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Cette ferme landaise cultive des fleurs sans aucun pesticide

« On se rend compte qu'il y a énormément de fleurs à chaque saison, de février à novembre. Il y a plein de gens qui en produisent. On doit favoriser les fleurs françaises »

A Saint-Cricq-Chalosse (Landes), le Jardin de la Floreta produit des fleurs en agriculture biologique. A l’inverse des fleurs importées saturées de pesticides toxiques, ce soin des écosystèmes est bénéfique à la santé des humains.

Une ferme florale écologique

Un sentiment d’harmonie s’empare immédiatement du visiteur lorsqu’il franchit les portes du Jardin de la Floreta, « la petite fleur » en gascon. C’est sur ce terrain d’un hectare, depuis 2021, que la jeune Illia Tousis, parfois aidée de son compagnon Maximilien, produit des fleurs coupées en agriculture biologique en plein champs et sous serres froides.

A cette période de l’année poussent Cosmos, Dahlias, Zinnias, Nicotine, Phlox, Astilbe, Rudbeckias, Gomphrenas, Statices, Roses d’Indes, Alstromères, Glaïeuls, Tournesols, Lisianthus, Agapanthe, Matricaire, Reines marguerites, Hortensias, Célosies, et Graminées.

C’est après une expérience de deux ans en maraîchage, où Illia a réalisé à quel point « ce métier est très difficile et très ingrat, peu reconnu à sa juste valeur », que la paysanne s’est naturellement tournée vers la production de fleurs.

« Après mon CAP fleuriste, j’ai visité plein de fermes et rencontré plein de floriculteurs pour me former. Il y a de nombreuses personnes en France qui ont redynamisé la production florale et sont très inspirantes », raconte Illia pour La Relève et La Peste.

Illia a notamment rejoint le Collectif de la Fleur Française, une association qui regroupe les fleuristes, producteurs et grossistes engagés autour de la fleur française de saison.

« C’est un véritable réseau de gens qui se soutiennent et partagent leurs bonnes pratiques. On n’est pas complètement isolés, chacun dans sa ferme. On est quand même assez fédérés ».

Une production en agriculture biologique

Pour Illia, le choix de l’agriculture biologique a été une évidence. « Je ne me suis même pas posé la question. J’ai une sensibilité liée à l’environnement qui date de l’enfance, avec une famille préoccupée par ces problématiques environnementales. Je me suis forgée, et j’ai évolué avec toutes ces choses. Cela fait partie de moi », raconte Illia pour La Relève et La Peste

Sa première expérience en maraîchage a été une vraie force car les pratiques agroécologiques sont les mêmes pour les fleurs : zéro pesticides ni intrant chimique, des rotations, des cultures en plein champ, une économie de l’eau qu’Illia récupère des serres vers un bassin de rétention, etc. Ces exigences demandent une planification précise.

Les pollinisateurs prospèrent au Jardin de la Floreta

« Pour nourrir mon sol, j’utilise du fumier et travaille les engrais verts, souvent des mélanges de Phacélie, de Vesce, etc. Ces choix de variété me permettent aussi de décompacter mon sol » détaille Illia

Les fleurs du Jardin de la Floreta sont cultivées à partir de semences ou de bulbes avec lesquels Illia fait un travail de multiplication et de reproduction « pour pouvoir adapter mes fleurs à mon environnement et à ma terre ».

Pour soigner ses fleurs contre les maladies et les ravageurs, Illia utilise beaucoup de purins et favorise la prévention au curatif, beaucoup plus délicat en agriculture biologique. Elle adopte aussi une lutte mécanique avec l’installation de filets sur les fleurs pour limiter l’emprise des ravageurs, et l’installation d’ombrières pour les protéger des vagues de chaleur.

Illia récolte les fleurs le matin pour qu’elles soient gorgées de l’humidité de la nuit

Les pesticides dans les fleurs : un fléau méconnu

Cette année a été marquée par un triste drame. Décédée à l’âge de 11 ans suite à une exposition prénatale aux pesticides, Emmy Marivain est la première enfant dont la mort a été reconnue par le Fonds d’indemnisation des victimes de pesticide (FIVP). Sa mère était fleuriste.

« Énormément de fleuristes ne se rendent pas compte de la toxicité des végétaux qu’ils manipulent, des impacts et des risques qu’ils peuvent avoir pour leur santé. Il n’y a pas du tout de prévention. On ne nous parle pas de tout ça lors de la formation » soupire Illia.

Dans les écoles, les apprentis fleuristes travaillent sans aucun moyen de protection : ni gants, ni masques. « Je pense qu’il y a un profond déni dans la filière », exprime Illia. « Quand on en parle, c’est minimisé. Ce n’est pas forcément bien accueilli ».

