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L214 lutte contre un méga-élevage d’Herta, coupable de sévices, voulant exploiter 25 000 cochons

Au niveau de la pollution, l’accroissement du nombre d’animaux induira forcément une augmentation de l’épandage des excréments, actuellement disséminés sur le territoire d’une dizaine de communes.

Deux mois et demi après ses révélations chocs, l’association de défense des animaux L214 a récemment annoncé qu’elle avait déposé un recours administratif contre l’extension de la société Promontval, un élevage intensif de porcs. En dépit d’une opposition locale à son projet d’extension, le préfet de l’Aube a autorisé en septembre dernier Promontval à s’agrandir pour détenir 5 000 animaux supplémentaires, passant ainsi à 25 000 cochons.

Implantés sur les communes d’Ortillon et de Montsuzain, à une trentaine de kilomètres de Troyes, dans l’Aube, les deux sites de cette exploitation compteraient 20 000 cochons, dont quelque 1 500 truies, là où la moyenne nationale s’élève à 250.

D’après L214, la société Promontval serait l’un des fournisseurs du géant de la charcuterie Herta, en particulier de sa « filière Préférence » qui, comme l’écrit l’industriel sur son site internet, est censée garantir au consommateur que ses élevages respectent « une démarche plus respectueuse de l’environnement et du bien-être animal ».

En décembre 2021, dénonçant les « mensonges » d’Herta, L214 avait cependant révélé, vidéos à l’appui, « les conditions d’élevage déplorables pour les cochons » de cette société auboise, accusée de « nombreuses infractions à la réglementation ».

Dans un environnement clos, sans lumière naturelle, ces images bouleversantes montraient :

« des animaux vivant sur un sol en béton recouvert d’excréments, des truies enfermées dans des cages si exiguës qu’elles ne peuvent même pas se retourner, des cochons malades, certains présentant de très grosses hernies, d’autres agonisants, des mutilations pratiquées à vif sur les porcelets [et] des coups portés aux animaux » par le personnel de la société.

Dans d’autres séquences, des porcelets venant de naître pourrissaient sur des caillebotis en fer, enduits de sang et de placenta, alors que dans le même temps, des employés s’emparaient des plus chétifs d’entre eux pour les achever en les « claquant » sur le sol.

Une plainte déposée, une enquête ouverte

Sans grand écho dans la presse, ces révélations avaient conduit L214 à porter plainte pour « mauvais traitements envers les animaux et tromperie des consommateurs auprès du procureur de Troyes », suite à quoi la préfecture de l’Aube avait certifié, le 2 décembre, qu’un contrôle serait effectué dans l’exploitation.

De son côté, la marque Herta avait indiqué qu’elle « analysera[it] cette vidéo, dès qu’elle aura[it] accès aux images, et lancera[it] un audit », ajoutant que « si des manquements aux règles venaient effectivement à être constatés dans cet élevage, [elle] saura[it] en tirer toutes les conséquences ».

Deux mois et demi plus tard, les autorités publiques ont-elles visité l’élevage de Promontval ? Herta a-t-elle mené son audit et pris les mesures adéquates pour sanctionner la société, mise en cause de façon évidente pour le traitement inhumain qu’elle inflige aux animaux ?

Nul ne le sait, pas même L214, qui affirme cependant qu’une « enquête a été ouverte en janvier 2021 auprès de la gendarmerie nationale à la suite de la plainte ».

Des porcelets morts-nés sont laissés à pourrir sur les caillebotis – Crédit : L214

Élevages intensifs et pollution invisible

D’une taille déjà démesurée, l’exploitation de Promontval a été autorisée par la préfecture, en septembre dernier, à agrandir ses bâtiments pour accueillir 5 000 animaux supplémentaires, qui s’ajouteront donc aux 20 000 cochons actuels.

Cette extension comportera plusieurs locaux, dont un pour la maternité et un pour l’engraissement, répartis sur les deux sites d’Ortillon et de Montsuzain.

Jugeant que ce projet « ne répond[ait] pas à la protection des animaux ni à la protection de l’environnement », l’association L214 a annoncé qu’elle avait déposé, le 31 janvier, un recours au tribunal administratif contre l’autorisation environnementale accordée par le préfet de l’Aube.

« Dans le cadre de l’enquête publique, nous raconte Isabelle Fernandez, chargée de campagne chez L214, l’autorité environnementale avait émis des réserves en raison de non-conformités de l’élevage avec la réglementation. L’exploitant avait alors recomposé un dossier, qui ne satisfaisait toujours pas les autorités, mais le préfet l’avait quand même avalisé. »

Au niveau de la pollution, l’accroissement du nombre d’animaux induira forcément une augmentation de l’épandage des excréments, actuellement disséminés sur le territoire d’une dizaine de communes.

Or, indique Isabelle Fernandez, « ces surfaces se situent en zone dite “vulnérable” à la pollution aux nitrates ; elles chevauchent une partie de la Craie », une des plus grandes nappes phréatiques européennes, déjà menacée.

« De plus, continue la chargée de campagne, l’extension générera des nuisances sonores et olfactives pour les riverains, dont beaucoup avaient fait des observations défavorables au projet au cours de l’enquête publique. »

Dans l’élevage intensif de Promontval, les cochons baignent dans leurs excréments – Crédit : L214

Une « extension de souffrances »

Le second volet du recours de L214 porte sur les conditions d’élevage. Dans son rapport remis à la préfecture en juin 2021, le commissaire-enquêteur avait en effet rendu un « avis favorable », si toutefois la société répondait à « trois réserves ».

La « caudectomie » – la coupe des queues des cochons, pratiquée systématiquement car ceux-ci peuvent se mordre entre eux sous l’effet du stress – devait d’une part « être bannie, sauf cas particuliers bien identifiés par un vétérinaire » ou si les mesures préventives, comme l’agrandissement des surfaces de vie, auraient échoué.

Interdite depuis le mois de janvier 2022, la castration à vif des porcelets, pratique extrêmement douloureuse, ne devait d’autre part « plus être utilisée » par l’élevage.

« La réduction des coins » (les dents), enfin, ne devait plus « être pratiquée [que] sur un animal causant des blessures à ses congénères », et non pas, là encore, de façon systématique.

« Que le commissaire-enquêteur conditionne son avis favorable à trois réserves portant sur le bien-être animal, c’est une grande première, se réjouit Isabelle Fernandez. Car si l’exploitant n’est pas en mesure d’appliquer ces conditions, comme nous le pensons, ou s’il ne s’y est pas engagé, ce qui est le cas, l’avis peut être considéré comme défavorable. »

Pour L214, rien ne garantit que Promontval mettra fin à ses pratiques de mutilation et aucun service compétent ne pourra de toute façon le vérifier.

« On part donc pour l’instant sur une extension de souffrances », conclut la chargée de campagne.

En France, 80 % des animaux sont détenus dans des élevages intensifs, un chiffre qui monte à 95 % pour les cochons. À l’approche des présidentielles, L214 souhaite que les candidats prennent des engagements contre cette industrie : moratoire sur les nouveaux projets, plan de sortie de l’intensif, démocratisation de l’alimentation végétale…

Un site internet de l’association propose également aux riverains ou aux citoyens opposés à l’implantation de nouveaux élevages ou aux projets d’extension une série d’outils pour engager la lutte. Une « carte de France des oppositions » y montre d’ailleurs que des dizaines de recours ont été déposés contre des exploitations intensives, désavouées par 88 % des Français.

Crédit photo couv : L214

Augustin Langlade

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