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Insurrections au Chili, la lutte d’un peuple autochtone au chevet de la terre

Récemment, c’est une île entière qui a été mise à prix par le gouvernement chilien : l’île de Guafo, réserve de la biodiversité, en vente pour 20 millions de dollars et convoitée par des exploitants miniers. Une « aberration » pour les Mapuche qui considèrent cette île, et a fortiori la Terre, comme sacrées.

Le 12 octobre est une fête Nationale au Chili, en référence à l’arrivée européenne sur le continent américain. Mais le coeur des Mapuche, un peuple autochtone de près de deux millions d’âmes, n’est pas à la fête. Cette communauté milite toujours pour la reconnaissance de ses droits, suite à une année particulièrement marquée par les violences policières.

Veronica, une voix du peuple Mapuche

Difficile de présenter Veronica sans évoquer les sons qui l’accompagnent.
Le cliquètement des bijoux sacrés qu’elle porte tels une armure sur le torse,
Le tintillement des grelots qu’elle agite à l’approche d’un cours d’eau,
L’oscillation si particulière du trompe, petite harpe qu’elle fait vibrer entre ses dents pour transmettre, dit-elle, la douceur et l’amour,
Le bruit de son tambour sacré, le kultrun,

Sa voix enfin, douce et puissante, souvent émue lorsqu’elle dénonce les injustices faites à son peuple.

Née en 1969 au Chili, Veronica a « grandi avec le son », dit-elle. Celui du tambour et de la harpe, mais aussi celui des mitraillettes qui, lorsqu’elle avait quatre ans, furent pointées sur son père en pleine nuit pour le contraindre à se rendre à l’Estadio Nacional, centre de détention et de torture sous Pinochet. 

Les bijoux, la musique, la voix, sont les armes de son combat.

Février 2020 – Veronica, à droite, lors d’un rituel de connexion à la Terre.

Veronica est née au Chili, mais elle n’est pas Chilienne. Elle appartient au peuple Mapuche, qui représente entre 10 et 13% de la population du pays, selon les sources. Mapu-che signifie « peuple de la Terre », paradoxe tragique pour une communauté sans cesse déracinée. 

Après avoir subi les assauts des Incas puis des conquistadores espagnols, les Mapuche furent dépossédés, entre 1866 et 1927, de 95% de leurs terres. Aujourd’hui « parqués » dans les réserves d’Araucanie, le long de la Cordillère des Andes, les Mapuche subissent un processus d’assimilation forcée, sans que leurs droits ne soient reconnus dans la Constitution. 

En France, Veronica s’occupe d’enfants et de personnes âgées et met sa connaissance des plantes médicinales au service des gens qu’elle soigne. Avec son pays d’origine, elle entretient une relation ambivalente : elle a dû le quitter à l’âge de vingt-cinq ans, pour donner une « meilleure vie à ses parents » ; mais elle rêve chaque jour d’y revenir pour retrouver la connexion avec la Mère Terre.

Février 2019 – Veronica au sommet du Volcan Villarica, région d’Araucanie, au Chili

La main basse des multinationales sur les Terres Mapuche

Nous l’avons rencontrée à Paris, lors de la 39ème édition de la Journée Internationale de Solidarité avec les Peuples Autochtones des Amériques. Sa voix, nous l’avons entendue pour la première fois émerger timidement du public, lorsque le micro fut donné à la salle : 

« Chez moi en ce moment, le gouvernement est en train de voler les rivières, les glaciers, la forêt. Tous ceux qui disent « non, arrêtez-vous », vont en prison. Des personnes très importantes pour ma Nation sont enfermées parce qu’elles ont dit « non ». Aujourd’hui, le 12 octobre, est une fête nationale au Chili. Mais nous n’avons rien à fêter. Parce que c’est un génocide, chez moi. Je voudrais que vous connaissiez ma Nation, car nous, les Mapuche, sommes comme vous (s’adressant à Daiara Tukano, activiste amazonienne), nous aimons la Terre. Il y a des villages qui sont en train de mourir, car le gouvernement a donné le droit à toutes les entreprises qui ont suffisamment d’argent d’exploiter la terre ».

Ces entreprises, elles s’appellent « CMPC » ou « SCA », et sont aux mains de grandes familles oligarchiques chiliennes (comme la famille Matte) et de trusts européens. Sur les terres d’Araucanie, où sont « parqué.e.s » les Mapuche, ces multinationales cultivent de manière intensive le pin et l’eucalyptus, asséchant les sols et détruisant la biodiversité.

