Début Juillet, l’Observatoire National de la Biodiversité (ONB) a publié pour la première fois une carte de France montrant les différentes menaces qui pèsent sur la nature dans tout le pays. En métropole et outre-mer, le cumul des différentes pressions dues aux activités humaines accroît de façon alarmante l’érosion de la biodiversité.
Pour effectuer son bilan 2019, l’ONB s’est appuyé sur le rapport biodiversité historique de l’IPBES qui décrit un « dangereux déclin de la nature », avec un taux actuel d’extinction des espèces « sans précédent » qui s’accélère. Les auteurs du rapport avaient notamment classé les cinq pressions humaines qui affectent la nature et ont les plus forts impacts à l’échelle mondiale. A savoir : (1) les changements d’usage des terres et de la mer ; (2) la surexploitation des ressources ; (3) le changement climatique ; (4) les espèces exotiques envahissantes et (5) la pollution.
Les « changements d’usage des terres et de la mer » correspond à l’artificialisation des territoires, soit la conversion de terres agricoles, naturelles ou forestières pour l’urbanisation ou le développement des infrastructures. Cette artificialisation est la cause majeure de la destruction et de la fragmentation des écosystèmes.
En France, le phénomène est tel que l’artificialisation croît trois fois plus rapidement que la population, avec un rythme de + 1,4 % en moyenne par an entre 2006 et 2015 !
L’artificialisation augmente plus vite que la hausse démographique pour plusieurs raisons. Tout d’abord, les communes favorisent le développement d’infrastructures sur leur territoire dans le but d’y attirer une plus grande activité économique, au détriment de la préservation des écosystèmes. Les ménages français, eux, souhaitent vivre en périphérie des grands centres urbains pour être plus proche de la nature… tout en étant alors en partie responsables de sa destruction.
Cet étalement entraîne un « mitage » des territoires, c’est à dire « l’éparpillement diffus d’habitats et de constructions sur un territoire initialement rural ». Pourtant, cette expansion se fait alors que le bâti existant est sous-exploité avec de nombreux logements et bureaux vides. Les résidences secondaires occupées de manière intermittente représentaient ainsi 9,5 % des logements en 2015.
Cette colonisation de l’espace effectuée sans utiliser pleinement le potentiel du bâti existant illustre comment une politique d’aménagement basée sur un développement sans limites dépasse de très loin les besoins réels des populations.
Entre 2006 et 2015, la France métropolitaine a ainsi perdu plus d’un demi-million d’hectares de terres agricoles et d’espaces naturels, principalement sous la forme de surfaces goudronnées (48 % des surfaces artificialisées), pelouses et bâtiments, soit l’équivalent d’un département comme la Seine-et-Marne perdu pour l’agriculture et les écosystèmes.
Aujourd’hui, il est estimé que seulement 52,7 % du territoire métropolitain français reste peu anthropisé. Cette colonisation des territoires par l’humain au détriment des autres espèces, animales ou végétales, entraîne les autres pressions cartographiées par l’ONB : la surexploitation des ressources, le changement climatique, l’introduction d’espèces exotiques envahissantes (149 sur le territoire français) et les pollutions déversées ou répandues dans les milieux naturels, qu’il s’agisse de polluants chimiques ou de pollutions lumineuses et sonores.
Le cumul de toutes ces activités humaines entraîne l’extinction sans précédent que souligne le rapport de l’IPBES.
Face aux menaces qui pèsent sur la biodiversité, « C’est toute la hiérarchie des priorités de nos sociétés, de nos choix individuels et collectifs, qu’il est nécessaire de revoir pour que la biodiversité puisse être conservée, restaurée et nous fournir de manière durable les services et les ressources dont nous dépendons pour notre survie, depuis nos origines. », souligne le rapport de l’ONB.
Ce 23 juillet 2019, France Stratégie, un organisme sous la tutelle du Premier ministre, a ainsi publié un rapport tendant vers un objectif de « zéro artificialisation nette », l’une des ambitions fixé par le plan biodiversité du gouvernement en juillet 2018. Et il y a urgence, si rien n’est fait pour stopper la tendance actuelle, en 2030, « 280.000 hectares supplémentaires auront été artificialisés », analyse France stratégie.
« Au-delà même des possibles effets d’irréversibilité liés à la pollution des sols, renaturer des terres artificialisées est un processus complexe et coûteux. Il suppose de déconstruire, de dépolluer, de désimperméabiliser puis de (re)construire des « technosols », les trois dernières étapes du processus pouvant coûter à elles seules jusqu’à 400 euros par mètre carré. Il est donc urgent de freiner l’artificialisation. » avertit France Stratégie
Pour atteindre le « zéro artificialisation nette » dès 2030, il faudrait réduire de 70 % l’artificialisation brute et renaturer 5 500 hectares de terres artificialisées par an !
Pourtant, neuf grands projets sont en voie de bétonisation en France métropolitaine. Parmi eux, Open Sky à Pacé et le très controversé projet d’EuropaCity dont le dernier rebondissement judiciaire donne raison aux promoteurs qui veulent bétonner 300ha d’excellentes terres agricoles pour y construire un demi-millier de boutiques, quatre hôtels, une piste de ski, une salle de spectacle, des cinémas, un centre aquatique et un palais des congrès.
Face à l’artificialisation de leur territoire, la société civile s’implique de plus en plus dans des mouvements de résistance, à l’image des activistes qui ont bloqué hier les canalisations de la future gare d’EuropaCity. Pour l’instant, le gouvernement ne s’est pas prononcé sur les moyens qu’il va effectivement mettre en œuvre pour atteindre cet objectif de « zéro artificialisation ».