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En campagne, témoignages et actions se multiplient contre la tyrannie des chasseurs

La cohabitation entre chasseurs et habitants des zones rurales est très différente d’un endroit à l’autre de la France. Mais comme la situation dont a été victime Nathalia, certains petits groupes sans foi ni loi opèrent parfois une véritable tyrannie au sein de la population pour exercer leur loisir sans aucune contrainte.

Elle avait réussi à construire un eden, son rêve a viré au cauchemar lorsque des chasseurs ont commencé à l’agresser régulièrement. Obligée de fuir sa propriété après l’intrusion d’un homme armé chez elle, Nathalia se bat aujourd’hui pour en finir avec l’impunité de certains chasseurs et briser l’omerta qui règne en milieu rural. Loin d’être un cas isolé, l’Association pour la protection des animaux sauvages a décidé de recueillir les témoignages de ruraux qui subissent des violences de la part de groupes de chasseurs. Avec une demande précise : réformer le monde de la chasse pour une ruralité apaisée.

Un refuge pour la biodiversité, brisé par les chasseurs

A force de persévérance, Nathalia Covillault avait réussi à créer son petit coin de paradis en toute légalité à Forcalqueiret, son village d’origine : des chevaux, des poules, des chiens et de nombreux animaux sauvages voguant librement autour de sa caravane sur un terrain non constructible de 2000m2. Un havre de vie qui a été bouleversé par l’intrusion régulière de chasseurs, attirés par les grives et d’autres habitants comme les sangliers et les renards.

Les coups de feu réguliers traumatisent les chevaux, qui s’enfuient souvent paniqués dans les alentours. Nathalia décide alors de classer son terrain comme refuge LPO et refuge ASPAS pour y interdire la chasse et protéger les nombreux animaux qui vivent avec elle tels que les chauve-souris, les hérissons ou les hérons. Elle dispose de nombreux panneaux autour de sa propriété pour y signaler l’interdiction de chasser, en vain.

Terrain de Nathalia
Un des panneaux placés par Nathalia autour de sa propriété

« Pendant 5 ans, je me suis rapprochée des garde-chasses de ma commune pour leur faire des signalements sur les abus de certains chasseurs. Un jour, j’étais seule et c’était la guerre autour de chez moi, alors j’ai rappelé le garde-chasse qui m’a dit de filmer et de là, il y a eu cette altercation où tout a dégénéré. » raconte Nathalia avec émotion, pour La Relève et La Peste

Dans la vidéo, on sent toute la détresse dans la voix de cette amoureuse des animaux lorsqu’elle fait face aux insultes, aux coups et aux menaces des chasseurs. Le lendemain, elle dépose plainte avec l’appui d’un des trois garde-chasses qui s’était déplacé. Hélas, cet épisode marque le début d’une longue descente aux enfers.

Trois semaines plus tard, le compagnon de Nathalia, William, est pris à parti dans une bagarre avec l’un des chasseurs et le père de ce dernier. William finit en garde-à-vue. Lorsqu’elle demande des nouvelles de son compagnon, Nathalia précise alors qu’elle craint des représailles de la famille de chasseurs, en vain. Deux jours après, le père du jeune chasseur s’introduit en pleine nuit et armé d’un pistolet dans la propriété de Nathalia.

« Parce qu’on avait entendu du bruit dehors, mon compagnon a surpris ce monsieur caché dans un buisson. Quand j’ai ouvert la porte, j’ai vu mon copain qui courait et le chasseur qui le poursuivait en le visant. On s’est barricadés en attendant les secours. Aujourd’hui, je ne connais pas quelles étaient ses intentions réelles, qu’est-ce qu’il aurait tenté si j’avais été seule ? Si on ne l’avait pas surpris ? A l’approche du procès, j’aimerais connaître ses réponses. » explique Nathalia par téléphone à La Relève et La Peste

En état de choc, Nathalia et William sont pris en charge d’abord par des voisins amis. Une plainte est déposée contre l’agresseur, mais le couple se retrouve obligé de fuir le village par peur de représailles supplémentaires. Aujourd’hui, Nathalia est refugiée chez des amis à une centaine de kilomètres de chez elle.