Des forêts entières transformées en monocultures de pin et d’eucalyptus

Récemment, c’est une île entière qui a été mise à prix par le gouvernement chilien : l’île de Guafo, réserve de la biodiversité, en vente pour 20 millions de dollars et convoitée par des exploitants miniers. Une « aberration » pour Veronica et l’ensemble de son peuple qui considèrent cette île, et a fortiori la Terre, comme sacrées.  

Veronica découvrant les rivières asséchées de sa région, en Araucanie

Dans la culture Mapuche, en effet, ce n’est pas la Terre qui appartient à l’Homme, mais l’homme (et la femme !) qui appartiennent à la Terre. Une sorte de révolution copernicienne qui, allant à l’encontre de la notion même de propriété privée, rend caduque une conception de l’environnement comme étant source inépuisable de profits.

Un an après le 12 octobre 2019, Veronica poursuit sa lutte. Depuis cet été, elle porte en France la voix du machi (chef spirituel) Celestino Córdova, qui purge une peine de 18 ans de prison pour complicité présumée dans la mort de l’homme d’affaires Werner Luchsinger et de sa femme Vivianne Mackay, retrouvés brûlé.e.s après un incendie en janvier 2013. Un crime qu’il n’aurait pas commis, selon la communauté Mapuche. 

Veronica en manifestation pour faire entendre les droits des Mapuche

Alors que le machi et une vingtaine d’autres prisonniers menaient une longue grève de la faim pour exiger l’application de la Convention 169 de l’OIT par l’Etat chilien, Veronica a participé à faire connaître en France la « Déclaration internationale de soutien aux revendications des prisonniers politiques Mapuche ». Un texte signé le 17 août 2020 par deux cents intellectuels, responsables politiques, artistes et organisations populaires dans le monde. 

Le 25 octobre prochain, un référendum se tiendra au Chili pour demander aux citoyen.n.e.s s’ils sont pour ou contre une nouvelle Constitution. Au sein de la communauté Mapuche, certain.e.s y voient l’opportunité de voir leurs droits enfin reconnus. 

Plus mitigée, Veronica aimerait y croire, mais revendique avant tout « l’autodétermination », c’est-à-dire la liberté de son peuple à s’organiser sans passer « par le droit et les textes » imposés par le gouvernement chilien.

Un reportage de Nora Guelton. Certaines images de cet article sont extraites du documentaire Front Line : les femmes en première ligne face aux dérèglements climatiques, actuellement en cours de développement et produit par Corpus Film.

Crédit photo couv : FERNANDO LAVOZ / NurPhoto / NurPhoto via AFP

Traduction en espagnol :

Insurgencias en Chile, la lucha de un pueblo milenario al pie de la lucha por Mapu Ñuke (Madre Tierra)

El 12 de octubre es una fiesta nacional en Chile, en referencia a la llegada de los Españoles al continente de América. Pero los corazones de los Mapuche, un pueblo Nación indígena de casi dos millones de almas, no festejan nada. Esta comunidad todavía está luchando por el reconocimiento de sus derechos, tras un año especialmente marcado por la violencia policial.

Es difícil presentar a Veronica sin evocar los sonidos que la acompañan :

El chasquido de las joyas sagradas que lleva como una armadura en su pecho,

El tintineo de las cascahuillas que sacude al acercarse a un arroyo,

La muy particular oscilación del trompe una pequeña arpa que vibra entre sus labios (boca) para transmitir, dice, dulzura y amor,

El sonido de su tambor sagrado, el kultrun,

Finalmente, su voz, suave y poderosa, a menudo se conmueve cuando denuncia las injusticias cometidas contra su Nación. 

Verónica, nacida en 1969 en Chile, « creció con el sonido », dice. El del tambor y el arpa, pero también el de las ametralladoras que, cuando ella tenía cuatro años, apuntaron a su padre en medio de la noche para obligarlo a ir al Estadio Nacional, centro de detención y tortura de Pinochet. 

Las joyas, la música, la voz, son las armas de su lucha. 

Verónica nació en Chile, pero no es chilena. Es Mapuche. 

La Nación, pueblo Mapuche, que representa entre el 10 y el 13% de la población del país, según fuentes. “Mapu”-”che” significa « gente de la Tierra ”, una trágica paradoja para una comunidad desarraigada, despojada, de sus Tierras. 

