Alors que la situation Israël – Palestine est définie dans de nombreux médias comme un « conflit insoluble », nous laissons aujourd’hui la parole au collectif citoyen indépendant Les Nuits Blanches dont le travail sur le terrain en Palestine leur a permis de mieux comprendre la réalité de cette guerre pour les habitants. Sous les bombes ou dans le moindre aspect de leur quotidien, les Palestiniens sont victimes de l’Occupation israélienne expliquent-ils.
Mai 2021,
Un mort, deux morts, trois morts, cent morts… 248 Palestiniens et 12 Israéliens s’ajoutent à la liste des victimes. A Gaza, 66 enfants ont été tués. On y recense près de 2000 blessés et déjà des générations entières d’amputés.
La Palestine est à nouveau sur le devant de la scène. Certains s’improvisent experts d’une situation qui se gangrène depuis plusieurs générations et qui, chroniquement, suscite l’indignation.
Contrairement au récit majoritairement véhiculé où la sécurité des uns s’opposerait à la liberté des autres, un mot est timidement prononcé, c’est celui de l’Occupation.
La perspective relayée par certains médias de deux “côtés », “Juifs et Musulmans”, formant deux “camps” s’affrontant régulièrement au travers “d’escalades de violence meurtrières” dans un “conflit insoluble” n’est plus entendable aujourd’hui.
Lorsque le 13 mai dernier France2 affirme que « Juifs et Palestiniens vivaient jusqu’à présent en bonne intelligence » ou encore que « la violence n’est pas le seul fait des juifs … », le parti est pris, la violence de l’occupant est balayée.
Cette fois-ci, il aura fallu onze jours pour que les appels aux négociations et au cessez-le-feu invisibilisent de nouveau la question palestinienne.
Il n’y aura pas de retour au calme. De Gaza à Ramallah, depuis 70 ans, il n’y a pas un jour qui soit acceptable.
Il s’agit d’un rapport de force déséquilibré. De l’oppression d’un peuple sur un autre. De l’occupation de l’armée israélienne en Palestine depuis la Nakba [ Catastrophe ] en 1948 où des centaines de milliers de Palestiniens ont été chassés de leurs villages pour bâtir les bases de l’État d’Israël.
Depuis, aucun mot ne saurait en quelques lignes traduire avec justesse la violence et le mépris de l’occupation Israélienne qui s’exerce chaque jour sur les Palestiniens.
Loin du spectaculaire et de l’horreur des morts, l’occupation s’immisce dans les moindres espaces du quotidien.
C’est l’attente incessante d’une barrière qui se lève, d’un laissez-passer pour se déplacer. C’est vivre à quelques dizaines de kilomètres de la mer sans pouvoir s’y rendre. C’est subir les provocations et persécutions racistes des colons.
Ce sont les embouteillages sans fin liés aux contrôles aléatoires sur les routes. Ce sont les restrictions d’eau et les coupures de courant. Ce sont les expropriations, les bombardements, les emprisonnements. C’est le contrôle permanent des moindres faits et gestes et c’est avoir pour seul horizon un mur de béton …
Ce sont des droits bafoués, des corps humiliés et méprisés, des rêves arrachés.
L’occupation n’a qu’un objectif : rendre la vie des Palestiniens impossible, les briser physiquement et psychiquement jusqu’à ce qu’ils quittent la terre si convoitée qu’ils habitent.
Cinéastes, journalistes, historiens, nombreux sont celles et ceux à avoir dénoncé les mécanismes du système d’occupation et d’oppression de l’État d’Israël.
Des crimes de guerres à la radicalisation du gouvernement Israélien vers l’extrême-droite. De l’ingérence américaine et de son soutien infaillible à l’État d’Israël. Du mépris du droit international par ce dernier au déni de la communauté internationale … Tout a été dit.
Il ne s’agit donc plus de dire mais de confronter. Quelle civilisation bombarde des hôpitaux, des écoles, des civils et tue plus d’une soixantaine d’enfants en une semaine en toute impunité ? Qui décide que la violence est légitime pour les uns lorsqu’elle ne l’est pas pour les autres ?
