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En 25 ans, « Terre & Humanisme » a formé des milliers de personnes à l’agroécologie pour une société plus humaine et résiliente

« On ne va pas seulement se demander comment mettre en place un jardin, mais également réfléchir à la gestion de l’eau, les infrastructures nécessaires, notre bien-être à y travailler, la relation aux autres, son maintien à long terme. On parle d’agro-écosystème pour valoriser le fait qu’on soit sur un système agronomique et écologique avec une vision systémique. »

Nichée dans les monts ardéchois, l'association Terre & Humanisme essaime sur 1,2 ha des pratiques agroécologiques vertueuses. D'un terrain aride et desséché, ses membres ont créé une véritable oasis de vie qui forme chaque année des centaines de personnes. Forte de ces réussites, l'association a décidé d'ouvrir une ferme dans le Gard afin de former plus de paysans, mais aussi tester des techniques agricoles différentes comme la litière forestière fermentée (LIFOFER).

Des jardins pédagogiques en Ardèche

Nous sommes partis à Terre & Humanisme où, assise à l’ombre d’un chêne, Léa Ostermann, chargée de communication, d’évènementiel et de pédagogie au sein de l’association depuis sept ans, Clément Doche, animateur, administrateur, formateur et ancien jardinier et Morgane Salzard, coordinatrice du pôle expertise et conseil formation de l’association depuis plus d’un an, nous content l’histoire de cette association qui plus qu’un projet agricole est celui du rêve d’une nouvelle société.

Terre & Humanisme a été créée par des proches de Pierre Rabbi en 1994. Leur intention était de faire fleurir une association capable de porter et de diffuser les idées de l’agroécologie ainsi que ses principes. A visée internationale, l’association a établi son camp de base en 1999 à Lablachère en Ardèche au Mas de Beaulieu.

« Le challenge était de taille car la terre était très mauvaise, peu fertile et très sèche. Ils voulaient s’installer en agroécologie afin de refertiliser les sols et recréer de la biodiversité ».

Terre & Humanisme s’étend sur 1,2 hectares dont 800m2 en zone cultivée. En s’y baladant, on y croise des espaces dédiés aux jardins-forêts ou encore aux plantes médicinales et aromatiques.  Dans le verger potager, on y trouve 250 espèces végétales cultivées et sauvages sur 200m2 et sur l’ensemble du site, plus de 500 variétés.

Cet endroit ne se revendique pas comme une ferme ou un lieu de vie. C’est un petit jardin familial dont le but est d’accueillir du grand public afin de le sensibiliser aux pratiques de l’agroécologie. Un lieu pédagogique et de transmission.

En effet, toute la production est consommée ou transformée par les personnes accueillies ou les salariés mais il n’y a pas de vente. Petit à petit, tout comme l’oiseau fait son nid, Terre & Humanisme a peaufiné sa réflexion sur la formation de nouveaux acteurs, semeurs de graines de pratiques agronomiques, qu’il s’agisse de sensibiliser le grand public, des reconversions, collectivités, entreprises, porteurs de projet ou paysans. L’association collecte aussi des fonds pour des partenaires à l’international et un bureau d’études fait de l’accompagnement et du conseil en agroécologie sous forme de prestations.

Un projet de société

Pour Terre & Humanisme, l’agroécologie se pense à l’échelle sociale dans le sens où ce n’est pas qu’une technique qui s’expérimente au jardin mais qui repense aussi le lien avec l’humain et le vivant. En effet, elle repose sur trois axes fondamentaux (économique, social et écologique), renforcés par les douze principes suivant :

« Sobriété énergétique, préservation de la biodiversité, des sols vivants pour nourrir des plantes saines, l’eau comme bien commun à préserver, l’arbre, l’animal complémentaire des plantes et des sols, la souveraineté alimentaire, des agricultures paysannes à taille humaine, un partage horizontal des compétences et des connaissances, des économies sociales et solidaires, des fermes viables et vivables, des filières justes et transparentes. »

Comme Morgane, nous l’explique :

« Nous prônons une vision systémique qui englobe à la fois ces douze principes mais aussi les relations qui les lient les uns aux autres. C’est un exercice permanent. Par exemple, on ne va pas seulement se demander comment mettre en place un jardin, mais également réfléchir à la gestion de l’eau, les infrastructures nécessaires, notre bien-être à y travailler, la relation aux autres, son maintien à long terme. On parle d’agro-écosystème pour valoriser le fait qu’on soit sur un système agronomique et écologique avec une vision systémique. »

A Terre & Humanisme, l’une des manières d’appliquer ces douze principes est de pratiquer la gouvernance partagée (mise en place en 2015). C’est l’idée d’une horizontalité dans l’équipe, sans postes de direction.

« Chez nous la gouvernance partagée s’incarne par des instances mixtes qui respectent une charte éthique et vont entre autres gérer les ressources humaines. On a un comité éthique qui inclut des administrateurs et des salariés. Ce comité a un regard sur la manière dont on demande des fonds, à quels financeurs l’on fait appel, etc. Le comité des risques, lui, sert à anticiper le plus tôt possible les risques ou les problèmes éventuels en terme médiatique, sécuritaire ou autres. »

C’est en se questionnant sur notre lien aux autres mais aussi dans notre manière d’être vivant que Terre & Humanisme s’enracine pour puiser sa force. L’un des principes de l’agroécologie vise à recréer une alchimie respectueuse entre les hommes et le vivant. C’est aussi lié à notre alimentation, à la politique agricole et donc aux paysans.