Les chevaux de Nathalia ont pu rester avec elle et les autres animaux ont trouvé différentes familles d’accueil

Un combat pour la justice

Après une tentative de suicide et un mois d’hospitalisation, Nathalia se reconstruit peu à peu, avec le soutien de ses proches et de nombreuses personnes touchées par son histoire. Son jeune couple avec William n’aura pas résisté à cet acharnement de violence qui a mis fin à tous leurs projets de vie sur le terrain.

Malgré le traumatisme émotionnel et psychique, et une situation familiale difficile, Nathalia a décidé de médiatiser son histoire pour mettre fin à l’omerta qui règne en milieu rural et ne plus se sentir seule face à un clan de chasseurs qui ne comprend pas son mode de vie.

« Je ne me considère pas comme une anti-chasse puisque j’ai été dans le passé fiancée 8 ans à un chasseur. Je suis capable de comprendre les gens sauf quand la violence est récurrente. Quand on dit non à la chasse sur son propre terrain, c’est non. Il y en a ras-le-bol de la clémence de la justice, nous avons besoin d’une punition exemplaire. Pas un jour ne se passe sans que je ne souhaite pouvoir retourner chez moi librement. Aujourd’hui, c’est mon combat. » témoigne courageusement Nathalia pour La Relève et La Peste

Grâce à un bel élan de solidarité, Nathalia a pu récolter, sur une cagnotte en ligne nommée « On aime la vie, pas les fusils », de quoi financer une plainte en justice. Le jeune chasseur qui l’a menacé sur la vidéo a été jugé vendredi 11 septembre, au tribunal de Draguignan. Il a présenté des excuses, et a simplement écopé d’un rappel à la loi ainsi qu’une amende de 135€.

« Cette décision est scandaleuse, les condamnations sont vraiment ridicules. Il faudrait enlever aux agresseurs le permis de chasse à vie pour qu’ils n’aient plus jamais le droit de porter une arme. Même dans le cas d’homicide involontaire, les condamnations sont dérisoires par rapport à celles rendues dans le cadre d’un accident de voiture. » s’indigne Madline Rubin, Directrice de l’Aspas, auprès de La Relève et La Peste

Pour la chasse, la mort d’autrui constitue un homicide involontaire passable d’être puni de trois ans d’emprisonnement et de 45000 euros d’amende. Pour un accident de voiture, cette peine peut aller jusqu’à dix ans d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende.

L’Aspas apporte un soutien moral et informatif à Nathalia dans son combat judiciaire. Face à la recrudescence des actes d’intimidations de la part des chasseurs dans le milieu rural, l’ASPAS a également décidé de récolter les témoignages de personnes se sentant mises en danger par les chasseurs avec la campagne #OSEZPARLER.

Briser l’omerta

La cohabitation entre chasseurs et habitants des zones rurales est très différente d’un endroit à l’autre de la France. Mais comme la situation dont a été victime Nathalia, certains petits groupes sans foi ni loi opèrent parfois une véritable tyrannie au sein de la population pour exercer leur loisir sans aucune contrainte.

Ainsi, dans la vidéo réalisée par l’ASPAS sur les dérives de ces chasseurs sans scrupules, on peut voir un homme recevoir une gifle alors qu’ils demandaient aux chasseurs de ne pas venir sur sa propriété classée refuge ASPAS. Il a confié avoir été mis en joue par l’un des chasseurs qui lui a collé le bout du fusil contre le torse juste avant, et l’a baissé quand la vidéo a été lancée.

« Nous avons lancé cet appel à témoignages pour rétablir les faits. Non, il n’y a pas une opposition entre chasseurs et écolo des villes. La ruralité ne veut pas dire la chasse, et l’idée c’est de donner la parole aux trop nombreuses personnes qui subissent la chasse en milieu rural, là où ont lieu les accidents de chasse. Plus nous serons nombreux à parler, moins nous aurons peur des représailles. » explique Madline Rubin, directrice de l’ASPAS, pour La Relève et La Peste

Dans le Jura, Véronique a eu la désagréable surprise de découvrir un groupe de chasseurs à l’intérieur du pré où se trouvent ses 4 chevaux. Personne ne l’avait prévenue de l’organisation d’une chasse ce jour-là. Malgré les insultes et un dialogue impossible avec les chasseurs qui ne voulaient pas répondre à ses questions, Véronique ne s’est pas laissée intimidée et a décidé de rester au milieu du pré avec ses chevaux jusqu’à ce que les hommes partent.