Là où deux-tiers des pays reconnaissent la Palestine comme un Etat, Emmanuel Macron estime que cela “ne serait pas efficace” car “il ne faut pas internationaliser une situation que nous n’arrivons pas à régler sur le terrain”, avis qui est loin d’être partagé par les premiers concernés.
Aucune perspective de paix n’est envisageable tant que l’occupation et la colonisation se poursuivent.
Quel choix reste-il entre les mains des Palestiniens pour faire valoir leurs droits ?
En tant que nation, en tant que témoins, nous devrions avoir le courage d’interroger nos responsabilités vis-à-vis de ce qu’il se joue.
Souhaiter la paix, condamner la colonisation, ne revêt rien de concret pour les Palestiniens et les Israéliens si, malgré les condamnations internationales, l’État d’Israël s’obstine à mépriser les droits humains. Pourquoi dans ce cas, refuser d’appliquer des sanctions ? Le boycott économique a pourtant fait ses preuves dans la lutte contre l’apartheid en Afrique du Sud.
Se revendiquer neutre ou choisir le silence, c’est accepter l’intolérable, c’est faire le choix de l’occupation.
Regarder l’occupation en Palestine, c’est regarder la manière dont le pouvoir politique s’exerce et persécute sans répit une partie de la population lorsqu’il profite à d’autres.
Notre incapacité à nommer et à condamner le système d’occupation est-elle liée à la manière dont il nous confronte à nos propres dysfonctionnements et contradictions ? Sommes-nous capables de regarder en miroir les injustices, les violences et les inégalités qui s’agissent en France ?
Nous aurions tant à apprendre des luttes pour la liberté du peuple Palestinien.
Depuis plus de 70 ans les Palestiniens n’ont pas fait que mourir. Chaque jour, des femmes, des hommes se posent et s’opposent, ouvrent des commerces, inventent de nouveaux modèles de solidarités, investissent dans le système éducatif, le sport et la culture.
Ils et elles dansent, chantent, mangent, rient, aiment et continuent de trouver de la beauté dans un monde qui ne cesse de l’insulter.
Nombre de ces initiatives seront présentées dans la série de podcast/vidéo que notre collectif Les Nuits Blanches va diffuser. Parmi elles, il y a par exemple l’Aida Youth Center et le Yafa center de Naplouse qui proposent des activités culturelles et sportives aux jeunes issus des camps de réfugiés (le collectif al rowad de Aida s’est ainsi produit aux vieilles charrues en 2003).
A Bethléem, le Walled Off Hotel possède une galerie d’art et un musée qui dépeint les conditions de vie des palestiniens. Et l’excellente bière Taybeh est exportée dans plus de 15 pays.
Comme le dit Rafeef Ziadah, poétesse palestinienne : « Nous Palestiniens, apprenons la vie monsieur, Nous Palestiniens, nous nous réveillons chaque matin pour apprendre la vie au reste du monde monsieur. »
Pour aller plus loin :
- Ian Pappé, historien Israélien : « Le nettoyage ethnique de la Palestine » – « La guerre de 1948 en Palestine : Aux origines du conflit israélo-arabe »
- Joe Sacco, auteur de bande dessinée « Palestine », « Gaza »
- Guy Delisle « Chroniques de Jérusalem »
Les Nuits Blanches x Palestine
Le Proche-Orient est la zone la plus photographiée au monde, pourtant nos perceptions sont si éloignées de la réalité.
Depuis 5 ans le collectif citoyen indépendant Les Nuits Blanches se pose en écho à un sentiment d’incompréhension devenu trop important. La question palestinienne, trop souvent perçue comme complexe, est pensée dans un cadre trop étroit.
Aller à la rencontre des Palestiniens, partager des récits de vie, des fragments d’image est le travail que nous tentons de réaliser pour exprimer notre solidarité auprès du peuple Palestiniens. Une série d’interviews d’hommes et de femmes, de Jérusalem à Bethléem sera bientôt disponible ici : les.nuits_blanches