Después de haber sufrido los asaltos de los incas y luego los conquistadores españoles, los Mapuche fueron desposeídos, entre 1866 y 1927, del 95% de sus tierras. Ahora « estacionados » en las reservas de la Araucanía, a lo largo de la Cordillera de los Andes, los Mapuche son sometidos a toda suerte de transgresiones y emigración forzosa, sin que sus derechos sean reconocidos en la Constitución.

En Francia, Veronica se ocupa de los niños y los ancianos y pone sus conocimientos, plantas medicinales para las personas que cuida. Traídas de su lugar de origen así mantiene una relación entre su “tuwun” y su comunidad : lugar que tuvo que dejar a los veinte un año, para dar « una vida mejor a sus padres » pero sueña con volver todos los días para encontrar la conexión con la Madre Tierra. 

La conocimos en París, durante la 39ª edición del Día Internacional de Solidaridad con los Pueblos Indígenas de las Américas. Su voz, la escuché por primera vez emerger tímidamente de la audiencia, cuando se le entregó el micrófono en la sala:

“En mi Territorio, ahora mismo, el gobierno está robando ríos, glaciares, bosques y mar. Cualquiera que diga « no, detente » va a la cárcel. Las personas que son muy importantes para mi Nación están encerradas porque dijeron « no ».

Hoy, 12 de octubre, es feriado nacional en Chile. Pero no tenemos nada que celebrar. Porque es un genocidio en mi país. Me gustaría que conocieras mi Nación, porque los Mapuche somos como tú (hablando con Daiara Tukano, activista de Amazon), amamos la Tierra. Hay pueblos que están muriendo porque el gobierno les ha dado el derecho a todos empresas que tienen dinero suficiente para pagar y plantar monocultivo”. 

Estas empresas, se denominan « CMPC » o « SCA », y están en manos de grandes familias oligárquicas chilenas (como la familia Matte) y fideicomisos europeos. En las tierras de la Araucanía, donde la Nación Mapuche a vivido por siempre, estas empresas multinacionales cultivan de forma intensiva pino y eucalipto, los cuales son el cáncer para la Tierra, la cual a secando el suelo y destruye la biodiversidad y el “lawen” (medicina). 

Recientemente, el gobierno chileno puso precio a toda una isla: la isla Guafo, reserva de biodiversidad, a la venta por 20 millones de dólares y codiciada por los operadores mineros. Una « aberración » para Verónica y toda su gente que consideran esta isla, sagrada. 

En la cultura mapuche, de hecho, no es la tierra la que pertenece al hombre, sino el hombre (¡y la mujer!) pertenecen a ella, la Madre tierra. Esta cosmovision hace obsoleta una concepción del medio ambiente como fuente inagotable de lucro.

Un año después del 12 de octubre de 2019, Veronica continúa su lucha. Desde este verano lleva la voz de machi (líder espiritual) Celestino Córdova en Francia, quien cumple una condena de 18 años de prisión por presunta complicidad en la muerte del empresario Werner Luchsinger y de su esposa Vivianne Mackay, encontrada quemada tras un incendio en enero de 2013. Un crimen que no cometió, según la comunidad Mapuche.

Mientras el Machi y una veintena de prisioneros políticos Mapuche realizaban una larga huelga de hambre para exigir la aplicación del Convenio 169 de la OIT por parte del Estado chileno, Verónica ayudó a difundir en Francia la « Declaración Internacional de apoyo a las demandas de los presos políticos MapuCHE ”. Un texto firmado el 17 de agosto de 2020 por doscientos intelectuales, líderes políticos, artistas y organizaciones populares de todo el mundo. 

El 25 de octubre se realizará un referéndum en Chile para preguntar a los ciudadanos si están a favor o en contra por una nueva Constitución. Dentro de la comunidad Mapuche, algunos lo ven como una oportunidad para ver finalmente reconocidos sus derechos. Más mixta, Verónica quisiera creerlo, pero sobre todo reivindica la « autodeterminación », es decir la libertad de su pueblo para organizarse sin pasar por « la ley y los textos » impuestos por el gobierno chileno. 

Un informe de Nora Guelton. Algunas imágenes de este artículo están extraídas del documental Front Line: Women on the Front Line Facing Climate Change, actualmente en desarrollo y producido por Corpus Film.

Nora Guelton

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