L’UICN vient de publier une mise à jour de sa liste rouge des espèces menacées. La Baleine franche de l’Atlantique Nord rejoint ainsi les nombreuses espèces de la catégorie « En danger critique d’extinction ». Il n’en reste plus que 400 individus. En cause : les collisions avec les bateaux !
Alerte rouge pour la Baleine franche
Dans la dernière mise à jour de la Liste rouge de l’UICN (Union Internationale pour la conservation de la nature), la Baleine franche de l’Atlantique Nord (Eubalaena glacialis) est passée de la catégorie « En danger d’extinction » à la catégorie « En danger critique d’extinction », rejoignant ainsi le gorille des montagnes, la tortue à écailles ou le pangolin. L’UICN s’inquiète aussi de l’extinction qui guette la quasi-totalité des espèces de primates, notamment les lémuriens de Madagascar.
Cette liste des espèces menacées constitue l’inventaire mondial le plus complet de l’état de conservation global des espèces végétales et animales. Elle s’appuie sur des critères précis pour évaluer le risque d’extinction de milliers d’espèces et de sous-espèces, partout dans le monde.
Et à l’UICN, l’heure est à l’inquiétude… « Les déclins spectaculaires d’espèces telles que la Baleine franche de l’Atlantique Nord figurant dans la présente mise à jour de la Liste rouge de l’UICN soulignent la gravité de la crise de l’extinction », a déclaré la Dr Jane Smart, Directrice mondiale du Groupe de conservation de la biodiversité de l’UICN.
Plusieurs causes d’extinction
On estime en effet à 400 individus la population totale de Baleines franches de l’Atlantique Nord (une chute d’environ 15% depuis 2011), dont seulement 250 individus matures et 100 femelles. Ce déclin est dû à la combinaison de deux principaux facteurs : une mortalité accrue due aux enchevêtrements dans les engins de pêche et aux collisions avec les navires, notamment les cargos ; et un taux de reproduction plus faible par rapport aux années précédentes.
Sur les 30 décès ou blessures graves de Baleines franches de l’Atlantique Nord d’origine humaine confirmés entre 2012 et 2016, 26 étaient dus à un enchevêtrement. Et sur les 18 décès de Baleines franches survenus depuis 2017, 10 sont liés à des collisions, 8 à des enchevêtrements, rappelle le Ministère Pêches et Océans canadien. On observe donc une augmentation significative des collisions ces dernières années.
« Les changements climatiques semblent exacerber les menaces qui pèsent sur les Baleines franches de l’Atlantique Nord, précise l’UICN. Des températures plus élevées de l’eau de mer ont probablement poussé leurs principales proies plus au nord pendant l’été, dans le golfe du Saint-Laurent, où les baleines sont plus exposées à des collisions accidentelles avec les navires et à un risque élevé d’enchevêtrement dans les câbles des casiers à crabes. »
Réaliser l’ampleur des dégâts
« La situation est dramatique, malheureusement pas seulement pour Eubalaena glacialis, confirme Dominique Chevillon, vice-président de la LPO. Un petit rappel utile : 90% du commerce mondial passe par la mer ! Pour réaliser l’ampleur des dégâts, mieux comprendre la multiplication des collisions et se faire une idée de la pollution sonore que subissent aussi les baleines, il suffit d’aller faire un tour sur le site d’AIS bateaux… ».
Il donne en temps réel les positions des navires, dans le monde entier. La claque… Et encore, il ne prend pas en compte les bateaux en bois, responsables de nombreuses collisions.
« Malgré les techniques de repérage assez sophistiquées mises en œuvres au Canada et aux Etats-Unis, le trafic est terrible… Si cette tendance se poursuit, il pourrait devenir nécessaire de suivre chaque spécimen de Baleine franche de l’Atlantique nord pour l’escorter. C’est de la folie ! »
Bien plus qu’un symbole
L’extinction menaçante de la Baleine franche de l’Atlantique Nord, aussi appelé Baleine noire, Baleine basque ou Baleine de Biscaye, est bien plus qu’un symbole.
« Protégée depuis 1935, elle est une sous-espèce d’une espèce emblématique des grands mammifères marins, poursuit Dominique Chevillon. Elle mesure jusqu’à 20 mètres et pèse plusieurs tonnes… Elle participe surtout à la vie des hommes depuis quasiment 1000 ans, qui utilisent notamment sa graisse et ses os. La voir disparaître nous met face aux conséquences absurdes de nos actions. »
Dans notre dernier livre-journal Vivant, Lamya Essemlali, la directrice de Sea Shepherd France détaille ainsi à quel point notre destin est dépendant de celui des baleines.
« Un monde sans baleines sera un monde sans nous. Hormis leur valeur intrinsèque et la dose de magie qu’elles ajoutent à la vie, les baleines sont une espèce clé de voûte qui contribue largement à booster la production de phytoplancton, notre premier fournisseur d’oxygène et le premier organe de régulation du climat, bien avant les forêts. »
Des propos partagés par le Dr Jane Smart, Directrice mondiale du Groupe de conservation de la biodiversité de l’UICN :
« Sauver le nombre croissant d’espèces menacées d’extinction nécessite un changement transformationnel, soutenu par des mesures visant à mettre en œuvre les accords nationaux et internationaux, conclue le Dr Jane Smart. Le monde doit agir rapidement pour arrêter le déclin des populations d’espèces et prévenir les extinctions causées par l’homme ».
Mais en sommes-nous seulement capables avant qu’il ne soit trop tard ? Une étude récente de la revue PNAS alerte sur l’accélération de la Sixième extinction de masse. Elle estime que d’ici vingt ans, plus de 500 espèces animales auront disparu, soit autant que pendant tout le XXe siècle.
Un podcast à découvrir, pour plonger dans l’univers des Baleines : LSD, La Série Documentaire, Oublier Moby Dick.
Crédit photo couv : Marianna Hagbloom – IUCN