En Limousin, les coupes rases défigurent le paysage. Des acteurs de la filière industrielle du bois et du papier saccagent des forêts tout en revandiquant une sylviculture durable. Une forme de gestion forestière « qui détruit le vivant » contre laquelle se battent des habitants soutenus par l’association Canopée.
« La coupe rase de trop ! »
Le samedi 15 février, sur la commune de Chamberet, dans le nord de la Corrèze, plusieurs dizaines de personnes se sont rassemblées à l’initiative du « collectif chambertois contre le saccage forestier ». Leur objectif : alerter la population et les élus et protester contre « la coupe rase de trop » : 16 hectares de forêt diversifiée rasés à blanc.
« Le but était de faire une randonnée-découverte du massacre, raconte Corinne, une retraitée habituée des luttes contre les coupes rases dans la région, pour La Relève et La Peste. C’était un cortège funèbre. On était sur une route sinueuse, à travers un paysage somptueux à l’entrée du massif des Monédières. Et d’un seul coup, on voit les tas de grumes. Au diamètre des arbres coupés, ces hêtres, chênes, ou châtaigniers étaient plus que centenaires ».
En Limousin, les coupes rases qui se multiplient suscitent de nombreuses oppositions. Début 2023, une importante mobilisation avait eu lieu à Tarnac (Corrèze) pour défendre le Bois du Chat contre une telle coupe. Début octobre 2024, plus de 2 000 personnes s’étaient mobilisées à Guéret (Creuse) pour dénoncer « l’accaparement » et le « saccage » des forêts limousines.
Loin de vouloir mettre les forêts sous cloche, la plupart des opposants aux coupes rases défendent une gestion sylvicole respectueuse du vivant : une production de bois qui tient compte des différents rôles que jouent les forêts.
Aujourd’hui, les propriétaires forestiers peuvent raser intégralement des parcelles présentant un grand intérêt écologique et patrimonial : « des riveraines habitent à 500 m, témoigne Corinne. Elles nous ont dit vivre un cauchemar : elles faisaient leur randonnée ici tous les jours !
Une destruction brutale de la biodiversité
À cet impact paysagé, s’ajoutent les conséquences dramatiques de cette coupe pour la faune et la flore.
La coupe rase d’une parcelle forestière conduit en effet à l’annihilation totale de l’habitat d’un nombre incalculable d’êtres vivants : une vision de la gestion forestière sans aucune considération pour la biodiversité.
« Ce paysage, c’est l’enfer, décrit Corinne. Tu passes de la vie à la mort. Il n’y a pas d’autre image. »
Bruno Doucet, chargé de campagne pour l’association Canopée, rapporte le témoignage de certains employés du Parc naturel régional de Millevaches en Limousin. Ils auraient entendu des pics noirs – une espèce protégée – poussant des cris et cherchant leurs loges : des cavités creusées dans les arbres et servant à l’installation du nid.
Enfin, les coupes rases, en détruisant les arbres et en mettant à nu les sols forestiers chargés de matières organiques, libèrent d’importantes quantités de carbone (CO2) dans l’atmosphère.
Le greenwashing de l’industrie forestière
L’ampleur de cette coupe rase, met en évidence le greenwashing organisé par des acteurs de l’industrie forestière.
La coupe est effectuée par le Comptoir des bois de Brive, une filiale du producteur de pâte à papier américain Sylvamo. Le Comptoir des bois de Brive affiche pourtant ses ambitions environnementales et assure travailler « à une gestion durable des forêts ».
Le groupe Sylvamo se dit quant à lui « spécialistes de la certification forestière (FSC et PEFC) », deux labels internationaux de gestion durable des forêts. Sylvamo est par ailleurs « partenaire du WWF France ». Sur son site internet, l’ONG prête à l’entreprise l’ambition « de renforcer ses pratiques respectueuses de l’environnement ».
Bruno Doucet parle quant à lui de « forêt ravagée » par l’entreprise. « On a alerté l’OFB (Office français de la Biodiversité), le CNPF (Centre National de la Propriété Forestière), la DDT (Direction Départementale des Territoires), Sylvamo, PEFC et FSC » ajoute-t-il pour La Relève et La Peste.
Il appelle ainsi l’entreprise Sylvamo à « arrêter tout de suite cette coupe » et à « revoir fondamentalement ses pratiques ».
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