Depuis la mise en place du confinement, les interventions des forces de l’ordre suite à des signalements de violences conjugales ont augmenté de 32% en zone de gendarmerie et de 36% à Paris en une seule semaine. Face à cette situation dangereuse, les associations de lutte contre les violences conjugales demandent la mise en place d’un plan d’urgence pour protéger les adultes et les enfants qui en sont victimes.
Des inquiétudes avérées
Les associations avaient prévenu les autorités dès les annonces des mesures de confinement : une telle situation risquait d’aggraver la pression psychologique sur des personnes à tendance violente, et augmenter les drames dans les foyers, particulièrement pour les femmes et les enfants qui sont le plus touchés par ces violences.
« Lorsqu’une femme se retrouve confinée avec un conjoint violent, elle se retrouve prise dans l’étau d’une domination toujours plus forte et d’un contrôle exacerbé sur sa vie. Car non, le foyer n’est pas pour tout le monde l’endroit du confort ou du réconfort. Le foyer, déjà évité par les femmes victimes de violences conjugales en temps normal, devient une prison en période de confinement. Cette situation est grave. Nous demandons une action forte et rapide de la part du gouvernement. » avait ainsi averti le collectif Collage Féminicides dans un communiqué de presse
Malheureusement, la suite des événements leur a donné raison. Le 20 mars, à Bouglon (Lot-et-Garonne), Elvise, 79 ans, a été tuée par son mari suite à une dispute de voisinage. Lundi soir, c’est un homme de 40 ans qui a tué sa compagne, avec laquelle il était en train de se séparer. Il aurait porté plusieurs coups de couteau à sa femme puis l’aurait abattu de plusieurs coups de feu avant de retourner l’arme contre lui et se donner la mort. Les faits se sont produits en présence des deux enfants du couple, âgés de 10 et 13 ans. Ce sont eux qui ont prévenu les voisins.
Une explosion du nombre d’alertes, malgré la difficulté à s’isoler d’un foyer violent
A la gendarmerie ou auprès des associations de lutte contre les violences faites aux femmes, les appels au secours ont ainsi explosé depuis le début du confinement, malgré la difficulté pour certaines victimes à s’isoler pour joindre de l’aide. A tel point que certains services se retrouvent débordés, comme l’association « Les roses de l’espoir » qui décrit une situation alarmante.
« Les suivis sont beaucoup plus difficiles à réaliser, les suivis psychologiques également parce que toutes les psychologues ne font pas de télémédecine et ça c’est vraiment préjudiciable pour toutes ces victimes là. Certaines vont très très mal, elles me parlent d’envie de suicide. La situation est plus que dramatique. » décrit ainsi Alison Pertué, la présidente de l’association, pour France3Régions
Jeudi soir, Christophe Castaner a annoncé mettre en place un système d’alerte pour les femmes victimes de violences de la part de leur conjoint dans les pharmacies. Dans l’hypothèse où son mari serait avec elle, le ministre a évoqué la possibilité que celle-ci utilise un « code ». Le collectif NousToutes, de son côté, dénonce la réduction des plages horaires du numéro d’écoute national : le 3919.
La mise en place d’un plan d’urgence pour aider les victimes
Face à la situation, le collectif NousToutes a lancé une pétition pour demander le lancement d’un plan d’urgence qui empêcherait de faire d’autres victimes, de la même façon que l’Espagne l’a fait. Pour le collectif, il n’est pas question de compter sur la seule bonne volonté des collectivités, comme la Ville de Grenoble qui s’est lancée à la recherche de logements vides et gratuits pour les personnes en danger.
Une campagne d’information et de prévention nationale sur les violences au sein du couple en situation de confinement doit être lancée en urgence.
« Nous demandons :
1. L’envoi d’une consigne immédiate à tous les services de police (17, commissariats, gendarmeries) et aux services d’urgences pour leur rappeler les règles en matière de prise en charge des victimes de violences. Si des enfants sont en danger, le procureur doit être prévenu immédiatement.
2. La mise en place d’un service d’alerte ouvert 24h sur 24h par messagerie instantanée avec la fonction de géolocalisation par les forces de l’ordre.
3. L’envoi d’une circulaire à tous les juges aux affaires familiales pour leur demander d’être réactif sur la délivrance des ordonnances de protections.
4. La mise en place au niveau national d’une assistance psychologique, juridique et sociale aux victimes de façon non présentielle. »
Dans la pétition, il est également rappelé que chacun.e doit rester attentif aux signes de violences conjugales dans son voisinage, et ne pas hésiter à alerter les autorités à la moindre suspicion. Il y a ici un annuaire de tous les centres d’hébergement d’urgence et d’association qui existent pour aider les victimes de violences conjugales. Pour les citadins, les colleuses invitent tout le monde à coller des messages d’alertes aux fenêtres et à épingler des affiches dans les entrées d’immeubles.
Depuis le début de l’année 2020, l’AFP a décompté au moins douze féminicides. En 2019, il en avait recensé 126, soit une femme tous les trois jours. Faisons tou.te.s en sorte que 2020 voit ce chiffre tragique diminuer.
Crédit Photo : Collages Feminicides Paris