à tous ces obstacles, elles doivent encore se faire harceler sexuellement pour trouver un emploi. L’accès à l’éducation des filles ne peut être un sujet isolé. C’est un débat qui doit prendre en compte l’intersectionnalité des oppressions systémiques auxquelles elles font face.
LR&LP : Est-ce mieux d’être une femme aujourd’hui en Haïti qu’il y a vingt ou trente ans ?
J’en suis presque sûre. Je vis dans la gratitude d’avoir accès à des droits, des acquis impensables pour ma mère au même âge, bien que ces droits soient fragiles. Nous devons nous positionner dans cette lutte constante pour que chaque génération puisse en bénéficier un petit peu plus.
Les progrès d’aujourd’hui sont le fruit de luttes générationnelles.
Mes ancêtres ont dû littéralement sacrifier leurs vies pour que nous puissions aujourd’hui avoir des droits et des choix.
LR&LP : Est-ce qu’avoir des droits est un privilège ? Quel sens donner à ce terme ?
Le privilège en soi n’est pas un problème. Le problème réside dans le fait de ne pas le reconnaitre. C’est ce qu’on voit depuis des générations dans nos sociétés. Les gens refusent d’accepter qu’ils soient plus privilégiés que d’autres, car le privilège c’est du pouvoir.
Par exemple, en Haïti, il y a de la discrimination basée sur la couleur de peau, bien qu’on soit dans un pays où la majorité a la peau foncée. Les mulâtres (personnes d’ascendance européenne qui constituent la classe socio-économique très minoritaire et très favorisée en Haïti, ndlr), ont des accès et des avantages que le reste de la population n’a pas.
Les massacres dans l’histoire d’Haïti nous prouvent combien ce sujet est épineux et combien la route sera encore longue pour atteindre l’égalité.
En France ou aux États-Unis, il y a du racisme structurel évident que la majorité des privilégiés refusent de voir ou d’admettre !
Les Noirs américains représentent près de 13 % de la population du pays. Ce sont des descendants d’esclaves qui ont été kidnappés il y a plus de 400 ans, qui ont vécu l’esclavage, la ségrégation, les lynchages impunis et qui ont vécu longtemps sans avoir accès aux privilèges des blancs, notamment les droits de vote ou à la propriété. Aujourd’hui, ils remplissent les prisons et meurent de violences policières.
Comment veux-tu porter cette charge en étant minoritaire sans être dans une rage constante ? Comment va-t-on arriver à l’égalité, si ceux qui sont privilégiés envisagent cette égalité comme une oppression ? Ce racisme structurel n’appartient pas aux gens qui le subissent au quotidien, il revient à ceux qui en bénéficient de le changer.
LR&LP : En tant que personne privilégiée, comment se remettre en question ?
Ce que les gens doivent développer, c’est le sentiment de se sentir inconfortable devant l’inégalité. L’inconfort est bon, c’est même le premier pas, même si c’est un début. L’inconfort doit nous arracher de notre bulle de privilèges et nous pousser à agir.
En pleine pandémie, nous vivons au tempo des soulèvements des minorités pour demander l’égalité aux quatre coins du monde. Ce n’est pas le premier, ni le dernier des soulèvements. D’où l’importance de nos inconforts en tant que privilégiés, car de cet inconfort naît l’envie que quelque chose bouge et change.
La lutte que nous avons à mener, nous les Noires et les minorités, bien que fatigante, est de ne jamais rater une occasion de faire sentir aux privilégiés cet inconfort.
LR&LP : Comment avez-vous vécu ce qui s’est passé autour de l’assassinat de George Floyd ?
Comme toute personne noire, je suis fatiguée, énervée, emplie d’émotions mixtes. J’ai l’impression de regarder un mauvais film, et puis le même encore, et encore, et encore. Année après année, des personnes qui me ressemblent, meurent, sont blessées ou se font tuer par des policiers, souvent blancs.
Notre existence est un crime à cause de notre couleur de peau dans les yeux de ce système raciste et inégalitaire.
Les États-Unis est un pays que j’admire, mais qui me fait peur. La suprématie blanche m’effraie car elle est sanguinaire et sans pitié. À force de regarder ces images en boucle, de lire ces récits, cela créé une peur enracinée, une panique silencieuse mais chronique dans ma vie.
J’ai une compréhension intime de cette oppression et je comprends très bien la suprématie blanche, puisque j’en connais les profondeurs. Je pense qu’avec George Floyd, nous sommes arrivés à un point de non-retour. On répète cette phrase tristement à chaque fois, mais je sens que notre génération est fatiguée, et qu’elle ne veut pas le rester.
