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Au Japon, 10 personnes ont été tuées par des ours depuis le début d’année

L’inconscience de certains touristes, qui nourrissent les ours, a aggravé la situation. Plus les ours sont habitués aux humains, plus ils les associent à de la nourriture, et plus des accidents peuvent survenir.

Poussés par la faim, les ours du Japon s’aventurent dans les zones urbaines à la recherche de nourriture. En cause : le dérèglement climatique qui détruit leurs moyens de subsistance, et le dépeuplement rural. Résultat, les attaques d’ours se multiplient sur les humains qui doivent apprendre à se protéger.

Des ours affamés par le dérèglement climatique

Il y aurait aujourd’hui 44 000 ours noirs au Japon, dont le poids va jusqu’à 140 kilos, et 12 000 ours bruns dits Ussuri, plus grands et massifs avec un poids allant jusqu’à 400 kilos, que l’on trouve sur l’île la plus septentrionale d’Hokkaido.

Au Japon, les attaques d’ours sur les humains deviennent de plus en plus fréquentes. En 2023, 212 personnes ont ainsi été attaquées par des ours entre Avril et Novembre. En 2025, ce nombre a atteint un record, avec 10 personnes tuées depuis le début de l’année.

Les décès sont principalement survenus dans le nord-est du pays et dans la préfecture d’Hokkaido, au nord, là où se trouvent les ours bruns. Les attaques d’ours ont tendance à augmenter en automne, juste avant l’hibernation. La faible production de faînes et noix, stoppée par le dérèglement climatique, pourrait pousser les animaux affamés vers les zones résidentielles.

« Chez les ours japonais, la période la plus cruciale de l’année est le mois de septembre. C’est le moment où ils consomment beaucoup de nourriture pour accumuler leurs réserves de graisse avant l’hibernation. La raréfaction des fruits secs qu’ils mangent à l’automne peut être due aux gelées tardives ou aux sécheresse, ce qui les pousse à élargir leur quête de nourriture », explique Jean-Jacques Camarra, expert en ours, pour La Relève et La Peste

Attirés par les odeurs alléchantes des cuisines humaines, les ours peuvent se montrer audacieux, comme celui qui s’est introduit dans un supermarché de Numata pour vider le rayon poissonnerie, blessant légèrement deux hommes, l’un septuagénaire et l’autre sexagénaire, en fuyant.

Les hivers plus doux retardent aussi le moment où les ours entrent en hibernation, augmentant les risques de rencontre entre plantigrades. Certaines d’entre elles sont fatales. Une centaine de personnes ont été blessées en2025. Les personnes qui ont suivi les consignes de sécurité, se mettre en boule, protéger leur nuque et leur ventre, sont celles qui s’en sont sorti le plus indemne.

Une coexistence à trouver

Autre facteur de risques : le dépeuplement rural a créé des zones de terres agricoles envahies par la végétation, ce qui estompe les frontières entre les forêts, les montagnes et les villages. Les régions montagneuses ont particulièrement subi un dépeuplement et un vieillissement de leur population. De ce fait, les ours disposent de plus d’espace pour leurs activités.

L’inconscience de certains touristes, qui nourrissent les ours, a aggravé la situation. Plus les ours sont habitués aux humains, plus ils les associent à de la nourriture, et plus des accidents peuvent survenir.

Le cas de la « mère d’Iwaobetsu » en est un exemple tragique. Mascotte de la péninsule de Shiretoko, elle était connue par les locaux pour être impassible face aux humains. Hélas, alors qu’elle était avec ses deux oursons, l’ourse a tué un randonneur de 26 ans cette année. Ce décès remet en exergue la distance de sécurité et l’espace qu’il faut laisser aux grands prédateurs.

« Malgré leur capital sympathie, les ours restent des prédateurs. Et s’ils n’ont plus peur de l’homme, cela peut devenir un problème : nous sommes beaucoup moins forts physiquement que l’ours. S’il vient souvent à proximité des hommes, l’ours peut vite réaliser que le rapport de force est en sa faveur », décrypte Jean-Jacques Camarra, l’un des experts interrogés pour notre livre-journal Animal.

Face à l’estompement des frontières entre humains et ours, le gouvernement japonais a lancé un programme national de sécurité concernant les ours. Vidéos de sensibilisation expliquant comment survivre à une attaque d’ours, intelligence artificielle pour surveiller leurs déplacements, etc.

Cependant, sa mesure la plus controversée est une campagne d’abattage massif. En avril, même l’ours noir a été inscrit sur la liste des espèces « à contrôler » de la préfecture d’Akita, ce qui autorise les chasseurs à l’abattre sans restriction et moyennant une prime. Le gouvernement a également mis en place des subventions pour les munitions et l’enlèvement des carcasses à destination des chasseurs d’ours.

Le Japon a l’habitude d’abattre les individus jugés dangereux pour les humains. À Higashinaruse, un ours a récemment été tué par des chasseurs, car il avait tué un villageois et blessé trois autres personnes. Ailleurs, d’autres communautés au Japon tentent de coexister plus harmonieusement.

À Karuizawa, une ville située à 150 km à l’ouest de Tokyo, le centre de recherche sur la faune sauvage Picchio a mis en place un programme d’effarouchement des ours grâce à une race de chiens adaptée : le chien d’ours de Carélie. Originaire de Finlande, il était traditionnellement utilisé comme chien de chasse, traquant les ours bruns à travers les étendues enneigées des pays nordiques.

« Ils sont essentiels pour maintenir une distance entre nous et les ours. Leur odorat très développé leur permet de détecter et de suivre les ours dans des conditions où nous ne le pourrions pas, et leurs aboiements puissants sont très efficaces pour éloigner les ours et les dissuader de revenir dans les zones habitées », explique le Centre Picchio.

En plus du chien, le Centre Picchio encourage les habitants à utiliser des clôtures électriques dans les zones à risque, des poubelles hermétiquement fermées voire cadenassées (comme au Canada), etc. Depuis son lancement en 2004, le programme a enregistré une diminution très importante des dommages et des incidents impliquant des ours.

Pour Jean-Jacques, la notion de territoire à déterminer est extrêmement importante. « Ce qui est important, c’est de garantir la tranquillité des ours dans leur territoire, surtout pour les femelles avec oursons qui sont déjà pourchassés par les grands mâles. Une façon d’anticiper les conflits serait de multiplier la végétation qui produit de la nourriture pour les ours, afin qu’ils en aient en abondance », explique-t-il.

Le cas du Japon nous rappelle que la coexistence avec les grands prédateurs va devenir un plus grand défi, amplifié par le dérèglement climatique. Et que c’est à nous, humains, d’apprendre à coexister harmonieusement avec le reste du Vivant.

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Laurie Debove

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