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BlackRock, investisseur dans le pétrole, nommé conseiller environnement par l’UE

Pour ajouter le scandale à la compromission, le Guardian révèle que les conflits d’intérêts dans cette affaire sont légion. Rien qu’en 2018, l’hydre américaine de la finance aurait dépensé un million et demi d’euros dans le lobbying auprès de l’Union, pour un total de trente-cinq rencontres avec la Commission européenne.

Depuis quelques jours, BlackRock est à nouveau au cœur de l’actualité. Le plus grand gestionnaire d’actifs au monde, directement impliqué dans le financement des énergies fossiles, a été sélectionné par la Commission européenne pour réaliser une étude portant sur les moyens d’intégrer les enjeux climatiques dans la supervision des banques. Un scandale qui noircit une fois de plus l’honnêteté de l’Union.

L’influence de BlackRock au sein du gouvernement français

BlackRock, multinationale américaine spécialisée dans la gestion d’actifs, s’est fait connaître du grand public lors de la réforme des retraites. À lui seul, ce monstre de l’investissement administre plus de 7 000 milliards de dollars d’actifs — deux fois et demie le PIB de la France —, une manne financière multipliée par vingt depuis les années 2000. C’est dire son succès.

Mais d’où vient toute cette fortune ? Pour la majeure partie, ce sont des « investisseurs institutionnels », des institutions publiques, des entreprises ou des banques, qui confient leur argent au géant financier, en charge de le faire fructifier à la bourse ou dans l’économie dite « réelle ».

Gestionnaire d’actifs financiers, BlackRock n’est pas à proprement parler un « fonds de pension » ; mais il s’agit d’un simple abus de langage, puisque la firme américaine compte parmi ses investisseurs un très grand nombre de fonds de pension et de gestionnaires d’épargne-retraites.

Elle a donc tout à gagner de la récente réforme des retraites soudainement gelée par la crise du coronavirus. Si elle est menée à terme, la réforme clef du quinquennat constituera un tournant majeur en France, en ouvrant la voie à la capitalisation des pensions, et donc à leur préhension par des fonds ou des gestionnaires privés comme BlackRock et consorts.

Le géant américain rêve de s’implanter en France. C’est un fait, et la réforme des retraites lui fait caresser tous les espoirs. À l’heure qu’il est, l’entreprise n’est présente dans notre pays que depuis 2006, mais gère déjà 27,4 milliards d’euros pour le compte de clients français, possédant par ailleurs des actions dans la moitié des entreprises du CAC40.

Jean-François Cirelli, à la tête de la filiale française de BlackRock, fut un temps le conseiller économique de Jacques Chirac à l’Elysée. En janvier 2020, il y a seulement quatre mois, il figurait dans la nouvelle promotion de l’ordre national de la Légion d’honneur. En plein milieu d’un mouvement massif de contestation, cette récompense a scandalisé l’opinion et provoqué une avalanche de révélations.

Selon Mediapart, BlackRock aurait ses entrées à l’Élysée et conseillerait le gouvernement depuis des années en matière de retraites et d’épargne. En juillet dernier, le grand patron du mastodonte américain, Larry Fink, a même participé à un séminaire élyséen consacré à la lutte contre le changement climatique, preuve supplémentaire que notre gouvernement est déconnecté de toute réalité.

Si BlackRock ne mettra certes pas la main sur les retraites de tous les Français, les plus généreuses d’entre elles lui sont désormais accessibles : la brèche est ouverte et l’entreprise s’en réjouit. 

Bref, vous l’aurez compris, BlackRock pèse très lourd et peut faire bien plus que chuchoter à l’oreille des gouvernements : l’entreprise les conseille, les influence et monopolise auprès d’eux les missions d’évaluation et d’expertise, afin de s’assurer que son dogme sera entendu.  De nouveaux événements viennent encore de le prouver.

En février 2020, des activistes climat s’étaient introduits dans les locaux de BlackRock

La nomination par la Commission européenne

Comme nous l’apprend le quotidien anglais The Guardian, BlackRock a récemment décroché un contrat juteux auprès de la Commission européenne, après avoir battu huit autres concurrents.

Pour un montant de 550 000 euros, la branche de conseil financier de l’entreprise devra réaliser une étude répondant à la question : de quelle manière l’Union européenne pourrait-elle prendre en compte le climat et les facteurs sociaux dans sa supervision du secteur bancaire ?

Non, vous ne rêvez pas. Le plus grand gestionnaire d’actifs du monde s’apprête à conseiller l’Europe sur les solutions qu’elle pourrait apporter à la crise la plus grave de l’histoire de l’humanité et orientera certainement la politique bancaire de vingt-sept pays.

Pour ajouter le scandale à la compromission, le Guardian révèle que les conflits d’intérêts dans cette affaire sont légion. Rien qu’en 2018, l’hydre américaine de la finance aurait dépensé un million et demi d’euros dans le lobbying auprès de l’Union, pour un total de trente-cinq rencontres avec la Commission européenne.

BlackRock, qui gère des investissements massifs, figure par ailleurs parmi les trois principaux investisseurs de huit des plus grandes firmes pétrolières de la planète. Ses parts dans les sociétés productrices d’énergies fossiles s’élèvent à 87,3 milliards de dollars, une somme mirobolante que l’entreprise cherche à multiplier, quel qu’en soit le prix pour l’environnement.

Dans une perspective plus concrète, entre 2015 et 2019, BlackRock s’est opposé ou abstenu de voter à 82 % des résolutions concernant le climat dans les entreprises dont il est actionnaire, parmi lesquelles se trouvent également douze des plus importantes banques du monde. On se doute bien que le gestionnaire d’actifs ne conseillera pas à la Commission d’interdire aux banques de financer le marché du pétrole.

En guise de riposte, BlackRock a annoncé en 2020 des mesurettes climatiques : se retirer des entreprises qui tirent 25 % ou plus de leur chiffre d’affaires du charbon et employer ses leviers d’actionnaire pour obliger les sociétés à rendre public les risques climatiques de leurs activités. Mais cette poudre aux yeux ne trompe personne.

Le fait est que l’Union européenne sera conseillée par un géant de la finance dans un dossier crucial de ses politiques environnementales, un géant qui n’a aucun intérêt à ce que le système change d’une quelconque manière, du moins avant qu’il ne l’ait décidé. En obtenant ce contrat, BlackRock rafle une double mise : il se place au cœur des politiques publiques et verrouille le système démocratique. La Commission européenne, le pouvoir exécutif de l’Union, vient une nouvelle fois de prouver sa compromission complète avec le secteur financier qu’elle devrait pourtant combattre.

Crédit Photo Couverture : Dorothee Barth / DPA / dpa Picture-Alliance

Augustin Langlade

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