Le 29 octobre, en Allemagne, après une manifestation dans la salle d’exposition de voitures de luxe de BMW, 16 membres de Scientist Rebellion ont été emprisonnés lors d’un acte de désobéissance civile à Munich, pour s’être collés la main à une voiture de sport en exposition. Le juge a estimé qu’ils devaient rester en détention pendant près d’une semaine. Scientist Rebellion a transmis les messages qu’ils souhaitaient faire passer au public, dans le cas de leur arrestation.
Doctorante en histoire et arts, Marta s’exprime à la caméra : « J’ai participé à des actions de désobéissance civile non-violente avec Scientist Rebellion en Allemagne, car le public doit savoir ce que dit la science, mais qui n’est pas encore ouvertement admis. Selon toute probabilité, nous allons aller au-delà du seuil de sécurité d’1,5 degrés dans cette décennie. Nous sommes au bord d’un effondrement écologique avec des conséquences catastrophiques pour la vie sur terre. Nous ne pouvons pas continuer nos vies comme si de rien n’était. Nous avons l’obligation morale de nous rebeller. Rejoignez-nous. Rejoignez la rébellion. »
Agisilaos Koulouris, spécialiste en physiologie humaine et en chimie, explique : « En toute honnêteté, je me sens assez effrayé, anxieux, et j’ai une boule au ventre au moment où je vous parle. Mais je me sens encore plus effrayé à propos de notre futur, et même de notre présent. Je suis passé par des catastrophes climatiques en Grèce. Je me suis retrouvé dans des situations où les gens autour de moi mourraient à cause de conditions météorologiques extrêmes. Certains des endroits où j’ai grandi n’existent désormais plus tels que je les ai connus, à cause d’incendies et d’inondations démesurées. Et j’ai également très peur à propos des situations que les gens traversent déjà autour de nous, sur cette planète. Mais en même temps, je ressens beaucoup d’amour. Je fais ça par amour. Pour la vie sur cette terre, pour les gens qui m’entourent, pour ceux qui se battent à nos côtés, pour les opportunités dont nous pouvons tirer parti et le monde que nous pouvons ainsi créer (…) Nous devons agir maintenant, parce que nous n’avons pas d’autre solution (…) »
Scientifique en biotechnologies végétales, Lorenzo Masini s’exprime également : « Je suis un scientifique, mais je suis également une personne ordinaire (…) Je ressens l’obligation morale d’agir comme je l’ai fait, parce que je pense que cela fait partie de mon travail. J’étudie la vie, et j’aime la nature, j’aime la vie. Je me sens très privilégié d’avoir eu l’opportunité d’étudier et d’être dans une situation où je peux participer à des actions de désobéissance civile, car je pense qu’il s’agit d’une des meilleures tactiques pour atteindre nos objectifs. Cette vidéo est donc également une invitation à quiconque de prendre position, et fermement, face à l’urgence à laquelle nous devons tous faire face. Je vous invite tous à agir avec vos corps et vos idées, à l’unisson, car il s’agit là de notre planète et de nos vies. »
Face à cette détention provisoire, la communauté scientifique a également réagi. Les climatologues Jean Jouzel, Christophe Cassou, l’économiste Thomas Piketty et les philosophes Dominique Bourg et Dominique Méda ont témoigné leur soutien dans une tribune publiée par FranceInfo et signée par 1200 scientifiques. Les signataires sont clairs sur les raisons de ce soutien :
« Émettre pour la gloriole un surcroît de carbone et le promouvoir sur un salon constituent une participation active et inutile (il existe d’autres moyens de transport) à la destruction du climat. »
Ils estiment également : « Les scientifiques qui ont participé à ce type d’actions ne sont pas des extrémistes (…) Si certains d’entre eux ont, en outre, décidé d’agir de manière plus démonstrative, c’est parce qu’ils sont désespérés d’être entendus. »
S’il est impossible pour tous les scientifiques et universitaires de se retrouver au même endroit pour une manifestation, leur consternation face à l’indifférence générale est majoritaire au sein de la communauté, et comme la tribune le souligne :
« Cette majorité pourrait bien d’un jour à l’autre rejoindre le camp de celles et ceux qui protestent de manière de plus en plus disruptive. Ne nous trompons pas de coupables. Le problème n’est pas la protestation, mais l’inaction générale, le désespoir de la jeunesse mondiale dont 3 sur 4 se disent « effrayés » par leur avenir. »
Après plusieurs jours de détention, les scientifiques sont passés devant la justice allemande pour répondre de leurs actes. Certains ont été libérés plus tôt que d’autres, tous risquent une amende : BMW a porté plainte et réclamerait jusqu’à 1 million d’euros pour les dommages causés, « une somme astronomique », estiment les scientifiques.