Le 7 mars dernier, L214 dévoilait des images extrêmement difficiles d’un élevage porcin du Morbihan, où l’on découvre cadavres, cochons agonisants, blessés et malades, vivant des conditions insalubres. La viande issue de cette exploitation fournissait les magasins E.Leclerc. Après l’interpellation de l’enseigne par l’association, mais aussi de la Préfecture du département, l’élevage a été sanctionné par une fermeture administrative le vendredi 8 mars.
« L’élevage de l’horreur »
Les images sont terribles. C’est à l’intérieur de bâtiments en ruine, vétustes et insalubres, que l’association L214 dévoile l’horreur, dans deux sites d’une exploitation porcine appartenant au même éleveur breton, après le signalement d’un lanceur d’alerte anonyme.
« J’ai été estomaqué de voir le délabrement de la porcherie, des murs complètement défoncés, comme si un séisme était passé par là », commente ce dernier.
À l’intérieur, des cochons morts, dont certains sont même momifiés. D’autres blessés, malades, agonisent dans leur lisier. La vidéo montre aussi des truies, encagées aux côtés de leurs porcelets sans vie.
Cet élevage, réparti entre les communes de Malansac et Trédion, fournissait en viande l’enseigne E.Leclerc. Face à cette découverte, l’association L214 a immédiatement appelé sa direction à stopper son partenariat avec l’exploitation, mais a également demandé la fermeture administrative de l’élevage au plus vite.
La fermeture administrative prononcée
Interpellé par L214, le patron de l’enseigne, Édouard Leclerc, n’a pas tardé à condamner ces pratiques dans un communiqué.
« Aucune espèce d’excuse, même à caractère économique, ne peut les justifier. Il en va du respect dû aux animaux comme aux clients de ce producteur. »
L’abattoir Kermené, filiale de E.Leclerc, celui-là même approvisionné par l’élevage, affirme quant à lui ne plus travailler avec l’exploitant depuis plusieurs semaines déjà, « suite à une alerte des responsables de la protection animale de l’abattoir ».
En outre, l’association appelle également l’enseigne à respecter les critères du Pig Minimum Standards (PMS), qui interdit certaines pratiques – toujours légales – comme la coupe des queues, le meulage des dents, le claquage des porcelets ou les cages de gestation et de maternité pour les truies.
À ce titre, L1214 attend « un engagement du distributeur sur ses marques propres depuis juin 2023 ». L’association a également porté plainte pour « mauvais traitements et atteinte à l’environnement » auprès du procureur du tribunal judiciaire de Vannes.
De son côté, la Préfecture de Morbihan a quant à elle ordonné la fermeture administrative de l’élevage, le 8 mars dernier. Cependant, L124 révèle que le site de Malansac faisait l’objet de contrôles du service environnement de la DDPP depuis 2022.
« La préfecture a pris la décision qui s’imposait face aux images rendues publiques. […] À notre connaissance, il s’agit d’une suspension, nous ignorons si l’administration autorisera une reprise d’activité. Mais on regrette cependant qu’il faille en arriver à l’exposition publique d’une situation pour mettre en action des autorités », commente l’association pour La Relève et la Peste.
Un arrêté préfectoral de mise en demeure avait d’ailleurs été pris en juillet 2023 à l’encontre de l’exploitant. Les demandes de mise en conformité avaient toutefois été ignorées.
Des inspections trop peu nombreuses
Des informations qui soulèvent la problématique de la rareté des inspections au sein des élevages français, qui, même lorsqu’elles sont réalisées, « ne sont pas suivies d’effet : les mises en demeure éventuelles peinent à se traduire en mesures effectives et proportionnées », comme l’explique L214 à La Relève et la Peste.
Un constat amer, quand on sait que 80% des animaux abattus en France sont issus d’élevages intensifs et dont un grand nombre – bien qu’impossible à estimer -, sont « défaillants au regard de la loi », selon l’association, qui le vérifie régulièrement à travers ses enquêtes.
« La sélection génétique n’épargne aucune filière. L’immense majorité des animaux grandissent séparés de leur mère, et tous sont tués prématurément (35 jours pour les poulets, quelques mois pour les cochons ou les veaux) par méthode mécanique, électrique ou gazeuse, qui sont des méthodes douloureuses. Et beaucoup de filières autorisent des mutilations la plupart du temps pratiquées à vif : castration, écornage, épointage des becs… y compris parfois en bio », précise L214 pour La Relève et la Peste.
Une législation verrouillée
Aussi, les avancées législatives peinent à émerger au fil des années, « du fait d’une collusion peu dissimulée entre les principaux syndicats agricoles, tenants d’un modèle intensif, et le monde politique », continue L214.
Quelques mesures comme l’interdiction du broyage des poussins mâles, l’interdiction de la castration à vif des porcelets, ou l’instauration d’un repas végétarien par semaine dans la restauration scolaire, ne viennent pas contrebalancer le manque d’initiatives en faveur du bien-être animal de la part de l’État.
« On assiste plutôt à un recul pour la condition animale avec les mesures annoncées par le gouvernement, comme le rehaussement des seuils pour les projets d’élevage soumis à autorisation (de 40 000 poulets à 85 000), ou encore le raccourcissement à deux mois du délai pour déposer des recours contre ces installations (avant 2017, ce délai était d’un an ; en 2017, il avait déjà été abaissé à 4 mois) », déplore L214 pour La Relève et la Peste.
Toutefois, les avancées les plus significatives restent celles menées aux côtés des entreprises. Elles se montrent en effet « plus réactives à ces enjeux, lorsqu’elles y sont encouragées par des échanges avec L214 ou lorsqu’une campagne les interpelle publiquement ».
L’association a, depuis plusieurs années, entrepris de faire « disparaître certaines pratiques d’élevage les plus néfastes aux animaux en sollicitant directement les enseignes agroalimentaires : restaurants, grande distribution, fabricants et même producteurs », détaille-t-elle pour La Relève et la Peste.
Malgré cela, pour l’association, un tel « système peut changer si les acteurs politiques et agroalimentaires cessent d’entretenir un modèle alimentaire qui envoie chaque jour en France 3 millions d’animaux à l’abattoir », comme elle l’explique pour La Relève et la Peste. Il est pour elle nécessaire, aujourd’hui, de « mettre fin à l’hégémonie de la viande dans notre environnement alimentaire, rendre accessibles et désirables les alternatives, viser une véritable réduction du nombre d’animaux tués ».
Source : « L’élevage de l’horreur qui fournit E.Leclerc », L214, 07/03/24