Cela n’était pas arrivé depuis 300 ans en ce lieu : deux lynx boréals, ou lynx communs, sont nés dans le massif des Vosges au printemps. Le lynx boréal avait complètement disparu des moyennes montagnes du Nord-Est de la France. Originaire de Suisse, la mère porteuse avait été relâchée en Allemagne un an plus tôt.
En 2020, deux lynx ont été réintroduits dans la forêt palatine, en Allemagne, dans le cadre du programme européen de réintroduction LIFE, porté par la fondation Nature et Environnement de Rhénanie-Palatinat qui a ainsi relâché 20 lynx entre 2016 et 2020.
Il s’agit ici d’une femelle qui a pu être suivie par les équipes franco-allemandes par l’usage d’un collier émetteur. Dénommée Lycka et âgée de 10 ans, elle traverse la frontière en mars pour rejoindre les Vosges du Nord.
Selon l’Office français de la biodiversité (OFB), début Juin 2021, le nouveau cantonnement dans un territoire restreint de la femelle évoquait les indices d’une mise-bas.
Sa portée a, peu de temps après, été localisée par les inspecteurs de l’environnement. Deux nouveau-nés ont été aperçus, tous deux bien portants et âgés d’environ trois semaines, à l’entrée de leur refuge.
Aux côtés d’autres prédateurs, le lynx boréal avait disparu d’Europe occidentale au XIXème siècle, à cause de la déforestation et ainsi de la raréfaction du gibier, notamment du chevreuil.
De 1983 à 1993, il a de nouveau été introduit dans les Vosges, mais malheureusement, l’espèce n’a pas réussi à établir un effectif suffisant et sa population était en diminution, avec très peu d’individus restants sur le territoire : la plupart sont morts de maladie ou ont été éradiqués par des braconniers.
Au cours de l’année 2020, trois individus ont été mis à mort illégalement en France. Seulement environ 150 individus vivent dans le pays actuellement, la plupart dans le Jura. Sa protection est essentielle afin de laisser la possibilité à l’espèce de se développer.
Actuellement, une petite dizaine d’individus sont recensés sur l’ensemble du massif des Vosges, dont Lycka est la seule femelle connue. Il y a donc quelques espérances en ce qui concerne le sexe des petits de la part des défenseurs des animaux.
La réputation du lynx comme prédateur sans pitié a souvent été une exagération et une justification pour permettre son éradication. C’est un animal plutôt calme et discret qui n’attaque pas spontanément l’homme, et son impact sur le bétail, même si existant, reste limité et localisé, comme le démontre une étude sur la place du Lynx dans les Vosges réalisée par l’association de protection animale FERUS.
Les prédateurs jouent un rôle important dans la régulation du nombre de proies qui consomment davantage de végétaux et qui, en nombre trop élevé, causent des dégâts sur les forêts ; ils sont donc indispensables pour maintenir l’équilibre des écosystèmes.
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Selon le directeur de FERUS, Jean-Claude Odille, aux côtés du loup, le lynx chasse les bêtes malades et est à ce sens très utile pour la biodiversité. Le massif des Vosges est également bien adapté au lynx car il présente une abondance de proies.
Bien qu’il ait pu coloniser de lui-même le Jura, les dégradations écologiques entravent la traversée des lynx d’un massif forestier à l’autre, les programmes de réintroduction qui lui sont dédiés sont donc importants.
D’après Stéphane Giraud, directeur de l’association Alsace Nature, l’Etat aurait également cédé trop facilement face aux chasseurs pour qu’une réintroduction française soit correctement mise en place. Afin de lutter contre le braconnage et protéger cette opportunité, la zone habitée par la femelle et ses petits ne sera pas révélée.
Il s’agit ici cependant d’une première vraie note d’espoir pour le programme de réintroduction en ce qui concerne le lynx boréal dans les Vosges, fruit d’un long travail collectif entre différents naturalistes et partenaires persévérants.
Crédit photo couv : La portée de Lycka par Vivien Siat – OFB