Les zones humides démontrent une fois de plus leur importance cruciale. Alors que les scientifiques la considéraient disparue depuis plusieurs décennies, une loutre d’Europe a été filmée dans l’Eure. Une découverte réjouissante permise grâce à des politiques de conservation écologique.
Les membres du Groupe Mammologique Normand ont reçu un joli cadeau de Noël avant l’heure. Une loutre d’Europe a été formellement identifiée sur deux vidéos datées du 24 octobre 2024 par un piège photographique installé à Charleval. Une formidable découverte alors qu’elle était supposée disparue du département.
« Nos dernières observations répertoriées dans la base de données du GMM remontent à 1932, mais cette base n’est pas exhaustive », explique Bastien Thomas, chargé de mission Mammifères semi-aquatiques, au GMM.
La Loutre d’Europe est réapparue dans la zone humide de Charleval, en vallée de l’Andelle, un secteur qui présente des conditions écologiques favorables à l’établissement de cette espèce.
« Cette réapparition est le résultat direct des politiques de conservation menées par le Département de l’Eure. Le site a été acquis dans le cadre de mesures compensatoires suite à des travaux routiers et a bénéficié depuis 2009 d’une gestion écologique particulièrement attentive », se réjouit Myriam Duteil, vice-présidente chargée de la protection de la biodiversité.
Sur ce site, les équipes ont procédé à la restauration de prairies, à la reforestation de zones alluviales et à la mise en place d’un pâturage extensif, créant un environnement optimal pour la faune locale.
Capture d’écran d’une vidéo datée du 24 octobre 2024 – Groupe mammalogique normand
Au-delà d’un habitat favorable à sa présence, les scientifiques s’interrogent maintenant sur la provenance de cette loutre. Ils ont déjà plusieurs hypothèses pour expliquer cette réapparition.
« Il pourrait s’agir d’un individu ayant parcouru une longue distance depuis un bassin de population connu, ou peut-être un petit noyau de population qui aurait échappé jusqu’à présent aux observations scientifiques ».
Autrefois présente sur l’ensemble du territoire métropolitain, à l’exception de la Corse, la loutre a failli disparaître à cause d’une chasse intensive et de la dégradation de ses habitats. A la fin des années 1980, l’espèce n’était plus que présente dans le Massif central et sur la façade atlantique. Depuis cette époque, l’interdiction de sa chasse et à sa protection légale lui ont permis d’amorcer une lente recolonisation de ses anciens territoires.
On la retrouve aujourd’hui sur plus de la moitié du territoire de France métropolitaine : elle est présente dans la quasi-totalité du Massif central, de la Côte-d’Or à l’Hérault et de l’Ardèche à la Haute-Vienne. Dans l’ouest de la France, le long de la façade atlantique, la répartition est continue, de la Bretagne jusqu’au Pays basque ainsi qu’au sein des départements côtiers. L’espèce occupe également les Pyrénées.
« Les populations s’étendent petit à petit à l’ouest de la Normandie et dans l’est et le sud-est du pays. Seul le tiers nord-est de la France reste encore marqué par l’absence de la Loutre » précise la Société Française pour l’Étude et la Protection des Mammifères.
Dans l’Eure, des excréments ont été collectés en vue de mener des analyses génétiques approfondies pour mieux comprendre l’origine de cet animal. D’autres recherches vont également être menées sur le terrain pour suivre l’évolution de la population de loutres et évaluer leur répartition sur le long terme. Espérons qu’elle prospère de nouveau.
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