Certains d’entre nous rêvent d’être rentiers, et d’autres ne jurent que par l’arrivée du sacro-saint week-end. Avouez-le sans complexe, vous le connaissez aussi ce « baume au cœur » du vendredi ? Aujourd’hui, le travail est encore largement perçu comme une besogne à effectuer avant de profiter d’un repos bien mérité. Après tout, « il faut bien vivre », autant se le dire… Pourtant, un nouvel idéal du « laisser-vivre » est en train de questionner la notion d’équilibre entre temps travaillé et temps libre.
En 2000, la réforme des 35h, aussi saluée que controversée, a produit l’effet d’une petite révolution. Sans surprise, deux écoles s’affrontent, celle des salariés et celles des patrons. Dès lors, aucune reconsidération du temps de travail n’a été aussi significative. Afin d’apaiser les discordes, l’épineuse question de la « productivité » devrait être soigneusement étudiée.
Contrairement aux idées reçues, les Grecs sont les plus gros travailleurs en Europe. Crise oblige, il faut mettre les bouchées doubles ! Malheureusement, ceci n’est pas un gage d’efficacité pour les entreprises, bien au contraire. Un constat surprenant va certainement calmer les « bourreaux du boulot », les pays les plus développés en Europe sont ceux qui ont opté pour une durée de travail réduite et pour un aménagement des horaires plus flexible. Moins d’heures, certes, mais une disponibilité mentale et une concentration redoublée, voilà le secret !
Direction les Pays-Bas où un travailleur sur deux est a temps partiel. Le plus souvent, cette situation professionnelle est un choix tout à fait délibéré, 75 % des femmes et 25 % des hommes sont concernés (contre 31% des femmes et 6 % des hommes en France). « Je veux voir grandir mes enfants. Je veux pouvoir être présent pour leur apprendre plein de choses et je pense qu’ils ont besoin de leur père, autant que de leur mère ». Joeren, citoyen hollandais et papa épanoui, a décidé de se consacrer à ses filles tous les mercredis. Il affirme avoir gagné en confort et en qualité de vie.
Halte aux préjugés, sachez que l’économie des Pays-Bas est en pleine santé ! Le taux de chômage est au plus bas avec une proportion de 5,8 %. Malheureusement, le contrat à temps partiel souffre d’une mauvaise réputation dans l’hexagone. Un travailleur à moins de 35h peut être considéré comme un salarié moyennement investi et peu motivé.
Selon les entreprises, cette situation professionnelle est difficilement compatible avec une progression de carrière. Dernièrement, le temps partiel est jugé inintéressant car il implique la même quantité de travail qu’une personne employée à temps plein, tout en étant payé généralement 20 % de moins. Cette troisième justification est particulièrement intéressante « à creuser » puisqu’elle met en lumière un fléau assez méconnu des entreprises : le présentéisme.
La France est championne de la discipline du « présentéisme » au travail. La journaliste Lisa Beaujour en a fait une vidéo teintée d’humour. « 17h30, tu pars déjà ? C’est cool, tu as posé ta demi-journée ? » Vous avez raison de rentrer chez vous si votre travail est terminé, car le présentéisme coûte très cher aux entreprises.
De façon dialectique, deux mentalités s’opposent : en France, rester tard au travail est une façon de se faire « bien voir » par son patron. Dans les pays du Nord de l’Europe ou au Canada, c’est tout le contraire : rester tard signifie un manque d’efficacité puisque les tâches professionnelles n’ont pas été menées dans le cadre des horaires impartis.
Pourquoi une si grande disparité des avis ? Le phénomène du conformisme social y est sûrement pour quelque chose… Inconsciemment, nous nous adaptons à une norme de productivité. Bien évidemment, celle-ci n’est pas stipulée dans les clauses d’un contrat, mais elle se met en place tacitement en fonction de la dynamique générale ressentie au sein d’une équipe. Aussi incroyable que cela puisse paraître, le coût du présentéisme est plus élevé que celui de l’absentéisme. Ce coût caché pour les entreprises s’élèverait ainsi entre 14 et 25 milliards d’euros par an d’après Matthieu Poirot, fondateur du cabinet Midori Consulting.
Des horaires à rallonge provoquent un état d’épuisement, autant sur le plan physique, que sur le plan émotionnel. Le moral des « troupes » en pâtit. « Le salarié est tenté de tirer sur la corde jusqu’au jour où il finira par craquer. Il suffit de constater la multiplication des cas de burn-out depuis ces dernières années » explique Denis Monesse, sociologue et chercheur à l’IE Business School.
Bien souvent, on culpabilise les gens qui s’autorisent du temps en les sermonnant :
« Durant ce temps perdu, tu aurais pu faire autre chose, quelque chose de plus utile et qui aurait plus de valeur ».
Mais qui décide de la valeur de ce temps ? « Le plaisir n’a pas de prix précisément parce-qu’il a une valeur. Ce n’est pas gagner du temps qui est important, c’est gagner un peu de soi. Et gagner un peu de soi, ça prend du temps. » Thierry Paquot