Les lignes et pylônes électriques français qui maillent le territoire depuis des décennies n’épargnent pas les nombreux oiseaux, locaux comme migrateurs, qui viennent régulièrement s’y percuter ou s’y électrocuter. Pour tenter de limiter au mieux le phénomène, le Comité national Avifaune, créé il y a déjà 20 ans, permet aux gestionnaires de réseaux, à l’image d’Enedis et RTE, et aux associations environnementales, de trouver un terrain de travail commun et ainsi mettre en place des solutions pérennes.
Le danger des lignes électriques pour les oiseaux
Tout récemment, des cigognes migrant notamment vers l’Afrique de l’Est et passant au-dessus de la Bourgogne-Franche-Comté, ont été recueillies par le Centre Athénas afin d’y être soignées suite à des collisions avec des lignes électriques. Une opération n’étant pas rare, et qui touche tout type d’oiseaux sur l’ensemble de la France.
Afin de réduire le plus possible les collisions, un comité bien particulier a été créé il y a maintenant une vingtaine d’années. Le Comité national Avifaune avait en effet été pensé, déjà à l’époque, dans l’objectif de réunir les gestionnaires de réseau (Enedis et RTE) et les associations environnementales, France Nature Environnement (FNE) et la LPO, afin de trouver ensemble des solutions limitant l’impact des lignes électriques sur les oiseaux, et plus précisément les collisions et électrocutions.
« Des aménagements des pylônes dangereux sont régulièrement effectués. Cela permet également d’éviter des coupures sur les lignes électriques. Il s’agit aussi, bien sûr, d’un enjeu financier pour les gestionnaires de réseau. Plus il y a de coupures et plus l’indemnisation auprès des clients est élevée », explique Rémi Gimenez, médiateur du comité national Avifaune, permettant la discussion et la cohésion entre les gestionnaires de réseau et les associations, pour La Relève et la Peste.
« Les cigognes sont un bon indicateur de ces évolutions communes. C’est une espèce qui a failli disparaître de France dans les années 70. Aujourd’hui, il y a deux bastions, en Alsace et en Charente. Et là, on retrouve des nids sur quasiment tous les pylônes. C’est assez impressionnant. Il y a bien sûr une amélioration des pylônes, mais c’est vrai qu’il faut aussi prendre en compte le réchauffement climatique dans le retour de ces nombreux couples. Les effaroucheurs, les dispositifs anti-collision sur les lignes, fonctionnent également très bien », précise Rémi Gimenez pour La Relève et la Peste.
Du côté des gestionnaires de réseau, la mission principale en tant que service public réside dans la continuité et la qualité de l’alimentation en électricité des habitations et bâtiments. Pour les associations cette fois, l’essentiel est de préserver la santé des oiseaux, locaux comme migrateurs.
Aménagement des pylônes
Si certains départements ont encore une marge de progrès considérable à effectuer, d’autres ont bien compris l’importance transversale d’un tel travail commun.
« Cela permet une mise en œuvre concrète sur le terrain. Certaines configurations de poteaux sont connues pour être dangereuses pour les oiseaux. Lorsque l’information est remontée du côté associatif, suite à des décès d’animaux, les gestionnaires de réseaux vont ensuite pouvoir intervenir pour isoler, protéger ou dissuader sur les zones concernées », ajoute le médiateur environnemental à La Relève et la Peste.
Une étape curative, mais qui ne règle pas le problème parfois récurrent de l’absence de remontées.
« Malheureusement, les carcasses peuvent avoir tendance à disparaître très rapidement, ce qui ne permet pas d’intervenir de façon efficace », continue Rémi Gimenez.
Le deuxième type de solutions réside cette fois dans la mise en place de politiques adaptées à plus grande échelle.
« Un exemple, qui n’est pas spécialement centré sur les collisions mais qui est lié, c’est l’entretien de la végétation sous les lignes. Cela représente tout de même une perturbation, voire de la destruction d’habitats. L’an dernier, des réunions ont permis l’identification de 11 zones avec 5 niveaux de priorité. Sur ces secteurs, les gestionnaires de réseaux s’engagent à éviter le gyrobroyage, mais aussi à ne pas intervenir durant les périodes de nidification dès cette année », ajoute le médiateur du Comité national Avifaune.
Aujourd’hui, l’objectif est de reproduire ces discussions et solutions mises en place à l’échelle nationale de façon locale. « Un comité régional Avifaune a par exemple été créé en Rhône-Alpes Auvergne et fonctionne très bien. Il faut désormais le décliner dans d’autres régions ».
À l’heure actuelle, cependant, aucun indicateur n’existe pour mesurer les évolutions effectives suite aux travaux communs. « Le problème, c’est que nous sommes limités financièrement. Il s’agit surtout ici de bonne volonté. Nous souhaiterions évidemment le mettre mais également mieux communiquer, notamment entre les partenaires, mais aussi avec les régions », ajoute Rémi Gimenez.
Le projet « Life Safe Lines Forward »
En parallèle, les Life Safe Lines Forward (LIFE), des projets européens financés par la Commission européenne et imaginés par le Comité national Avifaune, ont quant à eux depuis un an l’objectif pour de protéger les collisions, les électrocutions et les perturbations de 13 espèces d’oiseaux identifiées en Belgique, en France et au Portugal.
« Il y a aussi tout un volet de partage des connaissances, mais aussi l’installation d’un nouveau matériel, de l’étude de son efficacité, sans oublier le développement de nouveaux pylônes avec des tests pour voir si cela fonctionne. Aussi, des cartes de chaleur seront créées, puis transmises aux gestionnaires de réseau. L’idée, c’est de savoir où les tracés peuvent être faits, où les interventions sont délicates », explique le médiateur Avifaune.
Il est également important de rappeler qu’en France, le nombre de lignes électriques est en constante progression. À ce jour, RTE possède 105 000 km de lignes, quand Enedis en compte près d’1,4 millions.
« Dans le cadre de la réindustrialisation de la France, il est choisi d’augmenter la production d’électricité. Qu’il s’agisse de parcs éoliens, de grosses fermes photovoltaïques ou d’éoliennes offshore, cela nécessite la construction de nouvelles lignes d’évacuation et donc d’un nouveau réseau », ajoute Rémi Gimenez.
Dont une partie pourrait tout de même être finalisée de manière souterraine et réduire ainsi l’impact sur les oiseaux, mais pas totalement sur la biodiversité dans son ensemble…
Un autre monde est possible. Tout comme vivre en harmonie avec le reste du Vivant. Notre équipe de journalistes œuvre partout en France et en Europe pour mettre en lumière celles et ceux qui incarnent leur utopie. Nous vous offrons au quotidien des articles en accès libre car nous estimons que l’information doit être gratuite à tou.te.s. Si vous souhaitez nous soutenir, la vente de nos livres financent notre liberté.