Sur cette photo, on voit que l’un des chasseurs s’est volontairement placé à l’endroit où les chevaux accèdent au pré depuis leur coin d’ombre.

Dans les Alpes, une personne a raconté à La Relève et La Peste comment un petit groupe de chasseurs fait régner la terreur au sein de la population, jouissant de nombreux privilèges octroyés par la municipalité comme la location à bas prix d’un terrain communal avec un lac pour y mettre une cabane où ils se regroupent régulièrement.

« Ils chassent de début septembre à fin mars, les weekends, les jours fériés et les jeudis grâce à des dérogations préfectorales. Ils se permettent de faire des battues sans qu’elles soient affichées. Tout le monde est exaspéré de leur comportement mais personne n’ose dire quoi que ce soit de peur des représailles. J’ai déjà été mise en joue alors que je ramenais mon fils de l’école ! » a confié une source dont nous gardons l’anonymat à La Relève et La Peste

Tableau des dates de chasse créé par l’ASPAS

L’appel à témoignages de l’ASPAS intervient alors que la chasse vient de rouvrir en France. Selon les départements, les pratiques de chasse et le type d’espèces chassées, c’est parfois toute l’année que la population doit subir la chasse dans la forêt, créant parfois des accidents mortels.

A peine commencée, trois accidents de chasse ont déjà eu lieu ce dimanche 20 septembre dans les Landes. En tout, quatre personnes ont été atteintes par des coups de feu, dont trois chasseurs et un conducteur de 63 ans qui a reçu une balle perdue dans l’épaule alors qu’il conduisait sur l’autoroute ! En Corrèze, une balle de fusil afini sa course dans une maison, sans blesser personne heureusement.

« Cette situation ne peut plus durer. En plus des intimidations et des menaces, il y a des accidents et des homicides involontaires chaque année, ce n’est pas normal. Il faut des jours sans chasse pendant lesquels la population ne risque rien, mais surtout il faut réformer la chasse en imposant des visites médicales obligatoires, créer un délit pour punir la chasse en état d’ivresse et en finir avec les pièges non-sélectifs dangereux pour les promeneurs et leurs animaux de compagnie. » explique Madline Rubin, directrice de l’ASPAS, pour La Relève et La Peste

Nathalia entourée de ses chevaux

De nombreux écologistes, comme le naturaliste Pierre Rigaux qui a plusieurs fois été victime d’agression, la LPO ou l’ASPAS sont régulièrement l’objet de menaces de chasseurs irrités de les voir faire leur travail de protection de la nature dans « leur » territoire. Cette situation pose donc la question cruciale du partage des campagnes et de la coexistence entre différentes sensibilités et espèces animales.

A Compiègne, une pétition a ainsi été lancée par des habitants outrés de découvrir que certaines parcelles de la forêt ont carrément été fermées au grand public pour qu’une minorité de personnes y pratiquent la chasse à courre. Si cette pratique est décriée par une grande majorité de la population, Nathalia, elle, espère surtout que le jugement de l’intrus nocturne et armé qui aura lieu le 9 octobre permettra en finir avec l’impunité de certains chasseurs.

« J’ai eu énormément de soutiens, y compris de la part de gens qui chassent et ont trouvé la situation inadmissible. Malheureusement, les chasseurs qui ne tolèrent pas ce genre d’agressions ont beaucoup de difficultés à s’exprimer localement par peur des représailles. C’est une vraie mafia d’où je viens, et dans ces cas-là il faut que la justice cesse d’être clémente pour enfin libérer la parole et condamner ces actes. » conclut Nathalia pour La Relève et La Peste

Laurie Debove

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