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Justice environnementale : des populations locales attaquent en masse les entreprises polluantes

« L’argent ne peut pas tout : la nature n’a pas de prix et sa destruction cause des dommages perpétuels et irréparables. La défendre, c’est dénoncer les impacts sociaux, économiques et spirituels que les entreprises ont causés par sa destruction, mettant en danger la survie de notre peuple. »

AES Gener pour les épisodes d’intoxication à grande échelle, la pollution au pétrole de Suez au Chili, la plus grande mine de charbon à ciel ouvert d’Amérique latine en Colombie… c’est une action en justice de masse. La FIDH considère que le moment est arrivé pour que l’ONU reconnaisse formellement le droit humain à un environnement sûr, propre, sain et durable. C’est pourquoi elle lance la campagne #SeeYouInCourt, dans laquelle des communautés locales du monde entier attaquent en justice les multinationales qui détruisent leur environnement en polluant les sols, les eaux, l’air, ou en contribuant au réchauffement climatique. Loin d’être des victimes passives, les représentants des communautés touchées l’affirment haut et fort : face à l’urgence environnementale, l’impunité n’est plus une option.

Des populations en lutte

Ce 23 septembre, des communautés sud-américaines affectées par la crise écologique, la FIDH et ses organisations membres déposent une série d’actions en justice.

En cause : les épisodes d’intoxication massive causés par les centrales électriques au charbon d’AES Gener, et l’incapacité des autorités environnementales à contrôler adéquatement leurs émissions au Chili ; et les dommages irréparables causés par le détournement de la rivière Arroyo Bruno et son exploitation pour permettre l’expansion de la plus grande mine de charbon à ciel ouvert d’Amérique latine, Carbones del Cerrejón

« L’accélération de la crise climatique est une réalité indéniable. Parmi les populations majoritairement touchées : des peuples autochtones, des femmes et des enfants. Loin d’être des victimes passives, les communautés locales luttent activement pour leurs droits à la nature et à exister. Leurs difficultés nous affectent tous et toutes car un environnement sûr et sain est indispensable pour l’exercice des droits humains. Depuis le commencement de l’ère industrielle, une centaine d’entreprises sont responsables de plus de la moitié des émissions de gaz à effet de serre, et certaines d’entre elles continuent leurs activités polluantes en toute impunité. Il est temps de les en rendre responsables. » explique Alice Mogwe,présidente de la FIDH, lors de la conférence de presse du lancement de la campagne

Une des centrales à charbon d’AES Andes – Crédit : Claudia Pool

Lire aussi : 100 entreprises sont responsables de 71 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre

Les deux premières actions ciblent des entreprises dans le secteur du charbon, le plus grand contributeur au changement climatique. Il représente 72% des émissions de GES de la production d’électricité.

Au Chili, près d’un quart de l’électricité est fournie par les centrales à charbon, qui émettent de fortes quantités de gazs à effets de serre et autres émissions polluantes. Cette production a un impact direct sur les populations qui vivent sur des « zones de sacrifice » au profit de l’industrie.

« Je vis dans une zone de sacrifice, cela veut dire que nous avons des pollutions aux métaux dans le sol, l’air et les eaux douces et salées, fonds marins compris. Dans un rayon de 8km, nous sommes entourés de 19 industries dangereuses et polluantes. Il y a notamment 4 usines thermo-électriques d’AES Andes dont la plus grosse est installée de façon illégale à moins de 100 mètres des habitations. C’est une nette détérioration du territoire ; où autrefois nous vivions de la pêche, de l’agriculture et même du tourisme ! Aujourd’hui, nous avons des taux très élevé de cancers, maladies pulmonaires et néphrologiques, infarctus, asthme, beaucoup d’autisme et d’allergies en tout genre… Nous voulons des enfants sains, des eaux propres, des terres fertiles. La Vie ne se vend pas, la Vie se défend. Nous avons donc décidé de lutter pour récupérer nos droits humains. »explique Katta Alonso, membre du comité « Mujeres de zonas en sacrificio en resistencia de Quintero y Puchuncavi »

Entre 2011 et 2018, des épisodes de pollution massive émanant des centrales d’AES Andes ont entraîné l’intoxication de plus de 1500 enfants, qui ont dû allés aux urgences. Certains en gardent encore de graves séquelles aujourd’hui.

Au Chili, les enfants des zones sacrifiées vivent en permanence dans la pollution – Crédit : Claudia Pool

AES Gener (aujourd’hui AES Andes), une multinationale dont la maison mère est basée aux États-Unis, est le géant de la production d’électricité à partir du charbon au Chili, avec une capacité installée représentant 54% (2 754 MW/h) du total national.