J’ai déjà vu Eric Garner mourir parce qu’il ne pouvait plus respirer en 2014, j’ai vu les émeutes de Ferguson en 2016, après la mort de Sandra Bland, je connais l’odeur de l’injustice d’un système qui te culpabilise de ta mort…
Mais cette fois, on dirait que quelque chose est en train de se passer. On dirait que la COVID-19 ne nous a pas donné d’autres distractions que de se regarder dans le miroir. Pourtant, j’ai un soulagement de voir que des privilégiés embrassent le combat antiraciste. Que ce soit pour George Floyd ou Adama Traoré, la lutte doit continuer.
LR&LP : Qu’est-ce que des carrés noirs sur les réseaux sociaux peuvent vous apporter ?
Il ne faut pas sous-estimer ces symboles. C’est un combat à mener sur plusieurs niveaux. Je ne veux pas être cynique. Un privilégié qui décide de prendre le temps de lire, d’écouter et d’essayer de comprendre pourquoi les gens sont dans la rue, je pense que c’est déjà un grand pas.
Je n’ai pas la réponse à ce qu’il faudrait faire pour vraiment changer tout ça. Ce que je sais, c’est que cette lutte a besoin d’alliés qui doivent sortir de la classe qui opprime et qui disent « on ne peut plus vivre dans un monde comme celui-là ». Nous avons besoin d’alliés, sinon, nous n’allons pas y arriver. Ça fait 400 ans qu’on lutte et on est encore là… à ce stade.
LR&LP : Dans quels domaines les Blancs peuvent-il contribuer à la fin de ces privilèges ?
Je pense d’abord, à une échelle micro, qu’il faut remettre en question les gens dans nos familles sur leur comportement de tous les jours, le regard humiliant, l’ignorance, la teneur de leurs propos, les micro-agressions.
C’est central, car ce sont des gens que l’on connait, et les mettre devant leurs contradictions est déjà beaucoup. C’est un apprentissage que de se mettre dans l’inconfort de comprendre que tu fais partie du problème, mais que tu peux contribuer à trouver une solution.
LR&LP : Comment expliquer le fait que, même dans les luttes antiracistes, les femmes noires passent au second plan ?
Malcom X disait que « la femme noire est la personne la moins respectée aux États-Unis ».
Les femmes noires ont toujours été contre les brutalités policières, puisque ce sont leurs maris et leurs fils qui se font brutaliser. Elles souffrent du problème, cherchent la solution, mais personne ne se met à côté d’elles pour leur venir en aide. Historiquement, elles sont toujours là pour tout le monde, mais personne n’est là pour elles.
On parle d’Angry Black women, ces femmes soi-disant hystériques qui parlent trop fort ou se plaignent toujours. Mais c’est toute cette aigreur légitime qu’elles portent en elles qui les fait rugir. Et ce n’est qu’entre elles qu’elles trouvent ce qu’on appelle : « the safe place ».
Angela Davis, une figure de proue de l’afroféminisme voulait faire entendre cette idée. Elle disait qu’une femme blanche peut oublier qu’elle est blanche, mais pas qu’elle est femme. Mais une femme noire ne peut pas oublier qu’elle est noire ni qu’elle est femme, et qu’elle est souvent pauvre.
Aux États-Unis, une femme noire gagne 65 cts sur le dollar et la femme blanche 74. Le mouvement Say her name a été lancé pour dénoncer que, même dans la mort, les femmes noires sont invisibles. C’est une grande blessure qu’elles portent parce que, comme je le disais, elles sont toujours en première ligne.
L’histoire est impitoyable avec la femme noire. Le sentiment qui nous accompagne est la fatigue. On a beau transformer nos vies, nos aspirations, faire de nos corps des ponts, les gens nous sont passés dessus mais nous ont rarement aidées à avancer. C’est ce qui fait que nous n’arrêterons jamais de nous battre.
Nous serons toujours sur le front contre l’oppression et la domination. Notre identité dans le monde nous prédispose à toujours nous battre, car on connait le prix de l’inégalité dans notre chair.
LR&LP : C’est aussi cela l’afro-féminisme ?
Dans les années 60, beaucoup de femmes blanches luttaient pour la légalisation de l’avortement, et les femmes noires étaient sur le front avec elles. Mais ces dernières ne luttaient pas que pour la légalisation mais aussi contre les racistes qui les stérilisaient parce qu’ils étaient contre la procréation des noirs.
L’afro-féminisme se bat pour Sandra Bland, pour Breonna Taylor, assassinée dans son sommeil. Ces policiers meurtriers sont encore libres à ce jour. L’afro-féminisme est ce mouvement pour le changement radical pour une société transformée.
Le féminisme ne peut survivre sans l’afro-féminisme. Le monde doit s’habituer aux luttes des femmes noires, il doit s’habituer à entendre leur colère. Ce qu’elles portent en elle est plus lourd qu’une simple manifestation. Ce sont des années, des siècles de torture et de domination.
J’ai une admiration sans frontière pour nous les femmes noires. Depuis la nuit des temps, nous arrivons toujours, contre vents et marées, à nous battre pour l’égalité sans reconnaissances.
