Porté de longue date par le Département, le projet de liaison routière entre la RD30 et la RD190 suscite l'indignation des associations de préservation de l'environnement et des riverains. Tous s'alarment des conséquences environnementales désastreuses provoquées par un projet routier qu'ils jugent inutiles.
Sur les réseaux sociaux, nombreux sont ceux à avoir vu circulé dernièrement les images d’hommes et de femmes atterrés après qu’un tilleul de 150 ans a été abattu le 24 octobre dans le jardin partagé de l’île de la Dérivation, à Carrières-sous-Poissy, dans les Yvelines.
Essentiellement fréquenté par des locaux et largement méconnu du grand public, ce jardin partagé, également appelé “Utop’île”, constitue pourtant un lieu stratégique pour le Département des Yvelines, puisque c’est là qu’il prévoit d’installer l’un des pylônes permettant de soutenir le futur pont d’Achères.
D’une longueur de près de 800 mètres, ce nouveau pont devrait ensuite permettre de relier la RD30 à la RD190, un projet de liaison routière porté par le Département depuis plus d’une quarantaine d’années.
Et pour cause : présenté comme faisant “partie des opérations structurantes majeures pour le département des Yvelines”, ce projet de 2×2 voies entre les communes d’Achères et de Triel-sur-Seine, et estimé à 200 millions d’euros, entend répondre aux “problèmes quotidiens de congestion” du réseau routier, avance le Département.
Grâce à la construction du pont d’Achères, mais aussi à l’aménagement de six kilomètres de voirie, l’objectif est autant de réussir à désengorger le centre-ville de la commune de Poissy que de désenclaver la boucle de Chanteloup “en vue de faciliter son développement”, continue le Département, qui a donc lancé les travaux préparatoires sur l’île de la Dérivation, suite à la publication en juillet dernier d’un arrêté préfectoral d’autorisation environnementale permettant le début des travaux.
“Ils se sont attaqués au tilleul, c’était un vrai carnage”
Une première opération dite de “défrichement” qui a laissé sans voix les membres de l’association Non au Pont d’Achères, opposée de longue date au projet de liaison routière entre la RD30 et la RD190.
Habitant de Carrières-sous-Poissy et président de l’association, Denis Millet peine à trouver ses mots en ce début de novembre, visiblement encore sous le choc :
“Le 24 octobre, on a vu débarquer sans prévenir la société de déboisement, entourée d’une vingtaine de policiers, entame-t-il. Ils se sont attaqués au tilleul et à des dizaines d’arbres autour, c’était un vrai carnage.”
Et de renchérir : “J’ai essayé d’expliquer aux forces de l’ordre que l’opération était illégale, mais ils n’ont rien voulu écouter.”
Lui fait valoir le fait que malgré l’autorisation préfectorale pour débuter les travaux, aucun affichage n’indiquait que les travaux allaient commencer. Une critique que le Département bat en brèche, rétorquant auprès d’Actu.fr que “pour les travaux de voirie, aucun affichage n’est nécessaire”.
Autre point de friction avec le Département, Denis Millet tient également à rappeler qu’il bénéficie d’une convention d’occupation délivrée par les Voies navigables de France (VNF) sur l’île de la Dérivation.
“Le Département m’a écrit un mail en me disant qu’ils auraient exproprié VNF, mais ma convention a été renouvelée. Je les vois mal me renouveler alors que j’aurais été exproprié”, continue-t-il.
Une lutte globale contre des projets routiers destructeurs
Abasourdi par le lancement des travaux sur l’île de la Dérivation, Denis Millet n’en perd pas pour autant son objectif de vue :
“On se bat contre le pont d’Achères et les dommages irréversibles que sa construction provoquerait à Carrières-sous-Poissy, mais on lutte de façon globale contre la liaison RD30-RD190, qui va permettre de relier l’A10 à la A15, soutient-il. De nombreuses autres communes des Yvelines sont concernées par ce projet désastreux, qui date d’un autre temps.”
Forte d’environ 150 adhérents, l’association Non au Pont d’Achères n’a eu de cesse, depuis sa création, d’alerter sur les conséquences induites par le projet de 2×2 voies porté par le Département, d’ailleurs requalifié d’“A104 bis” par les militants.
Parmi les problèmes majeurs, tous soulignent les nuisances sonores et atmosphériques causées par les 44 700 véhicules qui, à terme, y circuleront quotidiennement. Sans compter l’artificialisation des sols, avec “30 hectares d’espaces naturels menacés, continue Denis Millet, et 45 espèces protégées impactées, alors que l’arrêté concernant les espèces protégées ne portent que sur 30 d’entre elles.”
Et de rajouter : “Ils nous font croire que ce projet est d’utilité publique alors qu’il va impacter très lourdement la santé des habitants, la biodiversité, les espèces présentes sur place.”
Des revendications qui ne vont pas sans entrer en résonance avec celles portées par la coalition La Déroute des routes, qui lutte contre des projets routiers destructeurs à travers la France et dont l’association Non au Pont d’Achères est membre.
“Que ce soit dans les Yvelines ou ailleurs, les arguments utilisés par les porteurs de projet sont toujours les mêmes, rembobine Anna, l’une des porte-paroles de la coalition. Les routes sont présentées comme permettant de désenclaver et de fluidifier le trafic, mais c’est un mensonge. La construction de nouvelles routes, par exemple, n’a jamais empêché les embouteillages, puisqu’on sait que toute infrastructure nouvelle est saturée entre trois et dix ans après sa construction.”
Une manifestation prévue le 12 novembre
Alors que, de Rouen à Toulouse en passant par le Val-d’Oise, la mobilisation contre des projets routiers ne cesse de croître, dans les Yvelines, les membres de Non au Pont d’Achères se refusent à baisser les bras, soutenus, entre autres, par la sénatrice EELV Ghislaine Senée et le maire de Carrières-sous-Poissy, Eddie Aït, qui a récemment demandé des explications au vice-président du conseil départemental chargé des transport, Richard Delepierre.
Aux côtés de l’association Copra (Collectif pour la protection des riverains de l’autoroute A184), Non au Pont d’Achères a déposé ce lundi 6 novembre un référé-suspension auprès du Tribunal administratif de Versailles, avec pour objectif de faire interrompre le chantier.
“Ce projet routier est un énorme gâchis, lâche Denis Millet. Il ne correspond à aucune demande des habitants du territoire, il va juste détruire notre patrimoine naturel… Quand on voit que Macron nous parle de dérèglement climatique, d’arbres à planter et qu’ici, ils détruisent tout, je commence à comprendre pourquoi la colère monte dans ce pays.”
Une pétition a également été mise en ligne et une manifestation est prévue le 12 novembre prochain.
Sollicité, le conseil départemental n’a pas répondu à notre demande d’interview.