Depuis l’annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale le 9 juin et une potentielle majorité du Rassemblement National, le nombre d’actes racistes et homophobes se sont multipliés. Les langues se délient, les violences physiques prolifèrent. Beaucoup d’agresseurs font référence au RN. Un avant-goût sinistre de la violence qui régnera dans le pays si le RN prend le pouvoir ?
« Effectuer un nettoyage impitoyable et virulent du quartier »
« Nègre », « PD », « dégage » ! Les inscriptions en lettre rouge sont retrouvées à l’intérieur d’une boulangerie d’Avignon incendiée dans la nuit du 26 au 27 juin. Pas moins de 7 départs de feu ont été repérés par les enquêteurs. Les insultes visent directement un apprenti boulanger de 17 ans, d’origine ivoirienne.
Le 1er juillet, au lendemain des élections législatives, une commerçante de Perpignan, nommée Brigitte, a reçu une lettre anonyme lui demandant de « préparer son retour en Afrique ». Le lien avec le RN est d’emblée exprimé : « suite aux élections du 29 juin 2024, la situation à Perpignan a considérablement changé ». Et ensuite d’enfoncer le clou : « nous allons dès le mois de septembre effectuer un nettoyage impitoyable et virulent du quartier afin d’en restaurer l’atmosphère catalane d’antan. »
A Chatou (Yvelines), des habitants ont été visés, mi-juin, par des lettres à caractère raciste. « Stop aux blacks à Chatou », « Ras le bol des africains qui sont toujours dépendants de la France pour pouvoir survivre ».
Une rhétorique qui se répète partout en France. « Te voilà encore toi ? On t’a invitée ? Non ! Tu dégages ! J’ai quitté les HLM à cause de gens comme toi, lance-t-elle. On fait ce qu’on veut, on est chez nous. Va à la niche ! », un couple de sympathisants RN de Montargis (Loiret) invective leur voisine, Divine Kinkela, tout cela devant les caméras d’Envoyé Spécial.
Ils accusent « les Mustapha, les tout ce que vous voulez », de « ne pas respecter les coutumes de la France ». Divine Kinkela a depuis porté plainte pour « provocation publique, violences aggravées et harcèlement moral », ainsi que pour « injures publiques à caractère raciste ».
Interrogée par La Voix du Nord, Marine Le Pen n’a pas condamné les propos, préférant attaquer l’audiovisuel public et Envoyé Spécial, qu’elle qualifie « d’émission ultrapolitisée à l’extrême gauche ».
Attaques racistes envers les journalistes
Fin juin, une lettre anonyme a été adressée à Karim Rissouli, journaliste à France 5 présentateur de C ce soir et anciennement de C Politique. « Le peuple français historique en a plein le cul de tous ces bicots. Le souchien (Français de souche, ndlr) ne t’acceptera jamais, ni toi ni tes frérots, et même malgré le nombre, vous ne posséderez jamais la France. »
Un pamphlet extrêmement violent qui rappelle que l’extrême droite s’attaque en premier lieu aux médias, à la liberté éditoriale, aux institutions. Des typologies d’insultes que le journaliste Mohammed Bouhafsi reçoit quotidiennement depuis quelques semaines sur ses réseaux sociaux, de l’ordre de quatre à cinq fois par jour.
« Bientôt c’est la fin de la France pour les bougnoules ! Le bateau et retour au bled pour les connards et les racailles comme toi » a-t-il pu lire dans ses messages privés. Interrogé par Le Monde, il a déclaré que, avant le 9 juin, ce type de message lui était envoyé « une fois par mois ».
Le racisme n’est pas une opinion, c’est un délit. Soutien à Karim Rissouli et merci pour cette vidéo. À ceux qui font les délicats, cette histoire devrait vous décider. Il n’y a qu’un barrage contre cette saloperie, voter pour le #NouveauFrontPopulaire pic.twitter.com/1iEY3T5u4r
— Edwy Plenel (@edwyplenel) June 25, 2024
« Descends, si t’es un homme »
Si les langues se délient, les poings aussi. Le 26 juin, deux jeunes hommes âgés de 25 ans sortent d’une pizzeria à Cessy (Ain). Fortement alcoolisés, ils crient, sont agités. Mourad sort sur son balcon pour les calmer. « Ici on est en France sale bougnoule », « on est chez nous, t’es pas chez toi », « descend si t’es un homme » lui crient les deux individus. Mourad s’exécute.
S’ensuit un déferlement de violences. Il est roué de coups, nez cassé, nombreuses fractures. Inconscient et laissé pour mort, il a tenu à être présent au procès expéditif de ses agresseurs le 1er juillet. Les deux hommes ont été condamnés à trois ans de prison chacun.
Une agression similaire, cette fois-ci à caractère homophobe, a eu lieu à Paris le soir des élections européennes. Quatre membres de l’ultradroite, fêtant la victoire de Jordan Bardella dans les rues de la capitale, interpellent un jeune homme en criant « sale pédé, t’es un trans », avant qu’un des agresseurs lui assène un coup de poing au visage.
Durant leur garde à vue, les quatre hommes multiplient les intimidations : « vous ne savez pas qui je suis, vous verrez demain ce qui va vous arriver », « vous verrez quand Bardella sera au pouvoir, quand Hitler reviendra. »
L’un des agresseurs est bien connu des policiers : Gabriel Loustau, l’un des chefs du GUD qui menait la marche des néo-fascistes de France sur Paris le 11 mai dernier. Ce néo-nazi homophobe incarne ainsi son héritage familial : son grand-père Fernand, ancien membre de l’OAS (organisation terroriste clandestine française proche de l’extrême droite), était un ami proche de Jean-Marie Le Pen et a été l’un des financiers du Front national.
Preuve que le parti a beau avoir changé de nom, son passé est sans doute la prophétie la plus crédible sur ce qu’il risque d’advenir en France dans le cas où il prendrait le contrôle de l’Assemblée nationale.
Ces actes homophobes et racistes, pour le moment inquantifiables, connaissent une recrudescence terrifiante depuis plusieurs semaines. Depuis le 9 juin, nos collègues de Mediapart ont recensé plus d’une agression raciste par jour. Le vote RN s’explique par une multitude de facteurs sociaux, politiques, économiques, et n’est pas forcément issu d’intentions malsaines, mais force est de constater que le racisme et l’homophobie sont encore et toujours amplifiés par le Rassemblement National.
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