« Lorsque l’on échange avec un paysan, ça ne doit pas seulement être porteur de conseils sur comment pallier ou organiser l’eau mais comment s’intégrer à un territoire ainsi qu’aux consommateurs éventuels. Et ce, pour pallier au manque de formation du monde agricole »

Formation LIFOFER

Terre & Humanisme s’est interrogée sur le moyen d’accompagner ces paysans mais aussi ces nouveaux porteurs de projets dans de nouvelles pratiques plus durables et résilientes. Terre & Humanisme s’inscrit dans un triptyque regroupant les citoyens, les consommateurs et les agriculteurs. Clément nous explique les déclinaisons de leurs façons de transmettre.

« Nous avons formé plus de 500 animateurs en agroécologie en France et à l’international. Par la suite 22 structures ont été créées par ces derniers. Pour vous donner quelques autres chiffres, nous accompagnons 10 000 paysans et 160 organisations de producteurs dans leur transition agroécologique. Nous avons aussi formé plus de 250 paysans depuis quatre ans et environ 4000 stagiaires depuis quinze ans ! Nous avons un site dédié à tous les projets qui ont émergé suite à ces formations. »

Terre & Humanisme fait aussi partie de réseaux nationaux comme le collectif Nourrir qui travaille sur le changement de la politique agricole commune (PAC).

« Notre manière de peser dans la balance, c’est de toucher du grand public. Potentiellement les agriculteurs, les consommateurs et les territoires. Faire tache d’huile. On est sur trois échelles : locale, ici en Ardèche ; nationale car on est connu partout en France et internationale parce qu’on accompagne des projets en Afrique et dans d’autres pays où l’on est directement en lien avec des paysans. Nous voulons à présent étoffer notre réseau de paysans en France avec notre projet la Noria dont on a fait l’inauguration le 13 Mai dernier. »

La ferme-pilote “La Noria”

“La Noria” est le tout nouveau-né porté par Terre & Humanisme : une ferme située à Besège dans le nord du Gard,à 32km du siège social de l’association. Actuellement, un maraîcher y cultive sur 5000m2 avec un autre ouvrier agricole et s’occupe de la production de pommes qu’il y avait initialement. En parallèle, Terre & Humanisme construit le projet avec des acteurs locaux comme les CIVAM et les ADEAR pour faire partie d’une démarche de territoire.

Les objectifs de la Noria sont multiples : d’une part, elle a pour vocation d’être une ferme productive maraîchère en agroécologie en utilisant différentes techniques. Et d’autre part, elle se veut un lieu qui permette la transmission de ces savoirs aux porteurs de projets mais aussi d’expérimentation en mettant en place des essais autour de méthodes nouvelles comme la litière forestière fermentée (LIFOFER).

Enfin, ce sera un lieu de partage et d’échange où les gens pourront se retrouver autour de sujets comme l’alimentation ou l’agriculture afin de porter et fédérer des idées localement.

« In fine, l’équipe aimerait intégrer le projet dans un système de sécurité sociale alimentaire. C’est-à-dire l’accès à une nourriture saine aux personnes en précarité. Soit c’est porté par la collectivité qui finance une partie du coût du produit, soit ce sont les paysans qui mettent en place des coûts différenciés. 

L’idée ultime de la SSA telle qu’elle a été pensée par les précurseurs ISF agriSTA, c’est que ce soit comme une carte vitale, sauf que c’est une carte vitale alimentaire qui donne à chacun une enveloppe avec laquelle on peut acheter de la nourriture dans des lieux dédiés avec certains critères écologiques et sociaux. »

Terre & Humanisme offre une vision globale d’un changement en profondeur de notre société. Pour eux, il s’agit de faire effet vitrine en montrant par le faire que l’agroécologie marche et qu’elle est l’une des solutions directes aux problèmes que nous avons créés. Terre & Humanisme a constaté que dans cette sphère, il manque des espaces de relais. C’est pourquoi la Noria est là, pour créer des lieux regroupant des gens qui ne se rencontreraient pas forcément dans d’autres contextes.

Clément, nous confie : « J’y crois encore mais peut-être de plus en plus localement et territorialement que nationalement ou internationalement. Cela va avancer avec les territoires et les politiques suivront.  Il n’y a rien qui change vraiment très fort de ce côté mais cela dit ils commencent un peu à financer des tiers-lieux, des projets agroforestiers. Plus il y aura d’exemples, plus ça donnera du sens et plus il y en a qui suivront. »

La prise de conscience de l’urgence de changer notre rapport au vivant est maintenant globalisée. Ce qu’il manque, ce sont les moyens de passer à l’acte, notre capacité à agir. Terre & Humanisme contribue à petite échelle sur une solution pour faire son jardin en respectant la biodiversité qui nous environne en cultivant une ferme d’une manière agroécologique mais aussi comment recréer du lien avec la nature.

A Terre & Humanisme, on utilise le terme d’agroécologie paysanne. L’idée étant de revaloriser des savoirs ancestraux. Sans les nommer, les principes de l’agroécologie sont déjà utilisés par plein de paysans partout dans le monde et en France aussi. En effet, 80 % des paysans dans le monde utilisent des semences paysannes, et produisent plus de 70 % de l’alimentation disponible sans les béquilles chimiques de l’agriculture industrielle mais c’est aussi 29 % des exploitations agricoles qui mettent en œuvre des pratiques de production agricole durable dans le monde entier.

Être dans un projet à taille humaine sans trop de technologie. Le lien au vivant n’est pas techniciste. Et comme Léa nous le dit sur le ton de l’humour : « J’ai envie de dire longue vie à Terre & Humanisme mais en fait non car si on est encore là dans 30 ans, c’est que ça n’aura pas fonctionné ! Il faut que l’on soient tous prêts à perdre notre travail un jour car cela aura marché !»

Liza Tourman

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