Malgré ces épisodes désastreux, l’entreprise continue à agir en toute illégalité en ne suivant pas les recommandations d’émissions admises par les autorités officielles. Elle fait partie des entreprises ciblées par la campagne #SeeYouInCourt par l’Observatorio Ciudadano, membre chilien de la FIDH, la Fundación Terram, et des membres des communautés de Quintero et de Puchuncaví.

Une immense action en justice

Ces organisations lancent une action constitutionnelle de protection en réponse aux infractions environnementales liées à l’exploitation des centrales à charbon par AES Gener, et à la complicité des autorités environnementales chiliennes qui ne sanctionnent pas ses dérives.

En effet, une première plainte avait été déposée devant les autorités environnementales du pays en décembre 2020. Le gouvernement chilien s’est contenté d’en accuser bonne réception sans jamais y donner suite ou lancer une enquête contre l’entreprise incriminée. Cela alors que le délai légal pour le traitement de cette plainte était de 60 jours.

« Nous souhaitons mettre au centre de la scène internationale la lutte quotidienne de ces communautés, pour rappeler que le changement climatique n’est pas une notion abstraite qui ne concerne que les générations futures, mais bien une urgence actuelle pour les communautés qui en souffrent déjà. Nous devons assurer la protection de notre planète et de ses peuples. » explique Alice Mogwe, présidente de la FIDH, lors de la conférence de presse

En Colombie, un groupe de communautés locales et l’ONG CAJAR ont décidé de saisir la Commission inter-américaine des droits humains face au risque de dommages irréparables causés par le détournement de la rivière Arroyo Bruno et son exploitation pour permettre l’expansion de la plus grande mine de charbon à ciel ouvert d’Amérique latine, Carbones del Cerrejón, une joint venture de trois multinationales minières, BHP Billiton, Anglo American et Glencore.

La plus grande mine de charbon à ciel ouvert d’Amérique latine, de Carbones del Cerrejón en Colombie – Crédit : Colectivo de Abogados – CAJAR

« L’argent ne peut pas tout : la nature n’a pas de prix et sa destruction cause des dommages perpétuels et irréparables. La défendre, c’est dénoncer les impacts sociaux, économiques et spirituels que les entreprises ont causés par sa destruction, mettant en danger la survie de notre peuple. » détaille Luis Misael Socarras Ipuana, défenseur des droits et leader des communautés Wayuu de la Guajira, en Colombie.

En Colombie, l’expansion incontrôlée de l’exploitation du charbon sur le territoire de La Guajira a affecté le système hydrologique de la région, menaçant depuis des décennies la vie des communautés ethniques et du fragile écosystème de la région qui subit déjà fortement la crise climatique et hydrique. De plus, le peuple autochtone Wayuu entretient un lien spirituel sacré avec le cours d’eau Arroyo Bruno.

Pour ces raisons, les communautés de la Guajira vont demander toute une série de mesures de précaution à la CIDH afin de garantir la protection urgente de leurs droits, le retour d’Arroyo Bruno à son cours naturel en respect du principe de précaution environnemental et de de toutes les garanties judiciaires demandées dans une décision de la Cour constitutionnelle colombienne en 2019.

Ces deux actions en justice s’inscrivent dans la continuité de première démarches judiciaires lancées par la FIDH et ses organisations partenaires. En juin 2021, elles ont ainsi assigné en France la multinationale française Suez, en application de la loi sur le devoir de vigilance.

En juillet 2019, 2 000 litres de pétrole étaient déversés dans l’usine d’eau potable de Caipulli, exploitée par la filiale de Suez dans la ville d’Osorno. Ceci a entraîné la contamination de l’ensemble du réseau d’eau potable, qui approvisionne 49 000 foyers de la commune, soit 140 500 habitants (97,9 % de la population). Les habitants ont été privés d’eau pendant 10 jours et l’alerte sanitaire décrétée.

Lire aussi : La pollution de 2000 tonnes de pétrole brut dans l’Amazone met en danger les peuples autochtones

D’autres actions en justice suivront dans les mois consécutifs au lancement de la campagne. Depuis plus d’un an, la FIDH réunit des organisations bien au-delà de l’Amérique Latine, au Maghreb, en Afrique, en Europe et en Asie pour faire entendre les luttes des communautés locales.

« Cependant, les communautés ne devraient pas être obligées d’aller au tribunal pour se faire entendre. Les États doivent mieux réguler les entreprises quant aux impacts de leurs activités. Pour mettre fin à l’impunité, et prévenir les dégâts environnementaux et humains, il faut des changements politiques majeurs. » conclut Alice Mogwe

Laurie Debove

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