Le Jardin de la Floreta suit le cahier des charges en agriculture biologique et n’utilise aucun pesticide

Pourtant, 80 % des fleurs coupées commercialisées en France sont importées de pays extérieurs à l’Union européenne (Colombie, Équateur, Kenya…). Elles sont imprégnées de nombreux pesticides interdits en Europe. En février 2025, l’association de consommateurs UFC-Que choisir révélait « une contamination massive des fleurs coupées par des pesticides ».

« Les résultats sont effarants : nous avons identifié dans chaque bouquet entre 7 et 46 résidus de pesticides différents », détaille l’enquête. Parmi eux, « près de 12, en moyenne, présentent possiblement ou certainement un danger pour la santé ».

La contamination des résidus de pesticides dans l’organisme passe par les mains, l’inhalation, et le fait de manger ou boire à proximité des fleurs. Les pesticides peuvent être diffusés de la même façon dans les maisons et les endroits clos.

Résultat, les personnes qui achètent des fleurs aux pesticides ne se rendent pas compte de leur impact sur leur santé. Une méconnaissance du grand public en partie provoquée par l’absence de réglementation et d’étiquetage sur les fleurs en France. Impossible de savoir comment elles ont été produites.

Grâce à des fleurs saines, Illia n’a pas besoin de protection pour confectionner ses bouquets.

Un métier bucolique mais difficile

Comme tout jeune agriculteur, l’installation d’Illia a été digne d’un parcours du combattant pour trouver une terre. Pire, le tout-nouveau statut de paysan-fleuriste n’existe pas dans les cadres classiques, ce qui a complexifié son installation.

Avec une passion qui grandit d’année en année, Illia se dit désormais très heureuse, malgré un salaire encore en-dessous du SMIC à cause des investissements effectués pour s’installer. Elle préfère recruter un salarié chaque été pour l’aider et lui dégager 1 jour ou 2 de repos par semaine en haute saison, afin de tenir sur la durée.

Elle doit également garder un fonds de roulement en cas de coup dur. Les fleurs ne sont pas prises en charge par les assurances qui s’appuient sur des rendements attendus à l’hectare pour les autres cultures agricoles.

« Les conditions climatiques sont de plus en plus compliquées. Les revenus sont toujours assez précaires. On ne sait jamais d’une année sur l’autre comment ça va se passer ».

C’est pourquoi la paysanne-fleuriste a rejoint la Confédération Paysanne des Landes, et milite pour que les paysans aient accès à un revenu minimum en cas de coup dur.

Des ombrières ont été installées dans les serres pour les grosses chaleurs

La saisonnalité des fleurs

Illia utilise trois biais de commercialisation : les fleuristes, qui souhaitent étoffer leur gamme avec des variétés différentes et plus résistantes dans le temps, les mariages et les marchés. Dans ce territoire rural de Chalosse, le Jardin de la Floreta a dû affronter les préjugés.

« Au début, beaucoup de gens ne comprenaient pas ce que je faisais. Ils m’ont pris pour une fleuriste et n’intégraient pas le concept de les faire pousser aussi. Beaucoup de gens pensaient que je n’allais pas m’en sortir, parce que ça parait un peu idéalisé » se remémore Illia.

Si les jeunes générations sont tout de suite convaincues par sa production écologique, la population plus âgée, habituée aux fleurs agro-industrielles, ne comprenait pas qu’on puisse cultiver des « bouquets de bord de route ».

Un parterre de Cosmos au Jardin de la Floreta

« Dans leur tête, c’est associé à ce qu’ils désherbent, où ils passent la tondeuse tous les jours. Ce sont des fleurs qu’ils éliminent parfois et n’ont jamais envisagées autrement » précise Illia.

Petit à petit, Illia a mené un travail pédagogique pour « réconcilier un peu les gens avec le monde qui change ». Sa patience a porté ses fruits, et sa clientèle est à présent très fidèle sur les marchés, y compris parmi les plus sceptiques du début !

« C’est une grande satisfaction pour moi, ça fait du bien, sourit Illia. Cela prouve que j’ai réussi à leur faire changer d’avis et leur faire voir les choses autrement. J’affine mes compétences chaque année donc, c’est vraiment une satisfaction de revoir des variétés de fleurs refleurir, de belles émotions ».

La paysanne-fleuriste complète ses créations par du glanage d’arbres, d’arbustes et de fleurs en fonction des saisons. Un travail de terrain qui lui permet d’enseigner les saisonnalités des fleurs pour mieux les apprécier.

« On se rend compte qu’il y a énormément de fleurs à chaque saison, de février à novembre. Il y a plein de gens qui en produisent. On doit favoriser les fleurs françaises » conclut-elle en souriant.

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Laurie Debove

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