En tant qu’afro-féministe, je n’ai parfois pas envie d’être forte ni courageuse, mais cette lutte nous la portons en nous. Pourtant, personne ne devrait porter cette charge ! On se passerait très bien de cette oppression.
LR&LP : Vous avez dit que ce que vous voyez aux États-Unis ou en France vous effraie, pourtant vous vivez en Haïti. Pouvez-vous expliquer cette peur ?
Qu’on le veuille ou non, ce sont les super puissances qui définissent ce que devient un petit pays comme Haïti. Vos systèmes, vos politiques en France ou aux États-Unis m’intéressent, parce ce que quelque part, cela définit les prochaines décennies ici. Va-t-on vers des sociétés qui sont plus égalitaires, ou l’équité sera de mise ? Va-t-on demeurer dans l’instabilité encore pour une génération ?
Ce sont les pays comme Haïti qui payent toujours l’addition à la fin du compte. Tout ce qui se passe dans vos sociétés a une incidence ici. Quand l’injustice que vivent les personnes noires, qui sont tuées et brutalisées par la police, continue d’être la norme, je me dis que le pire est à craindre dans un pays comme le mien ou le système de justice est quasi défectueux.
LR&LP : Sur un plan stratégique en quoi la cause féministe a-t-elle besoin des hommes ?
Je ne pense pas que nous pourrons arriver à cette libération sans inclure nos oppresseurs. Car l’égalité ne sera pas bénéfique seulement aux femmes mais aussi aux hommes. À tous les niveaux, il faut continuer le plaidoyer et éduquer.
Les Blancs doivent s’éduquer et s’engager dans la lutte antiraciste, les hommes doivent s’éduquer et s’engager dans la lutte auprès des femmes pour l’égalité. Ils doivent monter au créneau pour défendre nos droits et soutenir dans cette lutte pour des acquis extrêmement fragiles. Mais il faut que les hommes s’éduquent.
Je participe encore à des réunions professionnelles où des hommes font des blagues sexistes ou prennent des positions misogynes et je me dis qu’on n’est pas sorti du trou. Seules, nous n’allons pas y arriver. Nous aurons toujours besoin d’alliés.
LR&LP : Mais combien de temps devrez-vous attendre avant de ne plus avoir besoin d’alliés ? Est-ce que ces alliés ne participent pas, à leur corps défendant, à ralentir le processus ?
Encore une fois, les gens qui oppriment doivent se remettre en question. La solution doit venir d’eux car ils sont ceux qui ont créé ces problèmes. Nous ne pouvons être le problème et la solution en même temps. Bien que les minorités paient la plus grande charge, les privilégiés n’en sont pas exempts.
Le confort, étant le fruit de leurs inégalités, contribue aux nombreux bouleversements de nos sociétés. Il est du devoir de la majorité de restructurer les bases pour que les minorités aient accès à de meilleures conditions de vie.
Les alliés nous permettraient d’aller plus vite dans ce combat. Les minorités vont continuer à taper du poing sur la table, mais le travail constant qui doit être fait doit l’être par les oppresseurs. Le virage que je sens avec George Floyd est important.
Même si le capitalisme nous tue tous, des grandes marques ont par exemple promis d’investir sur dix ans dans des communautés noires. Pour moi, c’est déjà un début. Par contre, nous devons demander des comptes et vérifier que c’est bien le cas.
Parce qu’il y aura des prochains George Floyd. Ce n’est pas assez de n’être pas raciste, nous devons être tous antiraciste.
LR&LP : Beaucoup de Blancs considèrent qu’ils n’ont pas créé ce système qui sévit depuis des siècles.
Est-ce si dur d’accepter que vous en bénéficiez à ce jour ? Est-ce si déstabilisant d’accepter que vous ayez des privilèges que d’autres n’ont pas ? Vous êtes en grande partie ce que vous êtes à cause de ce système inégalitaire qui dure encore aujourd’hui.
L’acceptation doit être le premier pas. Cela ne veut pas dire pour autant que vous êtes quelqu’un de mauvais. Par contre, ne rien faire est cruel. Le banaliser, fermer les yeux est inacceptable. Avec ou sans vous, je crois profondément que chaque génération contribuera à sa façon à un monde plus égalitaire.
LR&LP : Que lire et faire lire pour se familiariser avec l’afro-féminisme et pour comprendre la situation sociale et politique en Haïti ?
Les ressources sont nombreuses. Auteur.es, comptes instagram, blogueurs, artistes.
Des auteurs étrangers : Bell Hooks, Chimamanda Adichie, James Baldwin, Alida Nugent, Rebecca Solnit, Audre Lorde, Sean Mills.
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Des auteurs haïtiens : Edwidge Danticat, Lyonel trouillot, Yanick Lahens, Gary Victor