Ce refuge landais sauve les chiens de l’euthanasie

Les beagles, des chiens de laboratoire

Lorsque l’on arrive chez Olivia, le visiteur est d’abord accueilli par des aboiements enthousiastes et des quadrupèdes curieux. Olivia a créé la pension pour chiens « I Love my Dog », située à Saubrigues, il y a 20 ans.

A l’inverse d’un chenil classique où les chiens sont dans des cages, cette pension familiale leur offre un espace de liberté sur 5 ha. Dans cet écrin de verdure coule une rivière, et deux grands arbres trônent au milieu de la cour centrale. Connue pour son amour des beagles, c’est un coup de téléphone qui a tout changé pour Olivia.

« En 2021, une vétérinaire m’a appelé, raconte Olivia pour La Relève et La Peste. Elle avait soigné le chat d’une dame qui travaillait en laboratoire et lui avait confié que tous les chiens d’expérimentation allaient être euthanasiés. Emue, cette vétérinaire a alors cherché des endroits où ces animaux pourraient être accueillis ».

Pour Olivia, « la mission l’a choisie ». Dans ce laboratoire, ces beagles issus d’un élevage spécifique sont utilisés pour de la biotechnologie. Ils servent de cobayes pour des vaccins ou des médicaments, etc. à usage humain. Certains protocoles signifient la condamnation à mort de ces animaux. Pour analyser les réactions de leur organisme, les chercheurs les euthanasient pour voir l’état des organes après tel ou tel test.

Son refuge leur donne une nouvelle vie. Les premiers chiens recueillis avaient 6 ans quand ils sont sortis du laboratoire. Les autres chiens sauvés avaient entre 2 et 6 ans à leur libération.

Vanessa a adopté Tadi ancien chien de labo

La méconnaissance mène à l’abandon

Depuis 2021, Olivia a sauvé près de 80 beagles de laboratoire. La majorité d’entre eux ont fini par être adoptés. Pour certains, traumatisés et craintifs, le processus d’adoption est plus long. Parfois, un coup de cœur inattendu vient guérir les plus grandes blessures. C’est ce qui est arrivé à Vanessa, une habituée qui a créé la tribu I Love My Dog. Elle organise des balades une fois par mois sur la plage avec tous les adoptants de chiens de labo du refuge.

« Vanessa est venue une fois avec des copines qui voulaient adopter. Alors qu’elle avait déjà un beagle, elle a eu un coup de cœur pour Taddy. Et elle a entamé une aventure assez compliquée avec Taddy parce qu’il ne se laissait pas approcher. Au bout d’un an, il est venu se coller à elle alors qu’elle s’était assoupie, une magnifique victoire » sourit Olivia.

Peu à peu, Olivia a fini par accueillir beaucoup d’autres beagles. Ces chiens dormeurs sont très gourmands. Livrés à eux-mêmes, ils déploient des trésors d’ingéniosité pour piller les réserves de nourriture. Ce qui peut provoquer de nombreux abandons par des humains ignorant leurs besoins essentiels…

« Le beagle n’est pas l’un des chiens les plus faciles du monde, mais c’est surtout un chien de meute, très sociable, qui a besoin d’être avec ses congénères, explique Olivia pour La Relève et La Peste. Alors, quand des gens m’appellent et qu’ils sont vraiment tristes de se séparer de leur chien, je leur recommande d’en prendre un deuxième s’ils en ont les moyens »

Olivia promène ses protégés sur la plage landaise

Chaque année, plus de 200 000 animaux de compagnie sont abandonnés en France, faisant du pays le « champion de l’abandon » selon les associations de protection animale. Un triste record qui fait déborder les refuges et les oblige à euthanasier des milliers d’animaux.

C’est pourquoi Olivia reçoit régulièrement des appels de fourrières qui veulent éviter à certains chiens l’euthanasie. Parmi les races les plus concernées : des chiens d’apparence malinois ou pitbull. Et sa mission prend désormais une ampleur internationale.

« J’ai récemment accueilli des chiens qui viennent de l’énorme fourrière roumaine de PietraNam. Ainsi que des chiens qui viennent directement du marché de la viande de Chine ! C’est une véritable héroïne, Eva, qui se bat pour ces chiens voués à un sort cruel » explique Olivia à La Relève et La Peste.

Parfois, ce sont des portées entières de chiots qui sont laissées dans la forêt landaise ou carrément sur les parkings des supermarchés. Olivia est alors appelée pour les recueillir et leur trouver une famille.

Ayki, 3 mois, a été abandonné dans la forêt

Un sanctuaire et centre de formation

Pour Olivia, l’abandon n’est pas une fatalité et chaque « comportement problématique » d’un chien trouve souvent sa source dans un problème méconnu par les propriétaires. C’est pourquoi elle souhaite créer un sanctuaire encore plus grand, qui servirait aussi de centre de formation : Jaraya, ce qui veut dire « chérir » en sanskrit.

« Avec des éducateurs qui vont organiser des ateliers, des praticiens de santé animale et des soins holistiques, précise-t-elle. Il s’agit de comprendre les besoins du chien, comme la mastication, qui est primordiale ».

Effectivement, en ce milieu d’après-midi, tous les chiens autour de nous sont consciencieusement en train de mastiquer jouets et bouts de bois. Olivia a déjà repéré des terrains pour son futur projet, et a lancé une campagne de financement participatif pour l’aider à boucler le projet avec ses mécènes.

Olivia a mis toutes ses économies dans le refuge. Pour assumer ce travail à temps très complet, elle peut compter sur l’aide de woofers, bénévoles et sympathisants. Son dévouement pour la cause canine lui vient de l’amour inconditionnel qu’ils donnent.

« Cela a du sens pour moi, ce que je fais, parce que je suis complètement à ma place et je me sens complète. Avec eux, je n’ai pas besoin de mettre de masque, confie Olivia. On ne peut pas mentir, cela ne sert à rien. Eux, ils savent. Ils savent qui nous sommes. Et ils nous aident à le comprendre de nous-mêmes »

Olivia a également une grande admiration pour leur intelligence et sensibilité hors-norme. Certains chiens sont dressés pour « sentir » des maladies chez des humains, tous ont la capacité de faire réduire le taux de cortisol chez les humains.

« Les humains se sont octroyés un statut, une place tout en haut de l’échelle animale, où on prend des vies, on les traite comme des marchandises ou des outils. Je mets les chiens parfois au-dessus de moi, parce qu’ils ont une intelligence différente. Surtout, ils vivent au présent et cette façon d’être est exceptionnelle, ils sont nos meilleurs enseignants » conclut-elle.

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